Only us ~ Ael

Depuis plus d’une heure déjà, son regard est perdu sur le paysage qui défile au fur et à mesure que ce train trace sa route. A côté d’elle, un sac rempli d’affaires et à ses pieds, son chien qu’elle n’avait pas envie de laisser là-bas. Elle n’a pas vraiment eu l’habitude de l’abandonner plus d’un week-end, elle l’a presque imposé dans la vie d’Ael, et pourtant que ce soit l’un ou l’autre, elle a bien remarqué qu’ils ont réussi à s’apprivoiser. Shiva est un chien excité, qui a besoin de se défouler, tout comme Ael est un homme qui a besoin de se dépenser, peut-être se sont-ils bien trouvés, finalement. Mais c’est son chien, c’est l’un des seuls cadeaux que son père lui ait faits et là tout de suite, c’est sans doute aussi un peu son réconfort. Une lettre déposée sur la table, annonçant son départ de quelques jours chez sa maman, et elle a rassemblé une partie de ses affaires pour partir. C’est plus facile que de l’appeler, plus facile que de lui dire en face et surtout plus facile que de devoir répondre à des pourquoi. Elle n’en a pas le courage, pas la force non plus alors que dans sa tête c’est Tchernobyl, et dans son corps, c’est l’intrusion. Elle le vit mal, elle réagit mal aussi, alors Lilly fuit. Quelques jours. Chez sa maman. Son repère, là où elle se rend quand elle a besoin de conseil, de réconfort, ou tout simplement de réfléchir un peu. Un endroit où elle se sent en sécurité et pourtant, plus la distance s’amoindrit, et plus la peur augmente. Et si sa mère remarquait quelque chose ? Pas possible, c’est pas visible. Pas encore. A part les cernes, peut-être. Mais quel jeune de 22 ans n’a pas de cernes ? Les soirées, la vie à 100 à l’heure. Tout s’explique, non ? La fatigue, aussi. Mais Lilly est une marmotte, ça aussi ça peut s’expliquer. Les nausées, c’est moins facile à expliquer, mais Callie est souvent aux abonnés absents. Du moins, Lilly l’espère, au moins cette fois.

Sur place, voir le visage de sa maman lui réchauffe le cœur, et si l’envie de fondre en larmes est bien plus tentant qu’à l’ordinaire, Lilly se retient. Elle culpabilise d’avoir abandonné Ael, d’être partie alors qu’elle sait pertinemment que depuis deux ans, il est l’un des seuls qui trouvent les mots pour la réconforter. Mais pas cette fois, non. Parce que c’est pas juste un saut d’humeur. C’est pas non plus une prise de tête pour X ou Y histoire, mais ça les concerne tous les deux, et ça va bouleverser leur vie. Lilly a conscience que si elle ne lui en parle pas un jour, il ne lui pardonnerait jamais. En avait-elle l’intention ? Non. Mais le besoin de trouver la force de lui annoncer est tellement grand que le seul endroit pour encore s’entendre penser reste la maison de sa maman. « Ael n’est pas avec toi ? » Un sourire pincé sur le visage alors qu’elle détache Shiva et qu’elle dépose son sac dans l’entrée de la maison Londonienne. « Nan. Avec sa promotion il doit faire ses preuves j’imagine… » Elle fuit son regard, tant mentir à sa mère lui fait presque honte. Elle mange à peine ce midi-là, elle grimpe à l’étage avec son sac et y passe le reste de l’après-midi, alors que sa mère est sortie, son père travaille encore. Finalement, Lilly finit par mettre le nez dehors avec Shiva, en l’emmenant au parc le plus près. Des parents qui profitent des deux ou trois rayons de soleil pour jouer avec leurs enfants, et elle, elle ne cesse de penser à cet étranger qui grandit en elle. Elle pense à son enfance, à son histoire et elle s’imagine un avenir qu’elle n’attendait pas vraiment. Elle appelle sa tante, elle prend de ses nouvelles et à deux doigts de lui annoncer son « problème », elle finit par raccrocher sans rien dire, en gardant tout pour elle.

Le soir même, ses parents lui proposent de venir manger avec eux, et passer le reste de la soirée au ciné. Lilly se contente de leur sourire, en prétextant un retard dans ses planches qui n’est pas. Pourtant là-haut, elle s’imagine une vie avec lui, qu’elle met sur papier et au fur et à mesure que le temps s’écoule, la culpabilité la ronge encore. Elle hésite à l’appeler, mais elle n’en a pas vraiment le courage, parce que la seule chose qu’elle lui dirait en premier, c’est que d’ici plusieurs mois, ils devront partager leur quotidien avec un mini-eux.

Il est tard quand Ael pousse enfin la porte de l'appartement. Et quand il l'ouvre, il n'y a pas de boule de poil blanche qui vient lui faire la fête, pas plus que de Lilly. Comme son portable avait fini par tomber ne rade de batterie en milieu d'après midi il n'avait pas pu consulter ses messages de la journée. Peut être qu'elle était simplement sortie prendre l'air, même de nuit. Parfois ça arrive, qu'à être trop enfermé dans l'appartement le besoin de s'oxygéner se fasse sentir... Mais quand il branche son téléphone il ne voit pas le moindre message de la part de la demoiselle. Pour une Lilly tout de même proche de sa vie sociale et de ses réseaux ce n'est pas normal. Il commence à imager les pires scénario en tête, alors qu'il se lève dans un geste brusque il fait tomber au sol un morceau de papier. Ses yeux balaient les mots écrits à la main. C'est l'écriture de Lilly. Partie chez sa mère. Il fronce les sourcils. Il ne se rappelle pas l'avoir entendu mentionner le moindre voyage la veille au soir. Soit, il était rentré tard aussi... Mais son nouveau poste lui prend beaucoup de temps. Il avait prévenu Lilly même avant qu'ils ne prennent la décision définitive de venir s'installer à Donwell. Il aurait moins de temps à lui consacrer les premiers mois parce qu'il faudrait qu'il prenne ses marques. Bien sûr il rentrait dormir quand il n'était pas de garde la nuit, et comme elle travaillait depuis la maison ils avaient quand même le temps de se voir sur ses days off. En soit le rythme était plus soutenu que quand il était simple pompier à Londres, mais le jeu en valait la chandelle... Ils étaient tous les deux d'accord pour le dire. Mais ce départ soudain, sans le moindre message immisce en lui tous les doutes qui jusque là avaient été repoussés. Comme dans un moment de panique, il va quand même vérifié qu'elle n'est pas partie en prenant toutes ses affaires, et en le laissant là sur le carreau tout seul... L'armoire est là, pleine, ne sont vides que quelques cintres, et une petite valise à disparu. Mais finalement ça ne le rassure pas. Alors que son portable a rechagé un peu de batterie il se décide à le prendre pour composer le numéro de son amour envolé. Bip... Bip... Bip... Répondeur. Il souffle une bonne fois alors que la femme au téléphone lui indique qu'il peut laisser un message. « Lilly c'est moi. Il s'est passé quelque chose ? J'ai vu ton mot... Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu voulais aller chez ta mère, on aurait pu y aller ensemble... Tu peux me rappeler quand tu auras ce message s'il te plait ? Je t'aime. » Le canadien allume enfin les différentes lumières de l'appartement, et puis la télé pour faire un fond sonore. C'est la première fois depuis qu'ils ont emménagé ici qu'Ael se retrouve seul dans l'appartement qui est normalement animé par les bavardages de Lilly et la remuante chienne. Il commence à penser à manger un morceau, mais la seule chose qui occupe son esprit c'est Lilly. Elle n'a pas rappellé, pas plus envoyé de  message. Ca ne lui ressemble pas et ça l'inquiète. La nuit est tombée depuis longtemps. Tu envoies un sms. «Ma chérie ça va ? » Et ça reste sans réponse. IL pense à envoyer un sms à sa mère. Il sait que Callie lui répondra. Si elle est belle est bien chez sa mère comme elle l'a laissé entendre dans son message.  Mais il est tard, et il ne veut pas alarmer le monde entier. Cependant les heures passent et il lui est impossible de trouver le sommeil malgré la fatigue de la journée. Il a envoyé d'autres messages, Lilly n'est pas une couche tôt. Et puis toujours aucune réponse. Donc il a commencé à ressasser. Qu'est ce qui a bien pu se passer pour qu'elle ne lui envoie pas le moindre message ?

Il est quelque chose comme 5h30 du matin quand il monte dans sa voiture acquise toute récemment. Un mail pour le boulot disant qu'une urgence familiale le retiendrait et qu'il ne se présenterait pas aujourd'hui. Cela ne lui ressemble pas, non loin de là. Mais la nuit a été affreuse. Lui même serait le premier à dire que conduire quand on a pas dormis depuis 48h ce n'est pas une bonne idée. Mais la fatigue, et l'inquiétude aidant, le chemin vers Londres se fait de lui même, accompagné de bons cafés trouvés sur la route. 7h sonnante au moment de se garer devant le domicile familier... Ael n'a pas réfléchit qu'en partant si tôt il allait arriver à un horaire peu conventionnel. Inquiet mais pas stupide au point de sonner à cette heure ci il avise un café non loin qui ouvre son volet métallique. Il commande un copieux petit déjeuner qu'il se force à avaler en regardant une rediffusion d'un match de rugby à la télé. Il doit être près de 8h45 quand il se décide qu'il est temps de taper à la porte de sa belle mère. C'est une Callie prête à travailler qui lui ouvre la porte surprise. « Ael ? Qu'est ce que tu fais là ? Tout vas bien ? Lilly m'a dit que tu n'avais pas pu venir parce que tu travaillais.  » Malgré tout elle semble heureuse de le voir, ce qui l'inquiète plutôt c'est la tête d'enterrement sans doute alarmante qu'il a. Elle le laisse entrer sans poser plus de question. « Tu veux un café ? Elle dort encore, tu sais comment elle est... » Le fait qu'elle parle de Lilly endormie en haut a un effet kiss cool sur Ael qui était tendu au plus au point. Callie lui jette un coup d'oeil de plus en plus alarmé. « Qu'est ce qui se passe ? » Il n'a pas encore ouvert la bouche depuis qu'il a sonné, et ne s'est même pas décrisper un tantinet, sauf maintenant. Semblant comprendre le désarrois de la belle espagnole, il finit par sourire malgré tout. « Pardon. C'est la route qui m'a fatigué... Je veux bien un café. » Assis dans la cuisine il passe sa main sur son visage. Une drôle d'impression d'être dans la 4ieme dimension l'accable soudain. Est ce qu'il y avait raison de s'inquiéter autant ? « Lilly est arrivée quand ? » Il demande avec un air détaché, du moins qui se veut détacher. « Hier matin elle a pris le train avec Shiva. Elle ne t'as pas prévenue... ? » Voilà comme si on l'avait invoqué la boule de poil -qui n'a plus rien d'une boule de poil- blanche, qui s'élance pour te sauter dessus. Abandonnant le café qui vient d'être servi il laisse la chienne poser ses pâtes avant sur ses genoux pour la saluer. « J'ai... Eu des problèmes avec mon téléphone, il est tombé dans un égout après une intervention. Du coup je n'avais plus de nouvelles. Mais tout va bien ! » Mensonge éhonté bien entendu. « Ca lui fera la surprise comme ça, je suis sûre qu'elle sera ravie de te voir, on sait qu'elle ne peut pas se passer de toi longtemps ! » Elle s'assoit en face de lui avec son café en main, mais l'oeil qui le couve semble suspicieux. « Tu pourrais aller la réveiller... ? » Il hoche la tête. Maintenant qu'il est là, il a peur qu'elle ne veuille pas le voir. Pourtant il abandonne café, chien, et belle mère pour monter la volée de marche.

Sa soirée, Lilly l’a passée dans sa chambre en attendant que ses parents ne rentrent de leur soirée en tête à tête. C’est peut-être aussi l’une des raisons pour lesquelles elle n’a pas accepté. Elle connait l’emploi du temps de son père, elle voulait peut-être aussi les laisser profiter. Pourtant, elle les voit moins qu’avant, comme le lui avait rappelé son père, en essayant de la faire changer d’avis, mais en vain. La demoiselle avait préféré rester là avec son chien, ses dessins et ses pensées, ses doutes ou encore ses peurs. Peut-être n’avait-elle pas voulu se mettre au-devant de la scène, en sachant pertinemment que sa mère se douterait de quelque chose. Au moins elle… Et l’idée de balancer la nouvelle au beau milieu d’un restaurant, face à la tête de son père qui se décompose alors que le principal concerné n’est au courant de rien, autant dire que le risque à prendre ne la tentait pas vraiment. Shiva étendue dans un coin de sa chambre, Lilly a préféré passer sa soirée à feuilleter des albums photos, dessiner, ou encore bouquiner allongée sur le ventre, essayant de se changer les idées.

Son portable vibrant sur le parquet de sa chambre, elle sursaute en se rendant compte à quel point c’est stupide. Une réaction bien trop disproportionnée, mais son cœur continue à battre la chamade en voyant qu’il s’agit d’un appel d’Ael. Elle hésite à prendre l’appel et finalement… trop tard. Lui parler aurait été bien trop compliqué, pas dans son état actuel alors qu’elle préfère éviter tout contact. Rien que le coup de téléphone à Mila lui a demandé un effort surhumain, autant dire qu’en entendant Ael de l’autre côté du fil, elle risquait très probablement d’ouvrir les robinets. La culpabilité, le mensonge, le manque, la situation. Le tout mis ensemble, probablement que oui, elle aurait fondu en larmes. Elle écoute le message vocal qui lui fend le cœur, elle soupire, elle hésite à le rappeler, et puis finalement, c’est en se couchant sur son lit à la recherche de courage qu’elle s’endort, en serrant contre elle le pull de son bien aimé qu’elle ne s’est pas privée d’emporter avec elle.

Une nuit agitée, pas hyper réparatrice et pourtant ordinairement, Lilly est le genre de personne à avoir un sommeil de qualité, un sommeil qui doit frôler les 10 heures si elle veut être en forme… Bref, le genre de sommeil que tout le monde rêve, et qu’elle-même ne se plaint pas. Mais depuis plusieurs jours, autant dire que ce n’est plus la même histoire. Nuit saccadée, nuit fragile, nuit anxieuse. L’idée d’être chez sa mère n’aide pas vraiment, et pourtant elle y avait cru. D’habitude, revenir près de celle qui représente son monde est toujours source de réconfort pour la demoiselle. Même sans parler, mais aujourd’hui. Parce que rien ne peut vraiment la rassurer, non. Ou peut-être qu’Ael pourrait, lui. Mais encore faut-il oser lui parler. Est-elle réellement prête à la faire ? Mais surtout, a-t-elle le choix ? Le visage toujours enfui dans ce pull qu’elle ne lâche pas depuis la veille au soir, Lilly tente de se détendre, mais son corps se réveille, son mal de tête aussi… les nausées sont toujours aussi matinale et l’envie de sortir de son lit a foutu le camp. Elle respire profondément, elle profite du silence et tente de se rendormir. Fragile, c’est ce qu’elle a l’impression d’être. Une vraie loque, aussi un peu, ou peut-être un genre de « lendemain de la veille » revisité. Lilly oublie, elle essaie. Elle veut penser à autre chose, elle culpabilise. Elle va appeler Ael. Ou va lui envoyer un message, mais en attendant elle se contente de se shooter à l’odeur de son pull, en le serrant très fort. Trop. Fort ?

Finalement, sans s’y attendre une masse vient de lui sauter dessus. Il n’y a pas de doute sur l’intrusion. Shiva est un chien encore fougueux, carrément folle à lier et qui ne se rend pas compte qu’elle peut être un véritable ours polaire quand elle saute sur les gens, comme elle le fait. Si à l’appartement, ils ont toujours essayé d’éviter qu’elle vienne foutre le bronx dans leur chambre, ici c’est plus compliqué. La porte de la chambre pas totalement, fermée, elle n’a pas eu beaucoup de mal à trouver le chemin. Alors qu’elle essaie de la repousser, Lilly finit par s’agenouiller sur son lit pour pousser le chien hors du lit « Shiva descend ! On ne monte pas sur les lits ! » La chienne prend ça pour un jeu et se roule davantage, alors que Lilly est sur le point de sortir du lit dans le but de la tirer par le collier et la dégager vite-fait, bien fait en dehors de la chambre. Pourtant, les nausées sont toujours là, bien présentes et elle essaie de respirer profondément avant de faire un geste de plus, quand finalement, son regard coule vers une silhouette supplémentaire dans cette chambre. Toujours à genoux sur son lit, alors que Shiva continue d’essayer de jouer, Lilly ne le quitte pas Ael des yeux. Un regard bourré de culpabilité en se rendant compte de l’inquiétude qu’il a pu éprouver, peut-être aussi l’envie de se cacher quelque part de peur qu’il parvienne à lire sur son front qu’elle est enceinte, ou tout simplement, l’idée qu’une crise éclate au grand jour alors que là, tout de suite, elle a juste envie de pleurer. Et de vomir.  « Salut… » Elle ne bouge pas plus, elle se contente de le fixer, elle n’imaginait pas non plus qu’il ferait le chemin, alors qu’elle lui avait laissé un mot… Elle grimace « Comment ça se fait que t’es là ?  je t’avais prévenu que je venais ici…» Finalement, elle finit par sortir de son lit pour le rejoindre et passer ses bras autour de sa taille non sans lui déposer un baiser dans le cou. « Tu m'as manqué... » L’odeur des pancakes de sa mère qui s’engouffre dans sa chambre, et vient chatouiller les narines lui retourne presque l’estomac, au point qu’elle s’efforce à se reculer et à respirer profondément, alors qu’elle est prête à se taper la tête contre le mur tant sa migraine se fait toujours bien présente. « LES JEUNES, JE VAIS AU BUREAU. JE FERME DERRIERE MOI » lui crie finalement sa mère alors qu’elle s’empresse à fermer la porte de la chambre le temps de reprendre ses esprits. Finalement, elle s’appuie contre le meuble le plus proche pour soutenir sa propre tête « je voulais juste passer un peu de temps avec ma maman, Ael » Mensonge.

Shiva le précède dans les escaliers bien entendu, la chienne jeune mais déjà intelligente sait où les pas du canadien vont le mener : tout droit dans la chambre de sa maîtresse. Ael entend les bruits derrière la porte et se fait une image mentale de ce qui est entrain de se passer sans pour autant montrer le bout de son nez. Pour l'instant son cœur cogne dans sa poitrine comme si il avait un étrange pressentiment. D'ailleurs Callie à dû le prendre pour un dingue au vu de son comportement depuis qu'il a passé le pas de la porte. Une chance pour lui que Sam n'ait pas été là... Ça aurait été moins simple. Au moins la mère de Lilly n'a pas posé de questions... Et le fait qu'elle n'était pas alarmée de le voir là veut aussi dire que peut être cette situation n'est que le fruit de son imagination. Peut être que Lilly voulait juste passer sur temps avec ses parents, et que ça n'avait rien à voir avec l'envie de s'éloigner de lui. Malgré tout le fait qu'elle n'ait pas cherché à le joindre,qu'elle n'ait pas répondu à ses appels et messages c'est alarmant. C'est ça qui la fait réagir, et avalet tout ces kilomètres en très peu de temps.
Au bout de secondes qui lui paraissent interminables à peser le pour et le contre il finit pourtant par s'avancer dans l'encadrement de la porte et puis finalement à pénétrer dans la chambre. "salut... " Il ne sait pas vraiment quoi lui répondre finalement. Le temps est comme suspendu. Il ne saurait dirr si elle est heureuse ou non de le trouver là sur le pas de sa porte. Il est trop fatigué pour arriver à être plus éloquent. Pour une fois il a besoin qu'elle le délivre de ses doutes et non l'inverse. "Tu ne m'as pas donné signe de vie... Je ne savais pas si ça allait ou pas. Alors j'ai roulé." Il semble perdu et il l'est réellement. Elle finit par sortir de ce lit, et quand ses bras se referme autour de son corps il peut enfin respirer l'odeur si familière maintenant. La tension redescend d'un cran. Elle lui a manqué aussi... En toute réponse il dépose un baiser sur ses cheveux. La voix de Callie semble les réveiller et Lilly en profite pour se soustraire des bras d'Ael pour aller fermer la porte. Il se laisse tomber sur le lit défait et observe la jeune femme. "C'est vrai ? Tu as décidé ça sur un coup de tête sans vraiment me prévenir ? " Le sang froid habituel d'Ael de brise quelque peu alors qu'il est tiraillé par la fatigue et le stress qu'il a ressenti pendant de longues heures. "Je ne savais même pas si tu étais bien arrivée ou si il t'était arriver quelque chose. Excuse moi de t'aimer et d'avoir peur pour toi ! " oui c'est bel et bien des reproches qu'il lui fait. Un moyen certes peu intelligent pour calmer ses nefs. Une main vient tenter de chasser la fatigue de son visage."Je me suis imaginé le pire, y compris que tu ne voulais plus être avec moi et que tu étais partie pour de bon !" Il se met à nouveau debout pour commencer à faire les cents pas suivi de très près par un ours polaire blanc collant comme une super glue. 48h sans dormir ce n'est pas une idée...

Elle reste accoudée contre le meuble et se concentre plus sur ses nausées et son mal de crâne, que sur les paroles d’Ael. Elle tente de faire un effort pourtant, mais peut-être n’a-t-elle tout simplement pas suffisamment dormi. Ou peut-être qu’elle devrait manger quelque chose. Elle a lu ça, sur internet. Autant dire que depuis l’annonce officielle de son état, suite à sa prise de sang, qu’elle a faite sans en parler à personne, en prétextant un simple don de sang, rien de plus ; les recherches sur google y vont bon train. Comme si toutes les réponses se trouvaient là, alors que c’est plutôt prendre rendez-vous chez son médecin, qu’elle devrait faire. Quel médecin ? Ils viennent à peine d’arriver, autant dire que la liste des médecins, elle n’a même pas encore songé à y regarder. En attendant d’oser annoncer la couleur à l’homme qui se trouve en face d’elle, ça fait l’affaire, internet. Il ne doit pas y avoir que du faux, alors elle cherche des réponses à ses questions, des avis sur des forums, et finalement, certains témoignages la font plus peur qu’autre chose. Mais manger pour atténuer les nausées, ça elle est certaine de l’avoir lu.  Le moment n’est peut-être pas le bon, alors elle attend, elle l’écoute, elle essaie même de réagir à ce qu’il lui dit, ce qu’il lui reproche. Elle évite de le regarder droit dans les yeux, elle hausse les épaules « Ca t’étonne tant que ça ? C’est une ville que je ne connais pas, Ael. Alors même si j’ai rien contre l’idée de la découvrir, d’aller me balader, d’aller vers les gens, j’ai aussi parfois besoin de me rassurer. Cette maison me rassure. » c’est vrai, dans un sens. Mais ce n’est pas non plus la raison première à cette échappée belle. Elle plisse le regard, alors que la douleur dans sa tête continue à se faire sentir. Finalement, elle rejoint son grand lit, pour s’y étendre à nouveau. Elle lit l’inquiétude en lui lorsqu’elle le regarde faire les cent pas, et s’énerver tout seul au milieu de sa chambre, alors qu’elle est à deux doigts de le supplier d’arrêter de gigoter dans tous les sens. La peine, la culpabilité, la peur lui monte à la gorge et la demoiselle tente de retenir ses larmes. Si ordinairement elle se serait contenter de piquer sa crise, et d’aller râler dans son coin, autant dire que les hormones lui jouent déjà des tours, ou peut-être est-ce simplement, la situation ? le fait d’être complètement perdue, paumée, apeurée. « Je suis désolée. J’étais pas capable de t’appeler, je suis même pas capable de te parler Ael. » dit-elle dans une voix brisée. Finalement, elle le laisse parler, elle prend en compte les reproches, et à son tour elle commence « Je m’appelle pas Callie, Ael. Je suis pas capable d’assumer la situation toute seule. » elle, elle a pu assumer son bébé toute seule, avec l’aide de ses parents, de ses sœurs. Mais Lilly, elle ose même pas en parler, bien trop apeurée. « Et puis t’es bien gentil de me faire une montagne de remarque, alors que toi t’as roulé sans même te dire que t’aurais pu t’endormir au volant. On aurait fait quoi, nous après ? Alors viens pas me traiter d’égoïste, parce que t’as eu le même comportement… »

Ael a l'impression d'avoir été propulsé ailleurs. Il faut dire que sans doute que d'avoir conduit plus de 2h30 seul, et sous caféine sans avoir dormi depuis de très très longues heures ça ne doit pas aider le moins du monde pour se sentir efficace. Si au début il s'est assis sur le lit il ne tarde pas à faire le lion en cage. D'habitude ça l'aide à voir plus clair, mais il est clair que là ça ne l'aide pas. Pas plus que les paroles de Lilly. Dans son état, qui est très proche de l'ivresse pure et dure, il comprend surtout que d'être partis vivre à Weymouth ne lui va pas, et qu'elle aurait préféré continuer de vivre ici à Londres. Ils en ont parlé maintes fois, la décision ne s'est pas prise en un jour, et d'ailleurs Ael n'a rien voulu lui imposer.Et il pensait donc qu'elle s'était faite une raison, voire même qu'elle était aussi enthousiaste que lui. Il est clair que pour le canadien adopté anglais c'est une sorte de retour aux sources. Il travaille avec des gens qu'il a connu il y a longtemps, il a même croisé nombres de têtes connues, des gens qui ne sont jamais allés beaucoup plus loin que leur ville natale. Il sait que ce n'est pas le cas de Lilly... Et pourtant il ne pensait pas qu'elle en souffrait à ce point. Ne faisait il pas tout ce qu'il fallait ? Etait il trop absent ? Voilà que les questions se bousculent au portillon entraînées par le tourbillon infernal de la fatigue. « Je pensais que tu étais heureuse... » Est ce que c'est la que tout explose ? Est ce qu'il a été aussi aveugle. Tout est entrain de se noyer, ça prend une drôle de tournure et la panique qui est toujours là, proche, n'arrange rien. Alors oui, il s'énerve, il perd patience ce qui est très rare avec Lilly. En temps normal, c'est à dire si il prenait juste le temps de réfléchir un peu, de faire la part des choses, c'est lui le pilier, mais quand la fondation s'effondre parce qu'elle a eu peur. Que se passe t'il maintenant ? Et puis il y a ce ramassis de mots qu'il ne comprend pas du tout. Il comprend ce qu'elle dit bien entendu, c'est de l'anglais. Il comprend les mots, mais pas leur sens mis bout à bout. Pourquoi ne pouvait elle pas l'appeler, lui parler ? Qu'avait il fait ? C'est comme si il avait raté un épisode. Pendant un instant il arrête de marcher et dévisage Lilly comme si c'était une inconnue. « Mais... ? » Et puis elle continue. Il fronce les sourcils incrédule. Pourquoi elle lui parle de Callie ? Qu'est ce que sa mère vient faire dans cette histoire. Qu'est ce que sa mère a fait qu'elle ne serait pas capable d'assumer seule ? « Qu'est ce ... » Il n'a pas le temps de finir sa phrase qu'il est déjà enguirlandé à son tour pour avoir pris la route dans un état douteux. C'est vrai qu'il doit avoir une tête de déterré. Il faut que vous vous calmiez, cependant c'est plus facile à dire qu'à faire. Alors il s'assoit à côté d'elle. Il voudrait la prendre dans ses bras lui demander d'expliquer ce qui lui à pris, lui jurer de ne plus jamais faire ça. Il ne va pas la contredire, ce n'était pas prudent de venir jusqu'ici. Mais peu importait à ce moment là. « J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose. »  C'est tout ce qu'il a à dire pour sa défense. Même pire que ça. « J'ai cru que tu ne voulais plus être avec moi. » Il ne la regarde pas, mais regarde plutôt Shiva qui s'est assise à leurs pieds. Il a besoin de dormir. Faire une nuit qu'il n'a pas eu l'occasion de faire, mais il a besoin de savoir avant. Besoin de savoir si c'est ça.

L’idée de changer d’appartement, de ville, encore, autant dire que ça reste une nouvelle situation à laquelle Lilly doit faire face. L’impression d’être ballotée de ville en ville depuis sa naissance, ça ne change pas et pourtant, cette fois elle est retournée elle-même à Londres. Pas pour toujours, non. Quelques jours tout au plus, sans même imaginer une seule seconde que la justification qu’elle lui donne soit interpréter de la manière dont Ael l’interprète. Elle fronce les sourcils d’incompréhension lorsqu’il lui répond, lorsqu’il lui glisse cette phrase qui l’attriste, qui la fait culpabiliser davantage. Elle pourrait s’enfoncer un peu plus, lui dire que c’est comme ça depuis sa naissance et si effectivement, il lui faut un temps d’adaptation dans une nouvelle ville, ce n’est pas pour autant qu’elle doit d’office retourner près de sa mère. C’est pas vital, elle peut faire sans. Elle l’a déjà fait, quand Callie l’a envoyée à Londres chez son père sans même lui demander son avis. L’ambiance était différente, avec Sam elle refusait de vivre avec lui, elle y était contre son gré.  La situation qui se présente à cet instant avec Ael a été décidée, discutée, et elle a accepté de vivre à Weymouth. Alors non, elle ne peut pas s’enfoncer plus en lui sortant un baratin qui n’explique en rien sa fuite. « c’est pas contre toi ni de ta faute si je suis partie. C’est juste moi. J’avais besoin de trouver des réponses à mes questions. Ca ne concerne pas mon bien être dans cet appartement, ni mes sentiments pour toi. Ils sont pareils qu’avant. Je suis heureuse avec toi, que ce soit à Londres, à Paris, à Madrid, à New-York ou même à Weymouth, ça change rien tant que je suis avec toi, mais là j’avais vraiment besoin de prendre du recul et chez ma maman qui est un endroit rassurant pour moi, et ça m’aide »

Elle se rend compte qu’en voulant aller au bout de ses pensées, elle en dit peut-être un peu trop. Que c’est pas une manière d’aborder la chose, si ce n’est le lui annoncer pour de vrai, pour de bon, avec les bons mots et les phrases dans le bon ordre plutôt que de jouer à la devinette. C’est sorti sans qu’elle s’y attende, sans qu’elle puisse retenir les mots. Lui ne semble pas comprendre, il ne semble pas non plus voire où elle veut en venir. Une chance peut-être, parce qu’elle a conscience que ce n’est pas la bonne manière d’aborder le sujet. Pas dans cette situation-là. Si elle avait été heureuse, excitée à l’idée de vivre cette nouvelle vie, elle aurait pu le lui faire comprendre via un dessin, parce que c’est son truc à elle. Mais elle est bien trop flipée, apeurée, trop anxieuse pour même oser mettre tout ça sur papier. Elle lui reproche d’avoir pris la route tout seul, avec peu de temps de sommeil au compteur, et finalement elle le laisse à nouveau se justifier. « Mais non, je te jure que c’est pas ça le problème. C’est juste moi, j’avais besoin de faire le point, mais pas sur nous deux ni sur le fait d’être avec toi. Toi je t’aime toujours autant, j’ai toujours envie d’être avec toi. » L’impression que papoter lui fait penser à autre chose aide psychologiquement à oublier ses nausées, l’idée de se recoucher lui tend les bras, surtout parce que l’odeur de pancake lui donne encore plus la nausée, alors rester enfermée ici n’est pas une si mauvaise chose finalement. Finalement, elle le tire par le bras dans le but qu’il prenne au moins une heure ou deux à récupérer les heures de sommeil manquantes « Tu devrais dormir et arrêter de te flipper tout seul, pour rien » dit-elle en lui caressant le bras, alors que malgré tout, elle garde ses distances, même si l’idée de lui grimper dessus et le couvrir de baiser pour le rassurer la tente. Mais elle a l’impression qu’un seul geste brusque lui serait fatale, alors elle se contient. Elle se recouche, dans l'espoir de récupérer sa nuit compliquée, tout comme l'espoir de le voir s'endormir lui aussi. Le calme, les pensées néfastes mises de côté les plonge dans un sommeil sans doute réparateur, alors qu'elle se sent plus en sécurité quand il est près d'elle. Finalement, c’est la pensée de trop, ou le manque de contrôle, ou tout simplement, la situation qui le veut « Oh merde… » s'exclame-t-elle, se réveillant en sursaut, puis sortant en vitesse de sa chambre sans rien ajouter de plus, direction les wc, cette même odeur de pancake ne l’aide en rien alors qu’elle avait réussi – jusqu’à maintenant – à se retenir de vomir, mais en vain.

Ael il essaie de comprendre mais son esprit est embué. Il faut dire que rien n'est clair, et que cette sensation d'avoir descendu une bouteille de vodka entière alors qu'il n'a simplement pas dormi n'aide pas. Il n'arrive pas à faire le lien entre son départ si prématuré et le fait que tout aille bien. Elle dit qu'elle ne doute pas d'eux, ni de leur décision, mais alors pourquoi revenir à Londres dans ses conditions. Si elle avait répondu au téléphone il ne se serait pas posé autant de questions, il se serait dit "ok elle a besoin de voir sa mère" et point. Là il sent au fond de ses entrailles qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond? Il ne comprends oas, et il n'a pas l'impression que la jeune femme, celle là même qu'il aime, ne l'aide. « Prendre du recul c'est quelque chose qu'on fait quand ça ne va pas non ? » Pagayer dans la semoule voilà ce qu'il est entrain de faire. L'esprit plutôt cartésien qu'il a essaie de faire des connections logiques mais il n'y en a pas. Peut être qu'il devrait dormir, peut être que c'est ça qui lui faut, et qu'une fois qu'il aura dormi les pièces du puzzle s'emboîteront d'elles mêmes.
Mais il lui fait quand même part de ses inquiétudes. Elle te rassure, au moins en façade. Tu essaies de comprendre dans ses traits ce qu'elle ressent vraiment, mais elle fait en sorte de ne pas capter son regard. Coupable elle en a l'air, mais de quoi ? Malgré tout entendre qu'elle l'aime, et qu'elle veut toujours être avec lui, ça l'aide à s'apaiser. Il attrape sa main pour la serrer dans la sienne. Il se laisse finalement embarqué dans le lit avec elle. En position de cuillère il la serre contre lui, et si il est tout de même tendu, le sommeil est plus fort que ses doutes. C'est comme si il ne dormait pas vraiment tout de même. Un espèce de semi coma plein de rêve étrange, plus proche du cauchemar que du réel enchantement. Dans sa tête il n'a pas retrouvé Lilly et il s'est passé quelque chose. "Oh merde" Le mouvement brusque de la jeune femme, ainsi que la couette qui est rejetée en arrière le sort brusquement de son état léthargique. A nouveau il a l'impression d'être complètement à côté de ses pompes. S'est il vraiment endormi ? Combien de temps est ce que ça a duré ? Et elle est partie où ? Un coup d'oeil au réveil t'apprends qu'il est quelque chose comme 10h. Il s'assoit difficilement et se frotte le visage. Attrapant son téléphone dans la poche il se rend compte qu'il est encore mort et sans batterie. Il soupire mais avise le sac de Lilly duquel dépasse le bout de câble blanc. En temps normal il aurait laisser son portable comme ça, mais on peut tojours l'appeler du travail... Il se lève, ses pieds nus rentrent en contact avec le sol froid, Shiva dans un coin le regarde mais ne se lève pas. Il compte bien aller se recoucher quand Lilly sera revenue "qu'est ce qu'elle fabrique d'ailleurs ?", en tirant le chargeur le sac tombe par terre, en grognant il se baisse pour ramasser ce qui en est tomber, et accroupi il récupère un petit miroir, une trousse de toilette, et une boite en carton qui ressemble à une boite de médicament. La curiosité sans doute te pousse à la retourner pour voir de quoi il s'agit. Tu clignes des yeux, sans comprendre. Aujourd'hui c'est comme si tu avais posé ton cerveau. Les neurones ne connectent pas, et de lire "test de grossesse" sur la boite te rend tout simplement perplexe. Un test de grossesse ? Tu te relèves déposant sans délicatesse le sac. Le chargeur dans une main, la boite dans l'autre la porte s'ouvre derrière toi. Tu as remarqué que la boite n'avait pas été ouverte. Le cheminement commence à se faire. "Tu ... Tu as du retard ?" Si c'est bien le cas, et si ils avaient été encore à Londres où la situation était sous contrôle, il s'en serait aperçu. Mais là le temps passé à la maison est différent, ils regardent pour un autre logement, tout est nouveau...  Il se retourne au ralenti. Ses yeux tombent sur Lilly. Elle a une sale tête. « C'est pour ça que tu es partie ? » Etrangement il est plus calme maintenant que auparavant qu'il n'avait aucune idée de ce qui se tramait. Cependant son visage ne reflète rien sinon l'incrédulité.

Cette discussion, elle aurait préféré l’avoir dans quelques jours, lorsqu’elle se serait trouver des réponses à lui donner, et surtout une manière de lui exposer la situation telle qu’elle était. Le voir se faire des fausses idées sur leur couple la mine, mais aussi la culpabilise. Jamais elle n’a encore eu de doute sur les sentiments qu’elle ressentait pour lui, ni sur leur couple et quand on lui demande comment ça va entre eux, elle ne peut s’empêcher de répondre que tout va bien avec un grand sourire niais, telle une gamine de 12 ans en train de vivre sa première histoire d’amour. Peut-être qu’à son tour, elle ne lui montre pas suffisamment, pour qu’il en vient à douter aussi facilement ? Ou peut-être qu’elle ne lui démontre pas assez explicitement. « Oui, mais c’est pas parce que je souhaite prendre du recul, que c’est parce que ça ne va pas entre nous. Ca peut-être juste prendre du recul pour des trucs qui me concerne moi uniquement. Et avant de pouvoir t’en parler à toi, j’ai besoin de trouver des réponses pour me convaincre moi. » Comme pour cette histoire de bébé, par exemple. Sauf que c’est bien plus dur à se laisser convaincre, ou encore à l’accepter.

Finalement, tous les deux étalés sur le lit sur le point de s’endormir, Lilly tente de laisser ses craintes et ses pensées de côté, pour profiter de l’instant avec lui. Elle a essayé tant qu’elle pouvait de le rassurer, tout en gardant ses distances. Elle en a besoin, elle a trop peur qu’il grille tout seul, trop peur de se briser, trop peur de fondre en larme pour un rien, tant la situation lui donne juste envie d’en pleurer. Ne pas en parler, garder tout pour elle, s’aider et essayer de se rassurer grâce à internet et surtout, ne pas savoir quoi faire est quelque chose de bien trop difficile pour elle, grande impulsive, grande râleuse, grande drama queen. Mais elle se laisse un dernier moment avant la tempête, un moment avec lui maintenant qu’il est là, en essayant de faire abstraction de son mal être, de ses questions ou de ses craintes.

Cet instant bien trop calme n’est que de courte durée, lorsqu’elle saute du lit, et sort de sa chambre à la vitesse de la lumière pour finir la tête au-dessus des WC. Autant dire que ça la casse davantage, et après s’être brossé les dents, et s’être débarbouillée elle revient dans la chambre dans l’idée de filer sous la douche dans l’espoir que ça l’aiderait à se sentir mieux. La question qu’il lui balance, elle se la prend comme une gifle, alors que son cœur redouble d’effort. « Je… » mais elle n’a pas vraiment le temps d’en dire plus, lorsqu’il se retourne pour la fixer, le second test de grossesse dans les mains. Elle soupire, elle passe une main dans ses cheveux et ose à peine le regarder dans les yeux. « Non c’est pas pour ça… enfin si… en partie. » Elle ne s’approche pas plus, elle reste appuyée contre la commode à l’entrée de sa chambre et cherche les mots « J’avais du retard, oui. Puis j’étais tout le temps crevée, des vertiges, etc. Je pensais que ça passerait, que c’était juste moi qui me faisais des films, mais ça passait pas, donc j’ai fait un test de grossesse il y a… un peu moins de deux semaines je crois… Qui était positif. Sur internet, ils disaient que c’était pas toujours fiable, donc j’ai acheté ce test-là. Mais entre temps, j’avais lu que le mieux c’était de faire une prise de sang, donc j’y suis allée il y a deux ou trois jours et j’ai eu les résultats la veille au soir, avant de venir ici. Et j’ai flippé. Je savais pas comment gérer, je savais pas comment t’en parler, je sais même pas comment faire pour réaliser donc j’ai pensé qu’en venant ici, en étant loin de toi pendant quelques jours que ça m’aiderait à trouver des réponses à donner qu’importe ce que tu me dirais… » un monologue lent, difficile. Un monologue saccadé, alors qu’elle se retient encore de fondre en larmes. « Je suis enceinte de deux mois et je suis vraiment désolée. » finit-elle par dire en fondant en larmes. Les hormones ? La peur ? Le mal être ? La culpabilité ? ou peut-être tout à la fois.

Le sommeil a finalement raison du jeune couple qui tombe dans les bras de Morphée. Le sommeil d'Ael est agité. Il faut dire que si il a fini par s'endormir c'est parce que son corps a fait signe de faiblesse et non par réel souhait. Même si Lilly est dans ses bras, il sent que la situation n'est pas réglée, la tête de mule contre lui ne semble pas avoir envie de lâcher le morceau. Il sait qu'il ne pourra pas utiliser d'une méthode frontale avec elle, ça ne marche jamais avec Lilly. Il faut l'amadouer pour arriver à lui tirer les vers du nez. Du moins c'est ce qu'il aurait fait si en se levant du lit en l'absence de son amoureuse il n'avait pas trouvé un test de grossesse intact. Que se passe t'il dans la tête de l'homme qui découvre ce genre d'objet dans le sac de sa moitié ? Tout et rien à la fois. Dans ce genre de situation, c'est comme si on se voyait agir à la troisième personne, l'âme sort du corps pour venir observer de plus haut. D'un seul coup le pourquoi elle s'est enfuit sans rien dire devient limpide, bien que son égo et son coeur ne sont pas épargné du fait qu'elle ne se soit pas confiée à lui et ait plutôt décidé de partir. Ce n'est pas comme si ça ne le concernait pas. Mais il n'a pas le temps de lui en vouloir, pas le temps de réfléchir à l'arrivée d'un possible bébé au sein de la petite famille qu'ils forment à eux deux.
Ses yeux étonnés tombent sur Lilly qui revient. Les questions fusent sans lui laisser le temps de répondre, de se justifier. Il veut des réponses, il en a besoin, plus les secondes passent plus ça devient viscéral. Il attend, il voudrait qu'elle parle plus vite, mais il se fait violence, et la laisse développer. Le test dans sa main ne servira jamais à rien parce que c'est déjà trop tard. Elle est enceinte. Ils vont avoir un bébé. Une fois qu'il comprend cette information il n'écoute plus le reste. Ce ne sont que les larmes de Lilly qui ruissellent sur son visage qui le rappellent à l'ordre. Sans doute ne se rend il pas compte qu'il n'a toujours rien dit, toujours pas bougé, pas esquissé une expression sur son visage. Les objets dans ses mains finissent leur course sur le lit alors qu'il prend la direction de la jolie brune et la prend dans ses bras. « Ne pleure pas, c'est moi qui suit désolé de t'avoir accusée. » Ses lèvres se posent sur son front pour la rassurer. La tension qu'il ressentait jusque là dans tout son corps s'apaise, et son visage présente un sourire sans la moindre faille, sans doute que rien ne pourrait détruire ce qu'il ressent à ce moment précis. Rien. « Je t'aime tellement si tu savais. » Délaçant doucement ses bras, il glisse sa main pour l'obliger à relever son visage et à le regarder. Malgré les larmes, et la peur qui se lit clairement sur son visage, il la trouve toujours aussi belle. « C'est le plus beau cadeau que tu pourras jamais me faire Lilly... Alors arrête de pleurer s'il te plait, personne ne va mourir, on est tous en bonne santé et... » Il essuie ses larmes qui roulent sur sa joue. Il rayonne, il ne pourrait pas en être autrement. « On va très bien s'en sortir. » Ce n'est pas comme si il ne l'avait jamais désiré. Il savait pourtant que Lilly ne se trouvait pas prête, et l'idée était donc reportée à plus tard, ils avaient le temps. Mais le destin aime jouer des tours à ceux qui ne s'y attendent pas. Ils faisaient attention après tout, ne tentant pas le diable...

Etre partie n’était probablement pas la meilleure solution pour leur couple. Une personne normale aurait attendu que son bien aimé revienne de son boulot, pour lui annoncer la grande nouvelle. Lilly, elle a flippé, elle s’est fait la malle en espérant trouver des réponses ailleurs. Lui mentir, c’est quelque chose pour lequel elle n’est pas particulièrement douée, mais fuir et refuser de parler, elle reste championne en fonction de la manière dont on s’y prend pour l’aborder, et lui faire cracher le morceau. Ael, il connait les ficelles du métier, ou de son statut. Il sait comment s’y prendre et Lilly en a conscience. Alors elle a pris deux ou trois affaires, son pc, ses dessins et elle a pris le premier train pour l’autre en compagnie de son ours polaire. Mentir à sa mère, c’est presque aussi compliqué que de mentir à celui qu’on aime, mais Callie est souvent sur le départ, et Callie ne fait pas réellement attention. Tant mieux. C’est bénéfique pour Lilly qui ne cherche qu’à s’enfermer là-haut, avec ses dessins, ses pensées, sa musique et le temps qui passe. Pourtant Ael lui manque, et le voir inquiet lui tord les entrailles. Elle est apeurée, triste. Elle a besoin de réponse, mais elle a aussi besoin de lui, de ses bras et de sa présence qui la rassure. Mais dans cette situation, aurait-ce le même effet ? Pas sûr. Pas tant qu’elle ne lui aura pas tout dévoilé. Et là, maintenant qu’il est debout devant elle, le test de grossesse entre les doigts, c’est ce qu’elle s’apprête à faire. Tout lui dévoiler.

Les larmes ruissellent sur ses joues à peine est-elle en train de commencer à parler et pourtant, elle ne bouge pas plus de là où elle se trouve. Elle se sent comme tétanisée, alors que les paroles, les explications se déversent au fur et à mesure que les secondes s’écoulent. Avouer de vive voix, et avec les bons mots, ça lui fait l’effet d’une gifle mentale. Si elle n’avait jamais osé le dire à voix haute, ni même voulu en parler à voix basse, elle a désormais l’impression de devoir accepter la situation telle qu’elle est. Et surtout, devoir prendre conscience qu’elle fait partie de ces femmes qui d’ici plusieurs mois, vont donner la vie à un petit être qui n’a rien demandé à personne. Lilly, elle n’est pas prête à cette vie-là, alors que dans sa tête, c’est un ras de marrée d’interrogations qui inondent son esprit « J’aurais dû t’en parler directement, mais je voulais pas réaliser, j’osais même pas y penser, sauf que ça me bouffe plus qu’autre chose, alors je suis partie quelques jours » Alors qu’il s’approche d’elle, elle le regarde toujours avec des yeux remplis de larmes. Comment peut-il garder son calme alors qu’elle est au bord de l’hystérie ? Peut-être ne réagissent-ils pas non plus à la fatigue l’un comme l’autre. Pourtant, se réfugier dans ses bras lui apporte du réconfort, mais pas autant qu’elle en ressent le besoin. Mais peut-il vraiment parvenir à la rassurer complètement étant donné l’état dans lequel elle est ? Les larmes essuyées, elle fronce les sourcils lorsque lui semble heureux de cette nouvelle « Mais Ael, comment tu veux qu’on fasse ? On vit à 2 dans un appartement, avec un ours, moi j’ai pas un salaire fixe tous les mois comme toi, ça dépend de ce que je fais sur le mois, alors je vais devoir bûcher comme une forcenée. Comment veux-tu qu’on fasse avec un bébé en plus ? Et t’imagines la réaction de nos parents ? » commence-t-elle avec ses questions, ses craintes et ses doutes. Elle s’écarte pour retourner s’asseoir sur son lit «  En plus j’ai lu sur internet qu’il pouvait y avoir plein de complications. » Mais internet, est-ce vraiment une référence ? « Je comprends pas ta réaction, on va pas s’en sortir Ael, c’est un budget un enfant et puis toi t’es jamais là. »

Elle est partie parce qu’elle ne savait pas quoi faire de l’information. Il n’allait pas lui en vouloir. Au moins, elle lui avait dit qu’elle était partie et qu’elle était chez sa mère. Il avait sur réagit, même si ça aurait aidé qu’elle réponde au téléphone… Enfin de toute façon, l’heureuse nouvelle a complètement changé la donne, et tout ce qui s’est passé jusqu’ici est effacé, comme après une bonne pluie. Oui, il est fatigué, oui, il se plongerait bien dans les draps, mais Lilly ne fermera pas l’oeil, et elle a besoin d’être rassurée. Il le voit bien, et il va faire son possible. Ael possède la dose de rationnel, et de calme que Lilly n’a pas. Il le sait, et il s’en sert en général à bon escient. Alors il la prend dans ses bras, la cajole tente de la rassurer au mieux. Lui il ne se fait pas de soucis, il ne pense qu’à ce moment présent où il a appris que dans plusieurs mois il serait enfin père. Il sait aussi que le temps fera son oeuvre. Lilly angoissée déballe enfin tous les doutes qui l’assaillent. La place, l’argent, l’annonce à leur proche. Il la laisse faire, il la laisse enfin sortir de son état de torpeur, et faire la vérité sur son lourd secret. Elle se défausse de son étreinte, et part s’asseoir sur le lit. Elle n’en a pas fini: des complications ? Il se retient de lever les yeux au ciel. Internet et la maladie… Ca lui ait déjà arrivé de mener son camion de pompier jusqu’à des gens qui pensaient qu’ils allaient mourir incessamment sous peu car ils avaient vu sur internet que… Non il n’est pas médecin mais il sait que ce n’est pas la chose à faire. Il n’a toujours rien dit, mais Lilly continue semblant se briser un peu plus à chaque instant. Alors il s’approche, prend les mains de la jeune femme et tombe doucement à genoux devant la jeune femme. « Ca va bien se passer. » Son ton est calme, confiant, comme si il disait la vérité, qu’il en était convaincu. Il est d’ailleurs convaincu. « Déjà c’est la dernière fois que tu regardes quelque chose pour ta santé sur Internet. Tu sais très bien que si tu tousses un peu c’est que tu as la tuberculose sur ce genre de site ! » Oui il fait un peu d’humour, ça ne peut pas faire empirer les choses. Le but est de la faire sourire à nouveau. « On est pas obligé de rester dans cet appart toute notre vie, on pourra acheter peut être ? C’est plus comme avant, je gagne bien ma vie maintenant. Mes autres collègues ils ont des enfants tu sais, ils ont droit de prendre du temps pour s’occuper d’eux. Je te promets que tu ne seras pas toute seule pour t’en occuper. » Sa main se dégage pour poser sa main sur la joue de Lilly. « Mes parents seront très heureux, et les tiens aussi quand ils se seront fait à l’idée. Tu n’es plus une enfant tu sais ? Tu as le droit de faire tes choix, de vivre ta vie. Tu n’as pas à te justifier de ce que tu fais à tes parents. D’autant plus que notre vie est stable maintenant. Du moins plus que il y a un an…  » Il lui sourit, se levant et allant s’asseoir à côté de la jolie brune. « Alors je te le dis, ça va bien se passer. On a le temps de voir venir, le temps de s’habituer à l’idée. » Il l’entoure de ses bras et la fait basculer en arrière. « Tu veux bien me faire confiance ? » Il cherche l’apaisement même passager sur son visage. Du fait il essaie aussi de réaliser malgré l'euphorie du moment. Parce que oui, malgré le fait qu'il soit soulagé d'avoir compris la situation, elle n'a pas encore le loisir d'être tout à fait assimilé par le pompier.

Comme on le dit souvent, ce sont les cordonniers les plus mal chaussés, et pourtant, Lilly sait très bien que si elle avait osé parler à son père de son état, il aurait dans un premier temps réagi en tant que père, mais aussi en tant que médecin. Elle aurait probablement eu de meilleures réponses que ce que peut lui dire internet, mais encore faut-il oser aborder le sujet. Déjà le faire avec Ael lui a demandé un effort surhumain, et pourtant elle n’a pas vraiment à se plaindre : contrairement à d’autres filles de son âge, son chéri à elle, est assez compréhensif, et prêt à l’écoute. De plus, une vie de famille, il en rêve, alors que pour elle ça reste un véritable concept. Il n’y a qu’à voir la vie de famille qu’elle a eu, si elle a été plus qu’entourée par sa maman, sa marraine et ses grands-parents maternels, on ne peut pas dire qu’il en soi de même pour le côté paternel. Pourtant, elle ne demande pas mieux que de trouver la même proximité, mais elle se sent toujours un peu étrangère, même si Samuel fait tout ce qu’il peut pour lui faire une petite place dans sa famille. Aujourd’hui, les priorités de Lilly sont ailleurs, sa vie aussi. Son esprit ? Il est totalement pris d’assaut par des interrogations, des peurs, des doutes, et des faux semblants ; et si Ael est en train d’essayer de la rassurer, elle se contente dans un premier temps de le fixer, cherchant l’apaisement et l’assurance dans son regard. Parfois ça fonctionne, souvent même mais cette idée de bébé lui trotte l’esprit bien plus qu’elle ne l’aimerait, et aujourd’hui, elle a peur. Et probablement que tant qu’elle n’aura pas vu un professionnel de la santé qui viendrait contrer tout ce qu’elle a pu lire sur internet, elle continuerait d’avoir peur. « Il y a peut-être des trucs vrais, pourquoi les gens iraient raconter des conneries ? » elle y croirait presque dur comme fer, pourtant ce serait bien plus simple de l’écouter lui. Machinalement, elle caresse le haut de la main d’Ael, parce qu’elle a l’impression que ces petites marques de tendresse la rassurent quand même un peu « Oui mais Ael, une grossesse c’est neuf mois. Tu veux qu’on l’installe où ? Dans notre chambre ? On va pas garder le bébé dans notre chambre pendant des mois, on va devenir quoi nous après ?» Si elle n’est pas encore vraiment sensible à un futur statut de mère, elle est néanmoins réaliste quant à son statut de copine, de compagne et mine de rien, elle tient aussi à ce statut. L’idée de le délaisser pour devenir maman ne lui dit rien qui vaille, même si elle a conscience que durant les premières semaines, ça sera très certainement compliqué d’allier les deux. Elle veut aussi garder une vie de couple, sans que leur vie de parents prenne le dessus tout le temps. « De toute façon si tu ne t’en occupes pas, je viens vous l’apporter à la caserne et vous vous débrouillez avec, toi et tes collègues Ael » A son tour, elle tente un peu d’humour, pour détendre un peu l’atmosphère, et sécher un peu ses larmes en prenant un peu de recule. Et puis finalement, parler de leurs parents ne l’aide pas à se rassurer. Certes, les parents d’Ael seront ravis parce que leur fils est en âge, mais la concernant, elle sait que ce ne sera pas le même combat. « Mais mon père commence seulement à accepter l’idée qu’on vive ensemble, Ael. T’imagines si maintenant je lui annonce ça ? Il me raie de sa vie directement. » N’exagérons pas tout de même, mais Lilly restant une drama queen, elle a ce petit don pour extrapoler. Elle a bien compris que son père tenait bien plus à elle qu’elle ne l’aurait imaginé, et qu’il était capable de beaucoup de sacrifices pour s’assurer qu’elle soit heureuse. Mais jusqu’où ? « La seule qui – je pense – serait compréhensive c’est Mila. Mais mes parents ils accepteront pas, Ael. Ma mère elle va en pleurer. Pour eux je dois pas déjà gacher ma vie avec un enfant, je dois profiter, tu vois ? Et puis ils savent que je suis pas prête pour ça… Même toi tu devrais le savoir. Je sais pas comment tu peux être aussi heureux sans même flipper ne serait-ce qu’un peu. C’est pas comme si on allait adopter un chien, c’est un bébé. Un bébé qui va pleurer tout le temps, qu’il faudra nourrir 3 fois par nuit, Il va falloir acheter un berceau, une table à langer, un meuble pour les couches etc, une armoire pour les vêtements, il va falloir cacher toutes les prises, repeindre, prévoir plein de trucs »  Grâce à sa marraine et ses jumeaux, Lilly a un peu l’habitude maintenant, elle a bien vu comment Mila a dû se débrouiller pour apporter tout le confort nécessaire à ses deux bambins, mais les revenus étaient différents aussi. Elle le regarde s’approcher pour finalement s’installer à ses côtés, malgré tout, les mots qu’il lui adresse lui font un bien fou, et la calme au moins pour l’instant. « Ael, bientôt je vais ressembler à une baleine. J’ai même pas le temps de m’y habitué. Parce que ça me bouffe l’esprit parce que je sais pas ce que je dois faire. Et tant que je ne le saurais pas j’arriverai pas à m’y faire justement. Toi t’as facile, tu vas pouvoir continuer à manger comme 4 tu prendras pas un kilos.» elle hausse les épaules, elle essaie néanmoins d’éviter de penser trop vite à trop de choses tant qu’elle n’aura pas les bonnes réponses, ni le déroulement de cette grossesse. Elle se laisse entrainer dans le lit  et enfuit son visage dans le cou de son cher et tendre pour lui déposer des baisers « J’ai besoin d’une douche, je me sens cradote » finit-elle par lui dire avant de l’abandonner là, de chercher une nouvelle tenue et de filer sous la douche, pour revenir une quinzaine de minutes plus tard et se glisser à nouveau dans son lit « Ael, c’est important que dans cette histoire, tu me laches pas à un moment donner pour X ou Y raison… Parce que t’imagines même pas la vie que l’enfant subit après. » Elle sait de quoi elle parle, elle est le fruit de ce genre de relation. Son père a finalement avoué ne pas vouloir d’enfant, et ne pas vouloir s’en occuper quand Callie a quitté l’Australie. Aujourd’hui, la rancœur est toujours bien présente, même si petit à petit, les choses s’arrangent. Elle approche ses lèvres de celle du jeune homme. Elle les frôle délicatement et reprend « Jure le moi » Au moins, c’était la preuve qu’elle acceptait de se lancer dans cette nouvelle aventure, non ?

« Oui ça existe, mais ça ne veut pas dire que ça va arriver ! Tu sais combien de femme accouche dans le monde par jour ? Le nombre de cas qui se passe mal dans un hôpital c’est rien du tout à côté de ceux qui se passent bien… Mais ça ne fait pas accrocheur de dire que tout c’est bien passé. » A croire qu’il faut qu’il lui explique comment fonctionne Internet… La peur lui fait imaginer le pire des scénario. Ael a déjà assisté à plusieurs accouchements. Ce n’est pas rare qu’une femme enceinte appelle les pompiers pour la conduire à l’hôpital dans le cas où elle est seule, où elle est tombée, où il y a des complications. Il sait ainsi que la plupart du temps même avec un début difficile, l’accouchement se passe bien, et la nature reprend les choses en main. Sinon à ce prix là, personne ne prendrait plus jamais la voiture, ne traverserait la rue, ou ne se lèverait le matin. Ce n’est pas facile pour le canadien de faire disparaître les doutes chez sa belle. Tous les arguments sont bons pour aller à l’encontre ce qu’il lui dit. Comment faire pour la rassurer sinon les démonter un par un ? Il mériterait une récompense pour toute l’énergie qu’il donne, notamment : dormir. Mais il est patient Ael, il l’a toujours été surtout avec Lilly, son impulsivité se tient sur ses gardes dans ce genre de situation. Il lui sourit tendrement, il est confiant, ça serait presque comme si il n’avait pas peur bien que ça ne soit pas tout à fait vrai. Le bonheur prend simplement le dessus, c’est plus important que tout. « On est pas obligé de le garder avec nous tu sais, il pourrait avoir une chambre… La chambre d’amie n’est pas obligée de rester un dressing, et un bureau. On pourrait y mettre un berceau ? Repeindre la chambre dans la couleur qui te fait plaisir. Tu te rappelles ce qu’avait fait Mila quand les jumeaux sont nés ? » Mila c’est une bonne référence en toute circonstance Ael le sait, il faut dire qu’elle voue une telle admiration à sa marraine. Il y a de quoi, c’est une femme forte qui arrive à mener sa vie de front et on se demande parfois comment elle fait… Le fait qu’elle fasse tout de même un peu d’humour le rassure quelque peu. « On lui fera un lit dans un casque de pompier... » Le seul but et de la faire rire mais Lilly s’entête, elle a peur de la réaction de ses parents. C’est compréhensible… La relation avec son père ne l’aide pas, il le sait, ça a toujours été un sujet sensible et ça le sera sans doute encore pour les nombreuses années à venir. « Il le fera pas tu le sais bien. Il t’aime même si il l’exprime à sa façon. Callie ne le laissera jamais t’abandonner à nouveau. Elle sera sans doute contente d’être grand mère aussi après le choc initial. Elle est gaga des jumeaux tu le sais. Mila pourrait te donner plein de conseil aussi. Je suis sûr qu’ils seront contents. » Ce n’est pas tout à fait vrai, mais pas un mensonge pour autant. Il connaît les filles Dos Santos, il sait comment ça se passe dans cette famille. Tout le monde parle fort, mais personne ne mort. Il la laisse continuer de déballer son sac. Il devine que c’est la première fois qu’elle met des mots sur ces doutes. Ces questions qu’il va lui aussi  finir par se poser. Il ne peut en être autrement, des doutes, tout le monde en a. « On a encore 7 mois pour prévoir des choses ! D’accord, tu veux bien prendre les choses une par une avec moi ? Faire le vide juste un instant, penser qu’on va avoir un mini nous, et ne penser qu’à ça... » Il lui demande simplement de partager son bonheur pour un court moment. Pour lui laisser aussi le temps de se faire à l’idée. « Tu sais que tu peux faire du sport même enceinte ? Je peux te prévoir un plan d'entraînement adapté. » Il lui sourit avec un air machiavélique. Toujours essayant de lui changer les idées. Il sait très bien que Lilly ne l'accompagnera jamais dans ses entraînements -même adaptés- mais il lui demande toujours, au cas où. Et puis c’est une façon facile de la faire réagir au quart de tour. « Même quand tu seras une baleine je t’aimerais toujours. » Il l’embrasse pour ponctuer sa réflexion. Il voudrait juste qu’elle se laisse aller l’espace d’un instant, peut être aussi qu’elle l’autorise à dormir juste encore un peu. Mais elle semble plus encline à prendre une douche. Il la laisse aller, toujours allongé dans le lit. C’est dur de ne pas tomber dans le sommeil, et pourtant son esprit lui est éveillé. Il va être père. Dans 7 mois moi, il aura un bébé, ils auront un bébé. Rien qu’en pensant à cette idée il sourit au plafond.

Il comate quelque peu quand Lilly sentant bon le savon revient se glisser contre lui. Peut être qu’il aurait mérité de prendre une douche lui aussi. Il glisse ses bras autour d’elle, mais elle n’en a pas fini avec lui. Son air est tout ce qu’il y a de plus sérieux. « Je te le jure Lilly. » Ael ne se comportera jamais comme Sam. Laisser tomber n’est pas dans son essence, il serait bien incapable de laisser Lilly et son bébé partir loin de lui. Un enfant c’est ce qu’il désire depuis de longues années. Il n’a jamais aspiré à autre chose qu’à fonder une famille un jour. « Et tu dois me promettre de ne plus t’enfuir si tu as peur. » C’est beaucoup demandé, il le sait… Mais il ne peut plus se mettre dans ce genre d’état. Et finalement il la serre fort contre elle. Sur le papier ils n’ont pas été séparés pendant bien longtemps. Il cherche son cou, ses lèvres, comme si c’était le manque qui parlait à sa place et malgré la fatigue.

Ael essaie de la rassurer, sans doute qu’il a raison. Surement même, mais dans l’état actuelle des choses, il est difficile pour Lilly de relativiser. Elle qui a déjà plus tendance à dramatiser, dans ce genre de situation, autant dire qu’elle peut perdre très facilement les moyens. C’est le cas, présentement et le seul refuge qu’elle ait pu trouver jusqu’à présent reste les forums sur internet. Ce genre d’endroits sur le net où on regroupe des vérités, des expériences, mais aussi et surtout des mensonges, des gens qui extrapolent juste pour attirer l’attention, pour se faire plaindre sans se dire que des petits yeux en quête de réponses peuvent tomber là-dessus et se faire un monde qui n’existe pas, un monde complètement faussé. Dans le monde actuel que Lilly s’est créé autour de cette situation, elle n’a que très peu de chance de subir un accouchement normal, parce que les femmes qui ont cette chance n’ont jamais touché à un verre d’alcool, sont sportives et mange de façon équilibrée. Autant dire que la demoiselle n’a que très peu de chance d’avoir le plus beau des accouchements quand on sait que le sport ça va bien cinq minutes et que la nourriture de hamster, c’est pas non plus ce qu’elle préfère. Quand à l’alcool, elle n’a pas de tendance alcoolique, mais oui quand elle se rendait en soirée, elle aimait parfois prendre un verre ou deux d’alcool. Parfois plus. Elle aimait profiter de la vie, en quelques sortes. « Peut-être que si on faisait payer ce genre de site pour y déposer des témoignages, que ça motiverait moins de monde à raconter des conneries, dans ce cas… » finit-elle par capituler, sans pour autant se sentir à 100 % rassurée. Peut-être que lorsqu’elle aura vu un médecin capable de la rassurer de par son expérience, que ça ira mieux. Peut-être que le fait d’intégrer son état, la situation et leur avenir dans les mois qui viennent, qu’elle prendra les choses différemment, et avec beaucoup moins de frayeur et qu’elle pensera enfin à profiter de sa grossesse sereinement. « Oui, mais Mila elle n’avait pas 22 ans, Ael. Et ses parents, se ne sont pas les mêmes que les miens. Mon père il va peter un câble, ma mère elle va probablement faire une dépression. Mila a eu sa mère pour l’aider, sa sœur et puis son histoire lui a forgé un caractère. Mon histoire à moi reste assez banale, rien qui ne fait de moi une femme comme elle, moi je suis juste bourrée de rancœur, et ça va rien arranger. Et puis moi, mes parents ne me suivront pas. » Elle ramène ses genoux vers elle alors qu’elle s’est installée sur le lit et fixe un point au ras du sol, en quête de solution vivable pour tout le monde. « Et on va mettre où ce qu’il y avait dans la chambre d’amis ?  C’était pratique pour dessiner tranquillement.» Elle marque une pause « De toute façon, faudra qu’on trouve autre chose de plus grand, parce qu’on va se marcher dessus. Déjà rien qu’avec Shiva c’est compliqué, t’as vu la place qu’elle prend à elle toute seule ? » En entendant son petit nom, le chien se rapproche pour poser sa tête sur le bord du lit et Lilly s’empresse de la caresser. Se séparer de son chien, c’est une solution non négociable. Un sourire s’étire sur son visage lorsqu’il parle de lit en forme de casque de pompier « Si c’est une petite fille, il en est hors de question » surenchère-t-elle. « Si c’est une fille, tu devras voir la vie en rose » Une jolie couleur si c’est bien dosé.

Parler de Samuel est toujours relativement délicat. Elle lui en veut tellement, qu’elle ne peut s’empêcher de penser de manière pessimiste le concernant. Au fond, si elle arrêtait de lui en vouloir, peut-être qu’elle le vivrait mieux, mais c’est plus difficile à dire qu’à faire. D’autant plus qu’elle ne le connait réellement que depuis trois ans, trois ans où elle le voit régulièrement, où il l’appelle assez souvent pour prendre de ses nouvelles, trois Noël qu’elle passe avec lui, trois anniversaires, trois ans. Mais comment rattraper les 19 autres années restantes ? Surtout avec autant de rancœur ? « Mon père il m’aime quand j’ai pas de copain, quand je vis avec lui. Il a déjà du mal avec l’idée qu’on vive ensemble, t’imagines si je lui balance ça en plus ? Il va tomber mort. » Quant à Callie, elle va probablement mal le prendre au début, ou s’inquiéter et sur-réagir avant de prendre du recul. Mais étant impulsives aussi bien l’une que l’autre, et Lilly étant rancunière, est-ce que ça ne va pas empirer ? « J’ai pas envie de leur dire… » finit-elle par dire de manière à peine audible. C’est bien trop compliqué… trop… tout ? Elle soupire, même l’annoncer à sa marraine, c’est pas quelque chose qu’elle a envie de faire. Elle connait la proximité entre elle et Callie, elle se doute que garder le secret risque d’être difficile, mais les secrets de famille sont toujours à éviter, surtout ceux-là. Et puis comment garder un tel secret sans s’enfuir sur une île ? Lilly adresse un regard à Ael lorqu’il lui demande de profiter de l’instant, plutôt que de flipper pour rien alors que plusieurs mois sont encore à venir. Elle lui dépose un léger baiser sur le coin des lèvres pour s’excuser de ce mode « panique à bord » sur lequel elle s’est programmée depuis qu’elle a appris la nouvelle « je suis désolée, mais ça me fait vraiment flipper. Je sais même pas ce que je dois faire, ni à qui je dois réellement me fier »  Elle arque un sourcil lorsqu’il lui parle de sport « Tu rêves. Et puis j’ai pas le temps il faut que je finisse le premier tome de ma BD avant 7 mois… et puis de toute façon, c’est pas en étant une grosse vache que je vais commencer à aimer faire du sport. T’auras qu’à en faire pour moi » finit-elle par lui dire avec un léger sourire, pour dire de détendre un peu l’atmosphère, ou pour se détendre. « Tu dis ça, mais t’as jamais eu à aimer une baleine, donc avant de te prononcer, attends de voir le désastre » au fond, elle a l’espoir de ne pas réellement ressembler à une si grosse baleine. Peut-être qu’elle ne grossira pas autant, ça existe ça parfois, non ?

De retour de la douche, elle le rejoint dans le lit pour s’y coller. Elle décide finalement de croire en ses promesses, parce qu’elle sait qu’elle peut lui faire confiance quand il dit quelque chose, c’est du moins comme ça qu’elle fonctionne depuis deux ans et, jusqu’à présent, elle n’a jamais été déçue « Je me suis pas enfuie, je suis partie en te laissant un mot. » Elle espère pouvoir faire une nuance, même si elle indirectement, oui, elle a – un peu – fuit. « Je savais pas comment t’allais réagir, ni comment te le dire… mais promis. » Elle pose son regard sur le visage épuisé de son pompier, puis décide à son tour de venir l’embrasser pour sceller leur deal « Peut-être que tu devrais dormir, j’imagine qu’il va bientôt falloir songer à repartir cette après-midi. » Elle aurait préféré voir sa maman avant de repartir, mais elle a conscience que ça voudrait dire partir en fin de journée, C’est peut-être pas conseillé.