/tw\ velvet embracer (emma)

Il est vingt-et-une heures trente sept. Olivia est en retard sur ce qu'elle avait annoncé. Mais ce sont des choses qui ne se prévoient pas : des obligations qui se rajoutent à la dernière minute, et un mari qui lui-même était en retard. Elle se sent un peu mal. D'être en retard. Ou d'avoir eu raison de préciser "minimum" par sms. Peut-être les deux. Sûrement les deux. Olivia se sent un peu stupide, aussi. D'être là. D'avoir cédé si facilement. Mais depuis tout à l'heure, depuis qu'elle a quitté le white horse, au fur et à mesure qu'elle écrivait cet après-midi, qu'elle cuisinait, ou qu'elle roulait jusqu'à Brighton, l'image d'Emma devenait de plus en plus prégnante, de plus en plus tangible, et nécessaire.

Elle a allongé son retard de cinq minutes, à juste contempler le vide de sa voiture tout juste garée sur le parking du Hilton. C'est grave. Très grave. Olivia mesure complètement qu'elle s'est trop attachée, que ce n'est pas comme ça que les choses sont supposées être, entre elle et Emma. A peu près pire, elle est certaine qu'elle est incapable d'y mettre un stop. Sinon, elle l'aurait déjà fait.

Olivia frappe quelques coups sur son volant, mais finit par sortir de sa voiture pour rejoindre la chambre d'hôtel indiquée. Elle est étrangement apprêtée, pour Emma oui, mais pas tant : il s'agit surtout de sa couverture. Elle a abandonné l'idée du jogging quelque part entre dix-sept et dix-huit heures et a préféré prétexter un rendez-vous professionnel avec une amie pigiste pour, cite-t-elle, partager et discuter après examen minutieux de son scénario. Si seulement. Olivia manque cruellement de rigueur, ces derniers temps.

Elle sonne à la porte de la chambre 207. Ça serait facile de tout mettre sur le dos de sa relation extra-conjugale. Et elle est à deux doigts de le faire, quand Emma apparaît derrière le battant. Alors tous ses griefs s'évanouissent, et un sourire vient instinctivement ensoleiller son visage. Olivia est contente de la voir, de la retrouver. Et peut-être qu'elle se fera bouder pour son retard, peut-être même qu'elle prend sa énième mauvaise décision en rejoignant Emma, mais là, tout de suite, tant pis. « Je suis désolée... J'ai du retard. » C'est la spécialité d'Olivia : faire mal, abîmer, et puis s'excuser. Avec ses yeux presque larmoyants et sa voix suppliante, avec sa bonne volonté soigneusement enrobée dans une couche de déni. Sa main se pose sur le haut du bras. Comme un mauvais réflexe, ses yeux balayent un côté du couloir, puis l'autre, et quand elle est bien certaine qu'il n'y a personne, alors seulement rentre-t-elle. « La bonne nouvelle, c'est que je peux rester plus longtemps. Si tu veux toujours de moi. Annonce-t-elle en prenant soin de refermer derrière. » Cela étant, Olivia n'ose pas tellement s'aventurer plus loin dans la chambre. On dirait une enfant qui vient d'être prise à faire une bêtise, quoique seules, entre les murs sécuritaires de cette chambre, elle est déjà nettement plus détendue que tout à l'heure, au white horse.

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Emma vérifia l’heure sur son téléphone, il était déjà plus de vingt-et-une heures et Olivia n’était toujours pas arrivée. Elle savait à la déception qu’elle ressentait qu’elle avait secrètement espérée que la jeune femme puisse se libérer plus tôt que prévu et vienne lui faire la surprise. C’était stupide, au fond d’elle elle le savait parfaitement, mais c’était comme ça. Ce n’était pas comme si Olivia ne l’avait pas prévenue pourtant, mais c’était le genre d’émotion impossible à contrôler. Elle reposa son verre à cocktail vide sur le bar et salua le barman d’un mouvement de tête avant de se lever et de se diriger vers les ascenseurs. Elle ruminait encore en pénétrant dans la chambre qu’elle avait réservée pour leur rendez-vous, se maudissant intérieurement de le prendre aussi personnellement. Ce n’était pas qui elle était, elle se rendait bien compte qu’elle stressait un peu et ça ne lui ressemblait pas. Ce n’était pas comme si elle faisait ça tous les jours mais elle avait quand même ses habitudes à force. Devoir vendre son corps ça lui était arrivé plus de fois qu’elle n'avait envie d’admettre, sauf que bien sûr là, c’était différent. C’était différent parce que c’était Olivia et qu’elle ne le faisait pas pour l’argent. Elle s’était allongée sur le lit, contemplant le plafond et essayant de ne pas penser à l’éventualité qu’Olivia puisse choisir de ne pas venir finalement, quand elle entendit des coups frappés à la porte. Elle se releva brusquement et sauta du lit comme si on l’avait mordue. Elle se força à se calmer et à ne pas se précipiter bêtement vers la porte, prenant même le temps de vérifier que son haut n’était pas froissé avant de lui ouvrir. Elle portait le même jean que tout à l’heure, pas parce qu’elle n’avait pas voulu faire d’effort mais parce qu’elle n’avait pas tant de vêtements que ça, elle devait se contenter de ce qu’elle possédait déjà depuis des années. Elle avait échangé son t-shirt de tout à l’heure contre un débardeur noir lâche et échancré dans le dos. Elle détailla Olivia face à elle, ne réussissant pas à s’empêcher de sourire elle aussi, c’était le genre de geste qu’elle trouvait toujours communicatif quand il venait de la jeune brune. Elle la laissa rentrer sans chercher à la brusquer, la laissant même vérifier que personne ne l’espionnait sans faire de commentaire. Elle était pourtant à la limite de la paranoïa, ce n’était pas comme si elles risquaient de se faire reconnaître ici. « Bien sûr que je veux de toi. » Répondit-elle sans chercher à dissimuler la malice dans sa voix. Elle pouvait bien voir qu’Olivia n’était pas particulièrement à l’aise, au départ elle avait pensé lui proposer d’aller prendre un verre ensemble avant mais elle s’était vite rendue compte que, même s’il y avait peu de chance que quelqu’un les reconnaisse à Brighton, ce n’était pas non plus une raison suffisante pour tenter le diable. Alors elle avait acheté une bouteille de vin blanc qu’elle avait calé dans le frigo de la chambre, au cas où elle ai le sentiment que ça puisse aider Olivia à se détendre. Emma attrapa doucement la main de la jeune femme et l’attira avec elle à l’intérieur de la chambre, comme si elle avait peur de la voir prendre ses jambes à son cou si elle la laissait traîner trop longtemps à côté de la porte. « Je suis contente que tu sois là. » Expliqua-t-elle, un petit sourire au coin des lèvres, avant de se rapprocher doucement d’Olivia, sans lâcher sa main qu’elle caressait à l’aide de son pouce, comme pour la rassurer, la mettre à l’aise. Elle avait l’impression que ça faisait des années qu’elles n’avaient pas eu un moment privé comme ça et ça devenait d’autant plus difficile de nier que ça lui avait manqué maintenant qu’Olivia se trouvait sous ses yeux, à quelques centimètres d’elle seulement. « J’ai eu peur que tu me poses un lapin. » Ajouta-t-elle d’un ton amusé, son sourire disparaissant pourtant l’espace de quelques secondes, parce qu’elle pouvait essayer de le faire passer pour une blague autant qu’elle le voulait, mais c’était vrai.

Au fond, Olivia savait qu'Emma ne la jetterait pas. Mais ça lui fait du bien de l'entendre. Qu'elle est désirée. Les mains qui s'enlacent et les sourires qui se croisent aussi, la rassurent. Ça lui donne envie de se rapprocher, ça lui donne envie d'abandonner son bon sens et sa prudence.

A la confession, ses phalanges se resserrent autour de celles d'Emma. « J'ai des manières. J'aurais au moins prévenu. Blague-t-elle à son tour, de façon un peu plus maladroite. » La fiabilité d'Olivia est parfois branlante, c'est vrai. Alors elle baisse les yeux, gênée, quoique toujours souriante. Elle n'aime pas ce sentiment. Celui d'avoir déçu. Elle ne s'explique pas pourquoi il lui paraît à ce point personnel avec Emma. C'est sans doute parce qu'elles se fréquentent depuis longtemps. Deux ans. Ça la frappe, maintenant. « J'aurais dû te prévenir que j'arrivais. » Son bras libre part s'enrouler autour des épaules pour rapprocher les deux corps dans une étreinte timide. D'habitude, Olivia est une femme plutôt sûre d'elle, pleine d'initiative, mais à chaque fois qu'elle rejoint Emma, elle a l'impression de tout oublier, comme coincée dans une boucle qu'il faut à chaque fois redécouvrir. Avec le temps, les choses se sont sensiblement améliorées, mais il est toujours préférable de ne pas la brusquer, de la laisser elle-même se rendre compte de ses erreurs. Au début de ça, de leur relation (c'en est au moins une commerciale, elle préfère ignorer le reste), il aurait déjà été impensable qu'elle accepte ce rendez-vous ci. Trop hâtif, trop imprévu.
Et puis, elle se rappelle du pourquoi elle a en partie accepté. La dépendance. Et à nouveau, l'épée de Damoclès flotte au dessus de sa tête. Ses muscles se tendent sans qu'elle n'en prenne vraiment conscience. Elle n'a plus qu'à secrètement espérer qu'on lui passe l'éponge. Parce que ça serait aussi inconsidéré d'accepter que ça l'a été de proposer.

Olivia décroche un bâillement impromptu et un petit rire à sa suite. « Désolée. J'ai eu une journée chargée. » Pour ne pas dire compliquée. Cela étant, elle a réussi à écrire cet après-midi. C'est mieux que les cinq semaines passées. Bien qu'il ait surtout fallu se faire à l'idée qu'Emma habite désormais le même village. Quelles étaient les chances, sérieusement ?...
Et puis, au moment où ses yeux tombent à nouveau dans ceux d'Emma, ce qui lui apparaissait comme une contrainte devient soudainement une facilité. Elles pourront se voir plus souvent. Non. Elle a déjà cédé ce soir, il est hors de question que ça devienne plus récurrent et plus fréquent. Ça serait trop dangereux. « Je crois que je pourrais juste m'allonger et dormir. Rigole-t-elle. » Olivia se surprend momentanément à rêver de plaisirs simples. Avec Emma. Dormir, manger, discuter. Mais elle préfère réprimer ces pensées stupides plutôt que de les laisser proliférer. Ça aussi, ça serait dangereux. « Mais j'aime autant rentabiliser le temps que j'ai avec toi. » Rentabiliser. Son choix de mot a des allures impersonnelles, et renvoie à cette idée de transaction. Instinctivement, peut-être que ça la rassure. Elle a sans doute peur de se rendre compte qu'Emma commence à lui devenir gravement indispensable. Mais une chose est certaine : pour la première fois depuis qu'elle est à Donwell, elle arrive enfin à respirer.  

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Emma ne put s’empêcher de hausser un sourcil en entendant Olivia dire qu’elle avait des manières et qu’elle l’aurait prévenue si elle avait finalement décidé de ne pas venir. Jusqu’à présent elle n’avait jamais annulé de rendez-vous mais les circonstances étaient différentes ici et Emma n’était pas aveugle au point de ne pas voir que la jeune femme était capable de faire preuve de lâcheté par moment. Ne serait-ce que dans sa manière de ne pas assumer qui elle aimait, qu’elle adorait ces moments volés avec elle. Seulement sur ce sujet elle s’était promis de ne jamais en parler avec elle, de ne jamais essayer de lui faire voir la vérité en face, elle savait que ce ne serait pas forcément dans ses intérêts. C’était égoïste mais quelque part tant qu’elle continuait à vouloir se cacher elle ne risquait pas d’aller voir ailleurs, elle allait continuer à la voir elle et personne d’autre parce qu’ajouter une autre femme à l’équation aurait été trop compliqué, trop risqué. Alors Emma avait toujours choisi de ne rien dire, de la laisser vivre dans le déni parce qu’au fond ça les arrangeait toutes les deux pour l’instant. Et puis maintenant qu’Olivia était là, qu’elle la rapprochait d’elle, qu’elle n’avait plus besoin de faire attention à qui pouvait les voir, Emma n’avait aucunement l’intention de dire quelque chose qui risquait de tout foutre en l’air. Elle passa ses bras autour de la taille d’Olivia, rapprochant presque sans s’en rendre compte son visage du sien. Ses lèvres lui faisaient tellement envie mais elle avait appris au cours des deux dernières années qu’il valait généralement mieux ne pas la brusquer. Et le fait qu’elles ne se soient pas vues depuis longtemps ne semblaient pas l’aider à se sentir plus à l’aise, même son étreinte paraissait presque timide. Emma haussa à nouveau un sourcil en la voyant bailler, reculant légèrement son visage comme par peur que ce soit contagieux. Il n’y avait pas à dire c’était flatteur et la jeune blonde se mordilla la lèvre pour s’empêcher de répliquer, de dire quelque chose qu’elle pourrait regretter juste après, essayant de se dire qu’au fond c’était mignon, que c’était bon signe qu’elle se sente assez à l’aise avec elle pour faire ça. Elle allait répondre qu’elle pouvait même faire une sieste si l’envie lui prenait mais la dernière remarque d’Olivia la pris de court. Elle se raidit aussitôt, comprenant qu’Olivia avait décidé de ne pas rater la moindre occasion de la remettre à sa place. Sa place de prostituée, de prestataire. Elle laissa retomber ses mains le long de son corps et lança un sourire légèrement amer à la jeune femme, se demandant pourquoi ce genre de réflexion l’atteignait désormais autant. A une époque ça l’aurait fait rire, elle aurait rebondi pour tourner la situation à son avantage. Et là… là elle avait juste envie de s’éloigner et de rentrer chez elle, à Londres. « Justement, tu me payes pour que je sois là, tu peux bien faire ce que tu veux. C’est pas comme ça que ça marche ? » Ce n’était pas à Emma de décider du programme de la soirée après tout, elle elle était juste là pour faire ce qu’on lui disait, fermer sa gueule et récupérer son argent à la fin non ? Elle avait presque dit ça d’un ton léger, sans amertume, comme si elle essayait à présent elle-même de se convaincre que ce n’était rien de plus que ça : une transaction financière. « Si tu veux dormir tu peux, ça ne servirait pas à grand-chose que je sois venue c’est tout. » Elle lança un sourire légèrement forcé à Olivia avant d’attraper sa main et de l’attirer gentiment avec elle vers le lit. Elle se décala pour laisser passer la jeune femme et la pousser à s’asseoir sur le lit avant de venir s’installer à califourchon sur elle. « C’est toi qui choisit, moi je veux juste que tu en aies pour ton argent. » Ajouta-t-elle d'un ton presque amusé. Au fond Olivia avait raison, de la remettre à sa place, de clarifier à nouveau les limites, elle se sentait juste conne d’avoir eu besoin de cette piqûre de rappel, il ne fallait pas qu’elle oublie que la jolie brune était une cliente comme les autres et que le fait qu’elle lui plaise tout particulièrement ne devait rien changer à leur arrangement.

A nouveau, ses poumons s'inondent. Olivia est décontenancée par les sourires tièdes et les mots angulaires. Elle sent quasiment le malaise s'infiltrer par les pores de sa peau, tant il s'épaissit. Elle a gaffé. Sa mâchoire se contracte. Elle se laisse tout de même conduire jusqu'au lit, s'assoit quand on lui intime de s’assoie, et place ses mains sur les hanches d'Emma quand on vient s'installer à califourchon. Le geste est chaste, dénué de toute arrière-pensée.

Il y a un instant de silence où elle ne fait que regarder fixement Emma. Devrait-elle s'excuser ? Elle devrait s'excuser. Ou pas. Ou si. L'hésitation serpente le long des parois de son esprit. « Emma. » Malgré la véracité des propos, elle ressent le besoin de clarifier la situation. Sa main se pose sur la joue de son amante. « Ce n'est pas... » Elle ne sait pas quoi dire, ou comment s'excuser. Peut-être qu'elle ne devrait pas s'excuser. Olivia soupire, sa main retombe. « J'en ai besoin. » Ses bras s'enroulent autour de la taille, et sa tempe vient reposer contre les clavicules. « Ta présence n'est pas chiffrable. » C'est vrai, l'argent est une bien maigre compensation par rapport à ce qu'Emma lui apporte. Si elle pouvait, Olivia s'en passerait... Or elle n'y arrive plus. Elle l'a dit : elle en a besoin. « Tu n'es pas remplaçable. Admet-elle encore. » Oui, c'est un échange, une simple transaction. Mais ça ne l'empêche pas de s'inquiéter pour Emma, de ne pas aimer la voir comme ça, comme elle devrait pourtant préférer qu'elle soit. Ça serait plus facile. Plus facile s'il n'y avait pas ce côté humain, ces attaches organiques qui se sont nouées au fil des mois sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte.

Oui. C'est humain.
Elle ferait ça avec n'importe qui, se persuade-t-elle.

Olivia recule, encadre le visage avec ses mains. « Et je suis très contente d'être avec toi ce soir. » Un bout de sa raison est écorché à vif. Voila qu'elle s'est rendue vulnérable. Et elle déteste ça, la désagréable sensation qu'on a le pouvoir d'observer au travers de la façade. Derrière la jolie palissade. « On fera ce que tu veux. C'est mon argent, mais c'est ton corps. » Ça suffit. Ça crie, quelque part, dans la conscience. Seulement, il n'y a personne pour la persuader d'arrêter, rien à considérer qu'elles deux, pas de paires d'yeux indiscrètes, pas de mari qui se demande où elle est. Juste elles deux, entre quatre murs clos.
Elles ne se sont pas vues depuis trop longtemps. Ça la détraque. Forcément. Ça ne peut qu'être ça. Est-ce que ça veut dire quelque chose ? Non. Est-ce qu'elle veut creuser ? Non plus. Emma est devant elle. C'est ce qui compte. Et ce qu'elle veut, surtout, là, tout de suite, c'est l'embrasser. Alors elle l'embrasse, pose délicatement ses lèvres sur les siennes, comme pour laisser l'opportunité à Emma de se retirer à n'importe quel moment.   

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Le fait qu’Olivia soit spéciale à ses yeux n’avait jamais été aussi clair dans l’esprit d’Emma qu’à ce moment, alors qu’elle avait les yeux plongés dans les siens et ses mains posées sur sa taille, alors que la jeune blonde essayait de se convaincre que c’était mieux que leur relation ne dépasse pas le cadre de l’échange de bons procédés, alors qu’Olivia, au contraire, semblait se raviser et regretter ses paroles. Emma glissa instinctivement une main dans les cheveux de la jolie brune quand elle posa sa tête contre sa clavicule, se contentant d’apprécier ce simple moment de tendresse, refusant obstinément d’assumer le bond que son cœur avait fait dans sa poitrine. C’était la surprise, rien de plus. « Elle n’était pas remplaçable », Emma avait honte d’admettre la violence du soulagement qui l’avait envahie en entendant ces quelques mots. Elle n’avait pas le luxe de pouvoir se montrer possessive, ce n’était pas en adéquation avec son boulot, ni même avec le reste de sa vie. Et pourtant il était bien là ce sentiment de jalousie à l’idée qu’elle puisse aller voir quelqu’un d’autre. Emma détestait s’en rendre compte mais elle le détestait un peu moins quand Olivia lui faisait ce genre d’aveu, quand elle venait encadrer son visage de ses mains, quand elle lui disait qu’elle en avait besoin et qu’elle venait l’embrasser. Ses lèvres sur les siennes avaient décidément le don d’adoucir tous les maux et de lui faire oublier quelque chose qui l’avait contrariée à peine quelques secondes auparavant. Elle se rapprocha instinctivement encore plus d’elle, lui faisant comprendre qu’elle appréciait le contact en approfondissant gentiment leur baiser, cherchant encore une fois à ne pas la brusquer, comme si elle avait affaire à un animal sauvage et non à une femme qui maîtrisait d’ordinaire parfaitement son environnement. Elle laissa échapper un petit soupir appréciatif avant de reculer légèrement son visage, à regret. « Ce que je veux ? T’es sûre que c’est bien raisonnable ? Tu m’intéresses en tout cas. » Souffla-t-elle, un sourire tout sauf innocent aux lèvres. Elle ne se sentait pas trop coupable parce qu’elle savait pertinemment que ses désirs concordaient avec ceux d’Olivia. « Je vais aller leur demander s’ils ont un scrabble à nous prêter. » Plaisanta-t-elle avant d’enlever la veste de la jeune brune et de la lancer un peu plus loin sur le lit, comme pour appuyer le fait qu’elle n’était absolument pas sérieuse avec sa proposition. Elle avait une idée bien plus alléchante en tête. Elle posa son front contre celui d’Olivia et remonta ses mains le long de ses flancs, prenant volontairement son temps avant de commencer à déboutonner son chemisier. Elle n’était pas pressée, ça faisait un moment qu’elle n’avait plus eu le droit d’être avec elle et elle comptait bien en profiter. Elle n’était pas persuadée qu’Olivia soit capable d’assumer le fait de continuer à la voir, pas alors qu’elle risquait de tomber sur son mari tous les jours, et ce, malgré tout ce qu’elle pouvait lui dire pour l’assurer du contraire. « Ça m’a manqué. » Souffla-t-elle, un peu plus sérieuse cette fois-ci, n’osant pas affronter le regard d’Olivia alors qu’elle terminait de défaire les boutons de son chemisier. « Tu m’as manquée. » Se corrigea-t-elle un peu après avant de revenir l’embrasser, comme si elle avait peur de lui laisser l’opportunité de répondre.

« Ah oui ? J'ai de la chance, alors. Répond Olivia du tac au tac. » Un petit rire secoue sa poitrine. La chaleur des corps la rassure, fait se détendre les muscles et s'accumuler quelques couches de désir au creux des reins. La blague lui arrache même un franc sourire qui lui perdure sans vouloir disparaître. Ça fait du bien, de se retrouver là, entre ces quatre murs, à l'abri des regards, du jugement, ou de sa propre vie. Ça fait du bien, d'avoir Emma là, tout proche, de pouvoir la toucher, ou juste parler sans filtres. Ça fait du bien de souffler.

Après que sa veste ait volé plus loin sur le lit, ses mains partent traîner à la lisière du haut, sans tout à fait oser s'aventurer plus loin. Elle savoure le contact des fronts, de la peau, du souffle. Son cœur bat si fort qu'elle l'entend jusque dans ses tempes. Elles ont fait ça quelques fois, maintenant. Mais chaque rencontre lui arrache son lot d'appréhensions, d'excitation, aussi. D'appréciation, surtout. Plus on avance, et plus l'appréciation prend le pas, d'ailleurs. A en oublier les images désapprobatrices de son mari et de son père. A en oublier le monde extérieur. A choisir le danger. Parce qu'Emma est un danger, n'est-ce pas ? Emma représente tout ce qu'Olivia devrait éviter. Pourtant, elle est là. Pour la énième fois. A profiter du baiser, à en désirer plus. A vouloir lui répondre toi aussi. Or les mots restent bloqués dans le fond de la gorge. C'est une confession qu'elle n'est pas prête à faire une seconde fois, surtout pas ici, et surtout pas dans les bras. Ça voudrait dire trop de choses. Et ces choses n'ont pas à être. Ces choses ne sont pas. A la place, Olivia se contente d'esquisser un sourire contre les lèvres. C'est tout ce qu'elle est capable d'offrir pour le moment. Ça et ses mains qui remontent enfin sous le haut, alors que les derniers boutons de son propre chemisier sautent. Sa peau frémit, envoie une volée de frissons manger l'échine.

Si elle pouvait, elle se serait arrêtée, elle aurait exaucé cette petite voix qui réprouve cette sortie nocturne, cette échappatoire à sa vie morne et normée. Elle ne peut pas. Son corps est enivré par les fragrances d'Emma, par la douceur de sa peau, et l'allure de son visage. Par les yeux, par les lèvres, par tout ce qui fait d'Emma, Emma. Plus tard, elle regrettera. Peut-être même juste après. Peut-être demain, si elle a de la chance. Mais pour l'instant, ses sens ne répondent plus qu'aux gestes de son amante et à ses désirs immédiats.

Ses mains reviennent à elle pour mieux retirer le chemisier, tandis que la bouche descend des lèvres au bord de la mâchoire, de la mâchoire à la jugulaire. L'un de ses bras encercle ensuite la taille pour les faire chuter en arrière dans le lit. Elle offre le soubresaut d'un rire quasi-nerveux contre la peau, comme pour relâcher une forme de pression invisible. Ok, peut-être qu'elle ressent encore un peu le stress et la conséquence de son adultère. « Désolée. Souffle-t-elle en esquissant un sourire tendre. » Olivia replace une mèche blonde derrière l'oreille et laisse sa main reposer sur la joue. Ses yeux vagabondent brièvement sur les lèvres, et puis remontent à leurs opposés. « Tu es belle. » Un simple compliment, tout en sincérité et en affection qui, dans la bouche d'Olivia, a des allures de déclaration. Ou, en tous les cas, c'est ce qui s'en rapprochera le plus.

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Quand il s'agit d'une femme, quand il s'agit d'Emma, puisque c'est la seule femme qu'Olivia ait jamais connu, il y a un plaisir égal à répondre aux désirs qu'à se libérer des siens. Olivia l'a appris plus tard, au fil du temps et des échanges. Pour beaucoup de raisons, principalement liées à sa paranoïa ou à ses remords, elle ne se donne pas toujours la peine de le faire. Mais aujourd'hui, elle en avait envie. Elle avait envie de faire les choses correctement. De se rattraper pour son retard, et peut-être de montrer à quel point, oui, Emma lui a manqué. Alors elle profite de chaque tension dans le corps, des muscles qui se crispent, des chairs qui frémissent, et du son étouffé de la jouissance. Elle enregistre chaque petit détail, et le confine dans un espace cloisonné de son cœur, un qu'elle peut ignorer la majorité du temps, mais qu'elle réussit à chérir durant une poignée de secondes précieuses.

Olivia s'essuie la bouche d'un revers de main, et se laisse aguicher par les paumes d'Emma qui se posent sur ses hanches, et les lèvres qui remontent le long de son cou. L'affection lui tire un sourire affectueux. « Je sais. J'en avais envie. Répond-t-elle avec toute la douceur du monde. » Olivia profite de la proximité, fait traîner ses phalanges dans les boucles blondes, et puis se laisse tomber sur le côté du lit sans toutefois prendre trop de distance avec Emma. Installée sur le côté, son regard n'arrive pas à se détacher de la figure, du visage, des yeux bleus. Ces magnifiques yeux bleus. Ils lui feraient presque oublier sa vie. A défaut, ils lui font momentanément oublier sa culpabilité.
Tout ce qui compte pour l'instant, c'est que la présence d'Emma l'apaise. « Tu veux bien rester encore un peu avec moi ? » Le ton de la demande est plus celui d'une amie que d'une cliente. Parfois, Olivia aime penser qu'Emma est plus qu'une prestataire, pour elle. C'est de cette façon qu'elle le ressent, en tous les cas, combien même préfère-t-elle le nier une bonne partie du temps.

Elle dépose un baiser sur l'épaule. Puis son visage se love dans le creux du cou tandis que ses paupières se ferment momentanément, comme pour mieux profiter du calme et de la chaleur des corps. Un nouveau bâillement lui arrache la mâchoire. Si on la laissait, elle pourrait sans doute s'endormir, là, maintenant. Son esprit est assez embrumé pour. « Si je m'assoupis, ne me laisse pas dormir trop longtemps. Prévient-elle quand même. » Au cas où. Sur la fin, les mots ne sont pourtant déjà plus qu'un murmure. Les membres ne tardent pas à s'engourdir, et les sens à sombrer dans la léthargie confortable du sommeil.

Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sent sereine. Complètement sereine.