« when there is no enemy within, the enemies outside cannot hurt you. » — ((HS&W#02))

Il peut regarder dehors sans avoir peur d’avoir mal aux yeux. Il a les lunettes sur le nez qu’il redresse de temps à autre, assis sur son lit, son esprit est un peu parti ailleurs en tout cas, loin de cet hôpital. À repenser à Al’ et sa folie, à Play. Il se demande comment ils vont… Pas bien, évidemment, il sait que quand il n’est pas dans les alentours, Al’ vrille et peut très bien faire des conneries contrairement à ce qu’il prétend par SMS. Il soupire un peu ennuyé. Il est encore coincé ici pour quelques jours, jusqu’à que son corps finisse par s’habituer aux médicaments et que le traitement soit terminé pour les quelques mois de tranquillité. 

On toque à la porte. Il fronce les sourcils, ce n’est pas l’heure des médicaments ou de repas. Enfin, l’infirmière ne devrait pas passer comme ça, ni son père et encore moins son médecin qui est en congé. Il ferme les yeux en réalisant la voix, pas besoin de se retourner pour comprendre qui est cette personne. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Il tourne le regard pour observer la plante qu’elle a acheté pour lui. Ce serait étonnant d’apprendre qu’il sait s’occuper des plantes Sun, il a des bonsaïs chez son père.

Elle s’installe en tout cas, cette personne agaçante n’a pas changé sur ce point là. À prendre ses aises et à venir pour parler, tourner autour du pot… De Succulente… Qu’il est en train d’observer, pourquoi une plante ? Cela présume qu’elle a quelque chose à lui dire ou demander, qu’elle vient en paix. « Qu’est-ce que vous faites là ? » demande-t-il froidement en regardant Winnie, un paysage bien dérangeant dans sa chambre qui l’était déjà. Le tout rend ce moment encore plus qu’insupportable.

Elle s’y attend, à ce ton sec et acerbe. Elle s’y attend et elle ne lui en veut pas. Après tout, comment le pourrait-elle ? Winnie a quitté Donwell pour la journée afin d’aller le voir, dans un but précis qu’il ne saisira sans doute pas. Mais peu importe, elle est là et elle ne compte pas partir sans le lui dire. « Bonjour monsieur Kim. Je suis tout aussi ravie de vous revoir également. » Elle feinte, bien évidemment, tout comme lui, l’évidence de l’agacement. « Je suis ici parce qu’on a des choses à se dire je crois. Comme le fait que vous avez piraté mon dossier militaire ? » Elle laisse échapper un petit rire amusé, plus pour lui faire comprendre qu’elle trouve ça drôle au plus haut point d’avoir fait une chose pareille, sans lui demander son accord. « Je suppose que l’idée vient de lui. De son besoin de contrôle, de savoir. Vous n’avez fait qu’exécuter. Me voir comme une menace… je trouve ça presque… hilarant. » Cette fois, elle penche sa tête sur le côté, taquine. Et puis, il est temps de sortir sa carte maîtresse. « Monsieur Ashford n’ayant pas été assez discret durant ses filatures, il m’a fallu moi aussi enquêter. Mais je parie que vous le savez déjà. Donc nous sommes à égalité. » Elle se lève cette fois et se dirige vers la fenêtre en lui tournant le dos, croisant ses bras sur sa poitrine. « Fascinant ce que vous avez fait avec Alistair. Cela dit, je ne juge pas. Je n’en ai pas le droit. Je ne cautionne pas non plus mais… je comprends mieux certaines choses maintenant. »

Alors elle sait.
Sun essaye d’écouter Winnifred comme il peut, il n’aime pas sa voix qui l’irrite clairement et il sait qu’elle va parler encore et encore, il ne dira rien de son côté ou très peu. Il n’est pas bavard en tout cas. Il comprend que Winnie sait pour le dossier militaire, ils sont vraiment sur la haute sécurité, puis Caesar, maintenant elle sait ce qu’ils font réellement. « Mh… » fit-il sans arquer un sourcil, il redresse juste les lunettes et reste malgré tout sérieux. « Donc vous êtes juste venue pour me dire que vous savez tout ça. » Il en doute très fortement, elle n’aurait pas fait tout ce chemin pour juste lui dire ça et lui rire au nez sur le fait qu’elle a maintenant presque toutes les informations. Elle n’a que les dossiers et les faits sur le papier, ce n’est rien du tout. Elle n’imagine pas la réalité et encore les trous noirs qu’elle a dû trouver, ces trous noirs qu’il a pris soin d’effacer. « Ne tournez pas autour du pot Mlle Doherty, dites pourquoi vous êtes là en ce moment-même. » ça les ferait gagner du temps. Surtout pour lui qui n’a clairement pas envie de la voir ici, à l’hôpital en étant malade. Même si elle a dû réussir à avoir accès à son dossier médical, il semble craindre un peu le pire. Il observe la plante et semble remarquer qu'elle a été achetée chez une fleuriste, pas dans les grandes surfaces... Là où elles seraient sur-traitées.

Elle l’agace et elle n’en est même pas désolée Winnie. Elle est comme ça, elle est bienveillante, elle est un moulin à paroles, parce que le silence, le vide, l’effraie. Parce qu’elle n’y arrive pas à se taire, elle n’arrive pas à se sentir aussi froide que le néant. Elle ne veut pas. Elle s’y refuse. Alors quand elle le voit s’agiter un peu à cause de sa présence ici, Winnie serait presque touchée par tant de véhémence à la repousser. « Non, pas du tout. Je suis venue parce que votre absence m’a intrigué. Et parce que je sais pour certaines de ses exs. Je suis au courant de son passif avec elles. » Si elle se doit d’être honnête avec lui, autant tout lui dire. Elle ne sait pas mentir de toute façon. « Nous voulons tous les deux la même chose il me semble. Son bien. J’ai compris que ce n’était pas de la même façon, quand j’ai lu tout… ce que vous avez fait. Mais cela dit, notre but est le même monsieur Kim. » Sur ça, elle en est certaine. Ils veulent la même chose, différemment. Même si ça la tue à petit feu. « Alors je suis venue pour vous proposer un deal. Vous ne pouvez pas être là-bas avec lui pour le surveiller, alors que moi si. J’ai d’ailleurs engagé quelqu’un qui est un ancien camarade de l’armée. Il me devait un grand service et je l’utilise pour vous. Il a commencé sa filature. On s’est mis d’accords pour qu’il vous envoie une fois par jour ou tous les deux/trois jours ce qu’il a trouvé, de façon nette et concise. Voici le téléphone avec lequel il vous tiendra au courant. » Elle le sort de sa poche pour le lui donner. « J’ai peur pour Alistair. En tant qu’amie. Je connais son vice pour les jolies femmes, il n’a pas trop changé je trouve. » Ça la fait sourire un peu, mais elle se rend utile, comme elle le peut.

Si elle sourit, Ha-Sun ne sourit pas du tout et il ne prend même pas le temps de cinq secondes pour reprendre la parole, assez fermement et qui démontre sa contrariété. « Je n’ai pas demandé votre aide. » claque-t-il en tournant son regard vers elle. « Et Al n’en demande pas non plus. » Il la regarde toujours droit dans les yeux. « Il faut arrêter d’infantiliser Al’, peut-être qu’il a ses points faibles, mais il se débrouille clairement pour faire face au lieu d’être aidé comme ça. Qui en plus, dans son dos. » Il ne prend même pas le téléphone que Winnifred tend en plus, il ne bouge pas du tout même. « Vous allez demander à votre ami militaire, au lieu de gâcher la faveur qu’il vous doit, d’arrêter cette filature parce qu’Al sait repérer les personnes qui le suivent. Militaire ou pas. » Il penche la tête sur le côté, toujours agacé. « Si vous voulez être une amie pour lui, qui est en soit déjà un miracle, respectez son espace et arrêtez d’envahir ceux des autres, pas que le sien, mais aussi le mien. » C’est d’une telle ironie qu’il dit ça, cette personne qui envahit l’espace de Winnifred en allant piocher son dossier militaire. Il sait bien qu’il n’est pas blanc, mais lui, il n’est pas allé aussi loin avec ces données et il ne s’en est même pas servi contre elle. Il n’en a même pas parlé.

Winnie aimerait être surprise, mais non, elle ne l’est pas. Elle s’y attendait à ce rejet. Et elle ne se braque pas. Non, au contraire. Elle comprend mais elle ne baisse pas les bras Winnie. « C’est vrai, vous ne l’avez pas demandé. Mais loin de moi l’envie d’être intrusive. Mais vous l’avez été en premier je crois non ? Avec ma vie, mon dossier militaire ? Et je ne le fais pas pour me venger ou vous rendre la monnaie de votre pièce. Je ne sais pas être si mauvaise. » Il lui arrive de l’être mais pas dans ce genre de cas. Pas quand elle le voit si amorphe sur ce lit d’hôpital et que ça lui brise le cœur. Pas quand elle ressent toute sa douleur, bien trop empathique qu’elle est. Pas quand elle se sent coupable alors qu’elle n’a rien fait de mal. Non, pas dans ce genre de circonstances. « Ashford vous a trahi. Et Alistair sait que, si je l’avais voulu, toutes les infos que j’ai eu en mains, je les aurais déjà utilisés contre vous. Au lieu de ça, je les ai brûlés monsieur Kim. Jusqu’au dernier bout de torchon. » Cette fois, elle se trouve proche de son visage, bien trop proche. Il ignore réellement ce qu’est être intrusive, se trouver là, dans son espace vital, si proche, si envahissante. Non, il ne le sait pas le pauvre fou. « Je ne l’infantilise pas… je veux le protéger de lui-même. Et vous le savez monsieur Kim. Ses colères. Sa tendance à se laisser bien trop emporter. Si vous êtes le cerveau, sans vous, que devient-il ? » qu’elle se retire, en se mettant à bonne distance de lui.

Ha-Sun ferme les yeux et lâche un léger soupir, il fait de son mieux pour cacher le mal de crâne qui vient à la charge en ce moment-même. C’est assez insupportable. « Sauf qu’à la différence Mlle Doherty. Le dossier que nous avons récupéré, nous l’avons pas utilisé pour quoi ce que ce soit et nous sommes même pas venu fanfaronner là-dessus comme vous semblez bien le faire. » Il ouvre les yeux et ignore le mal de crâne qui tape contre ses tempes. Elle continue de parler, de fanfaronner, de dire qu’elle a eu les dossiers, qu’elle connaît les détails et qu’elle les a brûlé. Il ne comprend pas pourquoi elle dit ça, ça n’a aucun intérêt. Mais elle se rapproche trop de lui, trop dans son espace vital qu’il déteste ça. Au point de mettre la main sur l’épaule afin de la pousser de là. Qu’elle soit pas si proche. « Vous vous attendez à ce que j’applaudisse pour ce geste et que je dise: oh soyons amis maintenant que nous nous sommes fait la même chose ? » Il grimace et secoue la tête. Non, elle peut vraiment y rêver. Il n’a pas hésité à poser sur la partie sensible de l’épaule de Winnifred au cas où si elle irait trop loin, malgré sa faible poigne. Il est très méfiant. Mais elle prend la distance, ça vaut mieux. « Ce n’est qu’une question de temps et ça ne vous regarde pas. Si vous êtes une amie d’Al, grand bien vous fasse, vous ne l’êtes pas pour moi. Vous feriez mieux de ne pas mettre sur mon chemin. Ne dépassez pas la limite qui est déjà trop fragile et instable avec lui en voulant le sauver de lui même alors que vous avez du mal à le faire avec vous-même. » Une pause. Il lâche un petit rictus. « On ne peut pas sauver les gens tant qu’on ne se sauve pas soi-même, il me semble qu’on a déjà eu cette conversation. »

Il touche son épaule. Elle en ressent la décharge désagréable qui lui fait grincer les dents Winnie. Elle ne bronche pas parce qu’elle refuse de lui montrer qu’elle n’a pas aimé, mais son regard, ce regard qu’elle lui lance est mauvais. Utiliser une chose aussi instable pour elle, contre est petit, bas, même à ses yeux. Même venant de lui. Elle a bien fait de se retirer, elle a manqué de lui tordre la main Winnie, avec une force qui l’aurait sûrement surprise elle-même. « Utiliser la psychologie inversée… monsieur Kim, je suis allée à l’armée. Come on. Je m’attendais à mieux que ça de votre part. » Et elle rit Winnie. Elle rit d’un rire sardonique, parce que toute cette situation est risible. La façon dont il la repousse, bien que prévisible, elle, ici. Le fait qu’il lui rappelle, avec autant de mépris tout ce qu’elle lui inspire. Oui, Winnie rit, parce qu’elle ne sait pas quoi faire d’autre finalement que se moquer pour le déstabiliser. « La prochaine fois que vous me touchez monsieur Kim, je vous brise les os. Un à un. » Son sourire disparait pour laisser place à un rictus désagréable. S’il veut jouer à ça, très bien. « Je ne veux pas être votre amie. Une alliée, tout au plus. Vous n’avez personne d’autre vers qui vous tournez monsieur Kim. Refuser mon aide est un luxe dont vous ne pouvez pas vous permettre actuellement. » Elle sait Winnie, qu’il n’a pas le choix. Que dans son état, il ne peut rien faire d’autre qu’accepter. Sinon, elle ne serait jamais venue le voir en lui proposant une chose pareille. Elle ne manipule pas, mais elle se doute qu’il ne peut dire non à une telle offre par les temps qui courent.

Une psychologie inversée ? Ha-Sun arque un sourcil et secoue doucement la tête. Non, il n’utilise pas la psychologie inversé, il n’en a pas vraiment conscience pour ça, il lui rappelle juste la chose: elle ne s’aide pas et ce n’est pas en allant aider les autres, qu’elle va s’aider elle-même. C’est juste un moyen de s’oublier. En tout cas, Sun l’entend rigoler, ce rire lui fait déjà mal aux oreilles. Encore plus qu’insupportable que sa voix. « Alors n’entrez pas dans mon espace vital, tout ira bien ainsi. » Il fait un faux sourire. Premier sourire depuis qu’elle est arrivée, malheureusement bien trop faux. Il est incapable de sourire avec elle en tout cas. Il secoue la tête quand elle parle d’être une alliée et qu’il n’a pas le choix de ne pas refuser. « Je ne cherche même pas à me tourner vers quelqu’un voyez vous Mlle Doherty. Vous imaginez des choses, à vous dire que j’ai besoin d’une quelconque aide. Mais jusqu’ici, puisque vous l’avez bien lu dans le dossier, on s’est toujours débrouillés tous les deux et on n’a jamais eu besoin d’un ou d’une alliée. On a toujours fonctionné comme ça pour permettre une quelconque personne s’inscruter. Le fait que Ashtford nous ai trahi de cette manière nous conforte dans ce choix. »Il a toujours ce sourire faux au visage. « Je n’ai pas besoin d’une aide d’une personne telle que vous et je prends vraiment le luxe de refuser votre aide. Maintenant, que j’ai répondu, il ne vous reste qu’une chose à faire, comme on le dit bien chez nous, en Corée vu que vous prétendez connaître la langue: 행운을 빕니다 »

Il est insupportable, mais elle ne baisse pas les bras Winnie. Elle ne sait pas ce que c’est que ce mot d’ailleurs, abandonner. S’il y a bien une chose qu’on ne peut pas lui refuser ou lui reprocher, c’est sa détermination. Et elle compte bien le lui prouver. Winnie roule des yeux en l’entendant parler. Bien sûr, elle comprend, elle n’est pas stupide. Mais ce faux sourire lui prouve juste à quel point elle a raison. « Je ne crois pas à la chance monsieur Kim. Je crois aux faits. » Elle ne va pas tenter de lui prouver par a + b qu’elle a raison, mais elle va sortir sa nouvelle carte maîtresse. Une chose qu’il ne pourra pas lui refuser et qu’il ne touchera pas que lui. « J’ai fait appel à un médecin militaire, ami de mon père. Dès que j’ai lu votre dossier médical, je n’ai pu passer à côté. » Maintenant, elle le voit, elle a toute son attention. Si avant, elle l’exaspérait, là, elle atteint le summum. « Il a déjà parlé plusieurs fois au docteur Feng d’un traitement à l’état de test mais prometteur sur votre maladie. Il a également accepté de voir vos parents pour s’occuper d’eux. » Elle n’aime pas appuyer là où ça fait mal Winnie, elle trouve même ça franchement très bas comme façon de faire. Mais il ne lui a laissé aucun choix possible. « Il sera là dans deux jours. Et avant que vous ne demandiez, non, je ne fais pas ça pour un quelconque remerciement ou pour avoir quelque chose en retour. J’ai la possibilité de vous aider, j’ai les moyens. Je trouve cela injuste de ne pas vous en faire profiter. Tout simplement. Ma bienveillance, vous vous souvenez ? » C’est plus fort qu’elle. Sauver les autres au détriment de se sauver elle, par pure facilité. Peut-être que c’est une façon bien étrange de se sauver finalement.

Elle ne connaît pas jusqu’aux nuances de la langue coréenne au point qu’elle tombe dans le piège du double sens. Il se retient de sourire encore plus, ayant la preuve qu’elle ne parle pas la langue. Il allait répondre mais il s’est fait couper l’herbe sous le pied surtout quand elle parle de son dossier médical. Il se doute bien qu’elle l’ai lu. « Pardon ? » Un médecin militaire, ami de son père. Il a bien entendu ça. Il redresse les lunettes encore une fois de plus, mais le geste le trahit signe d’un agacement plus que profond. Il a parlé au docteur Feng ? Il n’est pas encore au courant de ça, elle ne lui en a pas parlé, mais il ne s’attendait pas à apprendre qu’il a accepté de voir ses parents. S’il était branché à la machine, on entendrait la tension de Ha-Sun monter. Il serre la mâchoire et le drap du lit. « Cette bienveillance envers les autres ne vous aidera absolument pas. Tout comme elle ne m’aide pas du tout. » claque-t-il sèchement, il devait garder son calme il est bien connu pour ça, sauf quand quelqu’un ose mêler sa famille là-dedans… « Quand je dis non, c’est non et vous n’allez pas me forcer à dire oui. Même si vous prétendez le contraire et que c’est qu’un pur acte de bienveillance, je n’y crois absolument pas. » Surtout que Ha-Sun est bien le genre de personnage à rendre la pareille, et ça, Winnifred a bien dû le savoir sur son dossier. « Y a clairement une grosse différence entre nous. J’avais bien un dossier sur vous, je ne l’ai pas utilisé contrairement à vous qui avez décidé de faire des choix me concernant ainsi que mes parents dans mon dos. Vous avez fran… » Il s’interrompt avec sa grosse migraine qui revient au galop à cause de sa tension et il n’a pas pu empêcher sa grimace. Mais il se reprend vite. « … Vous avez franchi la limite. » Une pause. « Hors de ma vue. » Il a besoin d’être seul pour redescendre sa tension.

Il ne semble pas comprendre pourquoi elle fait tout ça, pourquoi elle se sent obliger bien malgré elle de l’aider. Même si, c’est ridiculement sans aucun sens. Mais Winnie, elle est comme ça, elle veut aider les autres. Elle veut se sentir vivante en se sentant utile. Peut-être que d’une certaine façon, elle essaie de noyer le fait qu’elle va réellement mal. Qu’elle n’a pas pu sauver Nolan. Qu’elle n’a pu sauver personne quand elle était à l’armée. Et cette insécurité l’effraie, la terrorise au point que, le froid, le néant, lui donne l’impression de n’être rien. Winnie s’est toujours donnée corps et âme, trop passionnément, trop durement, pour les autres. Sans jamais rien demander. Elle est bienveillante, parfois avec les mauvaises personnes. Parfois, ceux sont les animaux envers qui elle l’est, plus que de raison. L’Homme lui, il ne sait pas être reconnaissant. Juste accepter, sans rien dire. Il ne le sait pas. Il ignore même. « Vous êtes en train de vous morfondre pour une maladie qui vous ronge. C’est de ça que votre famille a besoin ? C’est de ça qu’Alistair a besoin ? Vraiment ? Devenir une loque qui ne se souviendra jamais de rien et en plus attendre la fin monsieur Kim ? C’est votre solution ? Repousser tout le monde en croyant ne pas les faire souffrir ? » Elle s’emporte, parce qu’elle ne supporte pas l’idée que l’on puisse abandonner. Ce simple mot l’irrite, lui donne même la nausée. Peut-être que finalement, l’abandon est bien plus terrible pour elle qu’elle ne le pense. Sous toutes ces formes. « Je vais vous le répéter une dernière fois. J’ai de l’estime pour vous. Ce n’est pas de la pitié. Ce n’est pas… je ne sais pas ce que vous pensez. Que je vous agace est une chose. Que vous me haïssez aussi. Je le tolère, je vous l’ai déjà dit. Mais ce que j’ai fait au ponton, je l’ai fait parce que c’est dans ma nature. Ce que je vous propose ici aussi l’est. Je n’attends strictement rien en retour. Je ne veux rien de vous. Je le fais parce que je suis comme ça. Parce que je trouve injuste d’avoir les moyens et de ne rien faire pour aider les autres. » Ses yeux se rougissent mais elle ravale bien vite ses larmes Winnie. Elle les retient même à bout de bras pour ne pas s’effondrer. Mais elle reprend une grand inspiration, pour ne pas exploser, en fermant les yeux. « Je n’attends rien. » qu’elle répète, presque machinalement. « Je veux juste… vous aider. » qu’elle souffle, triste, en serrant les poings.

Un acte de bienveillance juste comme ça.
Ça Sun, il n’y croit pas du tout parce que les personnes extrêmement bons n’existent pas. Surtout pas cette personne qu’est Winnie quand il sait ce qu’elle a bien pu faire. La bienveillance ne rime pas du tout, elle rime à rien. La douleur au crâne bat contre les tempes, sa tension ne baisse pas même s’il essaye de faire le vide parce que la voix de Winnifred vient à ses oreilles malgré lui. Il relève le regard pour observer Winnie, son regard rouge, après avoir dit tout ces mots. Mais elle ferme ses yeux maintenant. « Je ne suis pas en train de me morfondre sur ma maladie, je suis en train d’essayer de me battre contre, vous n’avez pas idée à quel point Mlle Doherty. Vous ne pouvez pas me reprocher là-dessus. Vous n’en avez aucun droit, même si vous êtes la première personne à m’avoir sauvé sur le ponton. » dit-il sérieusement, en essayant de garder son calme malgré son mal de crâne. « Je ne peux pas accepter cette décision que vous m’imposez. Je ne vous apprécie pas, parce que vous êtes une personne qui impose les choses pour aider les autres sans qu’ils aient leur mot à dire, en espérant qu’ils acceptent comme ça. Ça ne marche pas comme ça.» Il lâche un gros soupir, essayant de contrôler sa grimace de douleur, c’est vraiment difficile pour lui là en ce moment même qu’il a les yeux à moitié fermés. « Vous êtes juste comme ça parce que dans le fond vous pensez que ça vous aide d’aider les autres, mais ce n’est pas le cas du tout Mlle Doherty. Vous vous perdez encore plus. Je ne suis pas vous, vous n’êtes pas moi. Vous n’êtes pas Alistair. »

Elle est sur le point de craquer Winnie. Tout la submerge, violemment. Ce n’est pas tant le refus de monsieur Kim qui la déstabilise à ce point, c’est le fait qu’elle vive bien trop passionnément l’instant. Parce que ce qu’elle ressent, ce qu’elle vit est en elle décuplée. Que cela soit l’amour, l’amitié et encore plus la bienveillance. Ce sentiment étrange que peu comprenne ; que peu supporte pour des raisons qui lui échappe. Alors, serrer ses poings, aussi fort qu’elle le peut, sentir ses phalanges craquées sous le poids de cette colère, de cette ignorance qu’elle n’accepte pas. Dont elle ne veut pas. Elle sent ses ongles s’enfoncer dans ses paumes, avec une telle violence que le tumulte finit par se transférer, là, dans la douleur physique, la détournant quelques instants. Mais ses jambes ne la soutiennent plus ; elle s’affaisse comme un vulgaire château de cartes, balayé par le vent. Instinctivement, comme un animal blessé, tremblante, elle se met contre le mur, la tête baissée et la respiration saccadée. Elle a mal, elle souffre, ça l’étouffe. Ça l’écrase avec une telle puissance que la crise est bien trop violente. Winnie suffoque de ces sentiments à la fois crucifiant et bien trop douloureux à la fois. Ça la tétanise sur place. « Foward. Positive. Embrace the day. » qu’elle se répète, machinalement, à voix basses, les yeux fermés. Ce mantra est quelque chose qu’elle a appris à l’armée, quand elle était en Irak, pour toujours apprécier chaque jour qui passe. Elle tente vainement d’y arriver, jour après jour, heure après heure, mais il est difficile d’avancer de deux pas lorsqu’on recule de dix. « Foward. Positive. Embrace the day. Come on, Winnifred… ce n’est pas le moment. » Ses bras l’encerclent, comme pour la rassurer, les serrant, un peu plus. Il faut qu’elle se calme, qu’elle arrive à faire le vide, pour pouvoir l’aider lui, parce que c’est bien pour ça qu’elle est là.