london derby (philipp)

Philipp aimait l’ambiance des jours de matchs plus que tout au monde. Ce stress presque palpable à l’arrivée au stade, les premiers cris des supporters qu’on entendait depuis les vestiaires, l’ambiance de concentration au sein de l’équipe. Il n’y avait rien de tel qu’un jour de match, encore plus quand il s’agissait d’un derby. Philipp n’avait jamais été fan d’une équipe particulière en premier league, mais en bon professionnel, il se devait désormais de détester l’équipe qu’ils accueillaient aujourd’hui, mais ce jour son esprit de rivalité lui venait plus facilement que le reste de l’année. Arsenal était le rival historique de Chelsea, et dans l’équipe des gunners jouait le rival historique de Philipp. Ils s’étaient connus petits, dans l’équipe de son père à Donwell. D’abord amis, ils étaient vite devenus rivaux car évoluant au même poste, mais ils ne s’étaient plus parlé depuis des années. Le cerveau de Philipp lui rappela que ça n’avait pas grand chose à voir avec leur rivalité sur le terrain, mais il se força à le faire taire. Il n’avait pas besoin de ces pensées, pas maintenant. Il attrapa le blouson de l’équipe et l’enfila avant de trottiner vers la sortie des vestiaires, s’efforçant de se concentrer sur le match à venir. Il sortit des vestiaires en premier, juste après les gardiens pour l’échauffement, et le reste de l’équipe le suivit avec un peu plus d’entrain que d’habitude. Philipp le sentait, ils avaient tous envie d’écraser les gunners pour se rattraper de leur début de saison minable. Philipp aussi avait envie de battre Arsenal, mais plus que tout, il avait envie de battre Miles. Il ferma les yeux en arrivant sur le terrain, son petit rituel, puis prit une longue inspiration avant de faire un signe de la main aux supporters. Des cris retentirent dans le stade mais Philippe ne les entendait presque pas, il était déjà concentré sur son match. Il commença à sauter sur place pour s’échauffer tandis que ses co-équipiers saluaient les autres joueurs de l’équipe d’Angleterre à côté de lui. Philipp se retint de lever les yeux au ciel, il n’avait aucune envie de faire copain copain avec l’équipe d’en face, il y aurait bien assez de temps après le match pour aller saluer ses compatriotes. Il était sur le point d’aller attraper un ballon pour commencer son échauffement quand il attrapa le regard du joueur qu’il aurait le plus souhaité éviter. Miles. Son sang se glaça en voyant l’autre imbécile lui faire un clin d’oeil et Philipp serra le poing contre sa hanche. Il prit une longue inspiration pour tenter de se calmer. Miles essayait de le faire sortir de son match, c’était évident, mais son ancien pote avait toujours su comment lui faire perdre son calme, quoi que Philippe fasse pour maîtriser son tempérament sur le terrain. Il était sur le point de lui tourner le dos quand la voix de Miles le fit réagir instinctivement. En deux pas, Philipp était face à Miles, la main sur son épaule pour le repousser. Les quelques supporters qui l’avaient vus commencèrent à siffler les joueurs de l’équipe d’en face, mais Philipp les entendait à peine. Il ne pensait qu’au terrain, qu’à leur confrontation à venir et au fait qu’il mourrait d’envie de le ridiculiser devant toute l’Angleterre. Si Miles lui laissait ne serait-ce qu’une opportunité de le tacler un peu sèchement, il prendrait sa chance, c’était certain. ”Je n’en ai jamais eu besoin pour te battre.” Ses co-équipiers s’étaient regroupés derrière lui, et le capitaine de l’équipe se tenait juste à côté, prêt, Philippe le savait, à le retenir par le bras si besoin. Il mourrait d’envoyer d’aller écraser son poing dans la figure de Miles, d’effacer son petit sourire satisfait. De lui faire comprendre qu’il ne valait pas mieux que lui, bien au contraire même. Philipp n’était pas un pervers, lui. ”Je te conseille de pas trop t’approcher pendant le match si tu veux garder tes deux jambes.” Philipp pouvait presque sentir son capitaine lever les yeux au ciel dans son dos. Il était bien plus calme, bien plus posé que lui, c’était d’ailleurs pour ça qu’il était capitaine de l’équipe. Mais Philipp le savait, même s’il en mourrait d’envie sur le moment, il ne blesserait jamais un autre joueur volontairement. Il tenait trop à sa carrière, mais ça, Miles ne le savait pas forcément, et tous les moyens étaient bons pour gagner ce match.

Philipp savait qu’il avait réagit au quart de tour pour pas grand chose. Il avait toujours été impulsif, au plus grand désespoir de son père qui avait tenté en vain de lui apprendre à garder ses nerfs. Il n’avait réussi qu’en partie, mais au moins Philipp se comportait un peu mieux sur le terrain. Et pourtant, Miles avait le don de le faire sortir de ses gonds en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, rien que de voir sa tête… Il lui lançait encore ce sourire narquois, plein d’assurance, comme si rien ne l’atteignait. Une sensation que Philipp lui enviait parfois, même s’il ne l’admettrait jamais. Miles se laissait presque faire, et ça ne faisait que lui donner envie d’y aller plus fort, de le frapper, de le faire réagir. Le joueur d’Arsenal fit semblant de s’essuyer les yeux et Philipp serra les poings contre ses hanches, un geste que son capitaine aperçut. Il s’avança derrière le jeune blond, comme pour être prêt à le retenir si besoin, mais Philipp resta immobile, s’efforçant de lancer un regard aussi intimidant que possible en direction de son adversaire du jour. Il avait beau faire le malin avant le match, Philipp savait que ce ne serait pas la même histoire une fois sur le terrain. Il allait s’en assurer. Son capitaine l’attrapa par le bras pour le forcer à faire demi tour et à ne pas répondre à sa provocation. Certains de ses coéquipiers s’étaient chargés de répondre à Miles par des gestes obscènes, et ça lui suffisait. Pour l’instant. Il lança un dernier regard en direction de son ancien ami avant de cracher sur la pelouse, puis de rejoindre son équipe pour s’échauffer.

Il s’appliqua sur chaque exercice, comme à son habitude. Il savait que sa carrière ne tenait qu’à un fil, qu’elle pouvait changer du tout au tout sur une seule blessure, une seule erreur, et il refusait de prendre le moindre risque. Il s’était juré d’aller jusqu’au bout, de tout gagner. À commencer par ce match, si possible en montrant à toute l’Angleterre qu’il avait plus sa place en équipe nationale que le grand débile qui jouait pour l’équipe d’en face. Le travail finirait par payer, il le savait. Après quelques minutes d’échauffement intense de son côté et très limité pour le reste de ses coéquipiers, Philippe suivit son capitaine en direction des vestiaires. Des sifflets avaient commencé à retentir dans le stade et il comprit vite pourquoi. L’équipe d’Arsenal avait également pris la direction des vestiaires et le public de Stamford Bridge prenait un malin plaisir à leur montrer comment ils allaient être accueillis pour les prochaines 90 minutes. Philipp préféra les ignorer, essayant de rester dans son match jusqu’à croiser le regard de Miles quelques mètres plus loin. Il sentit ses poings se serrer presque par réflexe et sa motivation à gagner le match augmenter encore si c’était possible. Il était en train d’hésiter à le provoquer quand son capitaine le poussa dans le dos en levant les yeux au ciel. ”Ça va, tu vas le retrouver sur le terrain ton copain, tu pourras lui dire bonjour à ce moment là.” Philipp lança un regard noir à son capitaine mais ne prononça pas le moindre mot. Son père lui avait appris à respecter son capitaine, et il ne se serait pas permis de l’agresser. Mais surtout, il préférait baisser la tête pour cacher le fait que ses joues étaient légèrement plus rouges que tout à l’heure, et que ça n’avait rien à voir avec l’échauffement. Il dépassa le reste de ses coéquipiers et donna un grand coup dans la porte de leurs vestiaires, la faisant rebondir contre le mur. Il le gagnerait ce match, même si ça devait le tuer.

Philipp se changea rapidement, sans lever les yeux de peur de croiser le regard d’un de ses coéquipiers. Les mots de son capitaine résonnaient encore dans son esprit, et il ne tenait pas à ce quelqu’un s’en aperçoive. Beaucoup de joueurs de l’équipe auraient été vexés de se faire charrier par leur capitaine devant tout le monde, il n’y avait rien de mal à cela, mais voilà, Philipp était plus perturbé que vexé. Et ça, c’était déjà moins normal. Pour une raison qu’il refusait d’admettre, le sujet de la vanne le touchait plus qu’un autre, plus que s’il n’avait rien eu à se reprocher. Philipp ferma les yeux et prit une longue inspiration pour se forcer à chasser des images qu’il tentait d’oublier depuis des années. Les images d’un après-midi passé avec le joueur qu’il s’apprêtait justement à affronter sur le terrain. ”Allez, let’s go !” lança-t-il finalement dans le vestiaire plus pour se motiver et se forcer à se concentrer que pour motiver ses coéquipiers. Ils ne seraient jamais aussi désespérés de gagner ce match que lui, il le savait. Habitués à son réactions d’avant (et d’après) match, les joueurs de Chelsea levèrent à peine les yeux de leurs lacets, mais le capitaine de l’équipe lui lança un regard approbateur. Il préférait sans doute le voir concentré et rageur, comme à son habitude. Philipp sortit du vestiaire devant les autres joueurs, trottinant dans le couloir pour ne pas se refroidir et pour se passer les nerfs. Quoi qu’il puisse montrer aux autres, ce match avait une saveur particulière pour lui, et il refusait de le perdre. Il leva les yeux vers le terrain et croisa alors le regard de Miles, mais là où il s’était attendu à un petit sourire moqueur, il fut surpris de voir le milieu d’Arsenal détourner le regard. Lui aussi devait être dans son match maintenant, et c’était tant mieux. Philipp ne voulait pas qu’il ait une excuse pour expliquer sa défaite après le match, il voulait le battre à la loyale. Les joueurs entrèrent sur le terrain et Philipp fit un petit signe de la main en direction des supporters mais sans vraiment y faire attention, il tenait à garder sa concentration. L’arbitre siffla le coup d’envoi quelques minutes plus tard, et Philipp regarda les joueurs d’Arsenal s’occuper de l’engagement. À la seconde où le ballon commença à rouler sur la pelouse de Stamford Bridge, son cerveau s’éteint, tout son corps ne se concentrant plus que sur une chose : le ballon. Comment l’avoir. Comment le donner. Comment gagner le match. Miles fit un appel rapidement, mais au lieu de se jeter sur lui comme il aurait pu le faire, Philipp anticipa sa passe en profondeur et se décala d’un mètre à peine pour être bien positionné. Comme par magie, il se retrouva pile au bon endroit quand le joueur d’Arsenal tenta sa passe et il put intercepter le ballon. Il entendit au loin les cris de joie des supporters, l’encouragement de son capitaine lui demandant de relancer, mais il ne les écoutait pas. L’attaquant d’Arsenal avait fait demi tour rapidement et venait désormais le presser pour récupérer la balle. Philipp réagit instinctivement, ses pieds et ses hanches agissant presque tous seuls. Il tenta un crochet sur l’attaquant, le prenant complètement à contre pied pour réussir à conserver le ballon. Cette fois, il entendit les cris des supporters dans son dos, mais il se força à rester concentré pour assurer sa passe vers son numéro 10. Le ballon glissa sur la pelouse pour atterrir dans les pieds de son coéquipier et lui permettre de partir en direction du but d’Arsenal. Philipp reprit sa course pour suivre l’action.

Philipp observa le ballon atterrir parfaitement dans les pieds de son coéquipier mais ne se laissa pas le temps de se réjouir de cette belle action. Il savait que la moindre seconde d’inattention pouvait se payer cash sur le terrain, et il refusait de laisser une chance à Arsenal de se mettre dans le match. Leur attaque pouvait être très dangereuse, et il savait que le meilleur moyen de gagner le match était encore de garder le contrôle du ballon, et d’appliquer un pressing étouffant dès que les Gunners auraient la balle. Il poursuivit son effort et remonta le terrain en courant pour accompagner son numéro 10. Il aperçut Miles sprinter pour tenter de le rattraper et serra les dents en le voyant arriver à la hauteur du joueur et tacler. Heureusement pour les blues, le tacle de Miles était engagé mais mal maîtrisé, et il ne fit que repousser le ballon dans les pieds de Philipp. Le jeune international Anglais se contenta de tendre la jambe pour contrôler le ballon avant de lever la tête. Personne n’était démarqué, et Philipp leva le bras pour demander à ses attaquants de bouger avant de reprendre sa course en direction du but des Gunners. Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir que Miles s’était lancé dans sa direction pour lui prendre le ballon. Il pouvait le sentir dans son dos, mais Philipp ne ralentit pas sa course. Son ailier s’était démarqué sur le côté, mais il semblait être hors jeu et Philipp préféra ne pas lui lancer le ballon. Il aperçut Miles arriver à côté de lui et se décida en un instant. Il aurait pu tenter une passe, pour l’ailier, ou en profondeur pour son attaquant de pointe, mais l'insistance de Miles lui avait donné une autre idée. Il ralentit brusquement sa course et effleura le ballon de l’extérieur du pied droit, priant pour que son geste soit dans le bon timing, pour que Miles le dépasse et que le ballon lui passe entre les jambes. Philipp imagina la course du ballon avant qu’il ne roule sur la pelouse de Stamford Bridge, et il entendit les cris des supporters presque avant de réaliser que son geste avait été parfait, et qu’il avait effacé Miles, se laissant un boulevard pour aller en direction du but adverse. Du coin de l’oeil, il aperçut son avant centre démarrer une course dans le dos de la défense et il réagit instinctivement. Son père avait toujours loué son sens du jeu, son instinct, et Philipp avait appris à lui faire confiance au fur et à mesure des matchs. Il lança le ballon dans la course de son attaquant tandis que tous les supporters présents dans le stade se levaient comme un seul homme, retenant leur souffle comme s’ils avaient peur de déconcentrer leur équipe, de les faire manquer cette occasion.

Philipp ne put pas s’empêcher d’interrompre son effort pour regarder le face à face de son attaquant avec le gardien d’Arsenal. Sa passe avait été parfaite, et il ne restait plus qu’à espérer que son coéquipier ne la ruine pas. Malheureusement pour lui et pour son équipe, le gardien d’Arsenal anticipa la frappe et parvint à repousser le ballon dans les pieds d’un de ses défenseurs. Philipp serra les dents avant de commencer à se replacer tandis qu’un grognement général retentissait dans le stade. Philipp s’efforça de ne pas penser au fait qu’il aurait joué le face à face différemment (et qu’il aurait surement marqué) et suivit le ballon des yeux tout en observant les appels des joueurs d’Arsenal. Le football était un sport simple quand on y réfléchissait, les mouvements, les appels, les passes… rien ne changeait vraiment, les joueurs retombaient souvent dans les mêmes schémas, et s’il y avait bien une chose qu’il avait appris à faire, c’était à les lire, à les anticiper. Il était en train de réfléchir au placement idéal quand il aperçut Miles s’arrêter à quelques mètres, pour le simple plaisir de venir le provoquer. Philipp eut à peine le temps d’entendre ce qu’il venait de dire que le milieu d’Arsenal était déjà parti en courant pour proposer une solution. Malgré toute sa concentration, Philipp avait interrompu son replacement, surpris. La voix de son capitaine sembla résonner dans ses oreilles et il laissa échapper un juron avant de sprinter en direction de Miles. Le milieu des Gunners avait récupéré le ballon, mais ses gestes manquaient de vivacité et Philipp était certain de pouvoir le rattraper, de pouvoir reprendre le ballon. Il courait sans plus réfléchir, animé par l’envie, le besoin de montrer à Miles qu’il avait eu tort de le provoquer. Plus que quelques mètres. Philipp se jeta au sol pour tenter de récupérer le ballon dans un tacle qu’il n’aurait sans doute pas tenté dans d’autres circonstances, mais Miles avait le don de le faire agir avec encore moins de retenue qu’en temps normal. La pelouse de Stamford Bridge accéléra sa glissade et Philipp sentit avec satisfaction le ballon venir heurter sa jambe. Il suivit sa course et sourit en voyant la balle finir dans les pieds de son capitaine. La réussite était de leur côté, il fallait en profiter. Il se releva, manquant de peu de donner un coup de pied à Miles au passage. ”Et vous auriez besoin d’un milieu de terrain qui n’est pas allergique au ballon.” Il ne leva même pas la tête en direction de Miles pour lui glisser cette phrase, se contentant de sourire avant de reprendre sa course pour suivre l’effort de son capitaine. Il pouvait presque sentir le milieu d’Arsenal dans son dos, sa frustration, et Philipp n’avait qu’une seule envie : enfoncer le clou. Il y avait un match dans le match entre les deux milieux de terrain, et il était temps de montrer une bonne fois pour toutes qu’il n’y avait pas de match entre eux.