[flashback] i feel my blood boil as our shadows fuse w/maeve r.

Maeve laisse le dénommé Harper mémoriser son compte Instagram puis reprend son téléphone pour le ranger définitivement dans son sac. Elle ne pense pas devoir l'utiliser à nouveau ce soir. Peut-être pour prévenir sa mère qu'elle ne rentrera pas, à la limite, si tout se passe bien. Et dans le cas où ça n'irait pas... Elle devra s'en servir pour appeler un taxi, cela va sans dire. Bière en main, elle écoute Harper lui répondre que ce n'est pas la carrière qu'il a choisie, c'est la musique qui l'a choisi lui. Elle hausse les sourcils, esquisse un sourire. Plutôt présomptueux, le garçon. Ça amuse pas mal la rousse. Il a l'air sûr de lui. "Quand on a du talent, c'est compréhensible," lâche-t-elle en retenant un petit rire.

Harper lui confie que le problème de la famille est vite réglé, avec un clin d'oeil. Maeve répond par un sourire. Il n'a donc aucune attache. Et probablement pas de femme ni de copine, avec ça. Sinon, il ne l'aurait pas aussi ouvertement complimentée lorsqu'elle s'est assise à côté de lui, une vingtaine de minutes plus tôt. "Je vois. Il en faut pour aimer ça..." constate Maeve. Elle boit une gorgée de sa bière avant de répondre : "Je dirais un seul mot : papa." Elle prend une autre gorgée, un poil plus longue, histoire de finir sa pinte, et pose le verre avec fracas sur le bar. "C'est lui qui m'a donné le goût de la photo. Les concerts, c'est venu après. J'aime bien ça, de base, mais y faire de la photo m'a jamais traversé l'esprit avant que je ne réalise mon dernier stage, avant d'obtenir mon diplôme. Je me suis découverte, on va dire. Et grâce à ça, j'ai plein de contacts, en plus d'avoir affiné mes goûts musicaux !" raconte Maeve, presque emplie de fierté. "A force, j'ai même réussi à amasser quelques connaissances en musique. C'est léger, mais ça m'intéresse." Elle hèle le serveur tout en terminant sa phrase. "Je te reprends quelque chose ? Ou peut-être que tu veux aller ailleurs ? A une table, peut-être." Sa question comporte clairement un double sens, ce qui l'amuse intérieurement. Et en même temps, Maeve se doute que Harper ne souhaite peut-être pas rester au vu et au su de tout le monde, en plein milieu du comptoir où tous les clients passent chercher leurs consommations.

Sans se départir de son sourire, Harper continue de gentiment dévisager son interlocutrice. Elle est jolie, il ne faut pas être surdoué pour le voir, et il sait que si leur conversation continue, ils iront tous les deux plus loin. A n’en pas douter, elle lui envoie des signaux qui ne le trompent pas. Et Harper n’est pas en reste. Il sait s’y prendre, même s’il trouve que chaque nouvelle rencontre est un stress de plus. Et s’il fait un geste de travers, s’il a une seule parole déplacée ? En temps normal, ce n’est jamais très grave, parce qu’une femme lambda reste une femme lambda, et s’il la déçoit, alors il se dit qu’il ne la reverra plus jamais. Mais cette fois c’est différent. Il ne sait pas exactement pourquoi. Est-ce qu’elle est différente des autres ? Ou est-ce juste le fait qu’elle soit photographe qui le décontenance ? Il n’a pas vraiment l’habitude de se frotter à ce genre de personnes. Si ça tourne mal, qui sait ce qu’elle serait capable de faire ? Il secoue la tête, imperceptiblement. Pourquoi il se monte la tête comme ça, Harper ? D’habitude, il ne réfléchit jamais et il fonce, très sûr de lui dans ces moments, alors que l’essence même de sa personnalité est la retenue, dans tous les autres aspects de sa vie. Il est grand temps de faire revenir le naturel.

Il l’écoute avec attention lui parler de son parcours, de ses études, de ses choix, de ce qu’elle est devenue au fil des années. Elle n’est pas bien vieille, quel âge peut-elle avoir d’ailleurs ? Putain, et si elle est mineure ? Harper se ressaisit, elle n’aurait pas de verre rempli de bière à la main si elle était mineure. Mais c’est vrai qu’elle ne fait pas trente ans, c’est sûr et certain. C’est à peine si elle en fait vingt-cinq. Il la regarde faire quand elle appelle le serveur, et Harper hoche la tête, mécaniquement, hypnotisé par sa voix, par ses lèvres, par son regard. L’idée d’aller ailleurs lui fait hausser un sourcil, un sourire carnassier aux lèvres. Il n’est pas un enfant de choeur, ça c’est évident, mais elle n’en est pas un non plus, et il sait d’avance que la soirée va très bien finir, malgré tous ses doutes. ‘‘Je te suis où tu veux.’’ Bien entendu, il aimerait beaucoup aller dans sa chambre d’hôtel directement, mais mieux vaut apprendre à la connaître un peu plus. De son côté, elle doit profiter de sa présence. Dans quelques jours, il ne sera plus là, Harper. Peut-être qu’elle pense à cela, et que c’est pour cette raison qu’elle a l’air d’avoir envie d’aller droit au but, avec quelques écarts. ‘‘Une autre bière, ce sera parfait.’’ Il veut rester maître de ses pensées et de ses paroles, comme toujours lorsqu’il y a une fille en jeu. Si Maeve n’avait pas pointé le bout de son nez une vingtaine de minutes plus tôt, il se serait torché comme d’habitude, jusqu’à finir par retrouver l’adresse de l’hôtel et la donner à un taxi pour se faire ramener. Il se lève et désigne à la rousse une banquette un peu plus loin, dans le fond du bar, où ils seront tranquille, surtout lui. ‘‘Tu me rejoins là bas ? Tu pourras me raconter qui d’autre tu as vu en concert et ce que tu préfères..’’ Son regard la sonde, il sent qu’elle pourrait le suivre n’importe où. Et lui aussi. Si Maeve joue un peu trop bien, Harper n’est pas sûr d’avoir assez de volonté pour lui résister.

De parler de son parcours et de citer son père rend Maeve on ne peut plus attendrie, même si elle ne le montre pas forcément. Elle ne va pas se mettre à fondre devant un inconnu avec qui elle discute depuis une vingtaine de minutes. Même s'ils sont amenés à ne jamais se revoir, au fond, et qu'elle pourrait bien se révéler telle qu'elle est : la bonne fifille à son papa. En plus sexy. Le dénommé Harper décide de partir sur une bière. Maeve demande la même chose au barman lorsqu'elle parvient à avoir son attention, et hoche la tête quant au déménagement au fond du bar qu'évoque le musicien. "Oui, j'arrive dès que j'ai récupéré les bières !" précise-t-elle en se relevant pour s'accouder au comptoir et ainsi attendre les boissons dans une position on ne peut plus évocatrice.

Harper ne tarde pas à se mouvoir, et Maeve se permet même de se retourner pour observer sa démarche. Un sourire en coin vient étirer ses lèvres, et elle se fait ramener à la réalité par le serveur qui lui lance qu'elle est servie. Maeve paie cette tournée en se demandant s'il s'agit de la dernière dans ce bar ou non, et après avoir mis son sac à main sur son épaule, attrape les deux pintes pour rejoindre Harper dans le fond du bar. Dans un sourire, elle pose les verres sur la table et s'installe sans gêne aucune sur la banquette où Harper se trouve déjà. Elle ne se colle pas à lui, mais presque. "On sera mieux ici, c'est plus... tranquille," articule-t-elle du bout des lèvres en plantant ses yeux dans ceux du musicien. "Alors, à quoi trinque-t-on cette fois ?" rappelle Maeve après avoir attrapé sa pinte.

Il faut dire que Harper ne s’attendait vraiment pas, au début de la soirée, à ce qu’elle prenne ce tournant. Il est plutôt content de voir que la jeune femme ne recule pas, ne s’enfuit pas, et entre même dans son jeu, sans réfléchir. Lui non plus ne réfléchit pas. Il avance ses pions, un par un. Un sourire par-ci, un clin d’oeil par-là et la rousse tombe de plus en plus sous son charme. Il aurait pu faire le parallèle entre la vie qu’elle mène grâce à son père, et le parcours exactement identique qu’il a suivi depuis le début. C’est bien son père à lui aussi qui l’a rendu aussi accro à ce qu’il fait. S’il n’était pas mort… Non, ce n’est pas le moment de penser à cela, pas alors qu’il va peut-être avoir le coup de sa semaine. Sûrement même. Il s’installe sur la banquette, presque dans la pénombre du bar, en refoulant ses pensées morbides. Elles n’ont pas leur place dans cette soirée pour l’instant très agréable.

Dès qu’elle le rejoint, son sourire s’agrandit en remarquant qu’elle s’assied tout près de lui, et il ne fait aucun effort pour s’éloigner d’elle. Maeve a l’air plus entreprenante qu’il ne l’imaginait, et ce n’est pas pour lui déplaire. ‘‘Tu as raison, il y a moins de bruit… et moins d’yeux pour nous voir.’’ Malgré tout, Harper tient à sa vie privée, il n’aime pas trop retrouver des photographies de lui dans sa vie privée dans la presse people, ou sur les réseaux sociaux. Il faut bien qu’il l’avoue : il n’a aucune vie de famille, mais rien que le fait que des gens puissent le suivre dans la rue ou prendre des clichés de lui à son insu le crispe au plus haut point. Alors ce serait dommage que la jeune femme en pâtisse également. Il imite la rousse lorsque celle-ci s’empare de sa bière et la lève vers elle en souriant, toujours de cette manière si mystérieuse et enchanteresse. ‘‘A cette rencontre, peut-être ? au fait que l’on se ressemble beaucoup…’’ A la fin de soirée que l’on va passer ensemble… Son sourire s’agrandit encore plus à cette idée et Harper fait tinter avec joie son verre de bière contre le sien avant d’en boire une grande lampée. Il repose sa pinte et reprend doucement la parole : ‘‘Ou à ton père, qui a eu la bonne idée de faire de sa fille une magnifique photographe.’’ Il espère la voir rougir, Harper, parce qu’il aime l’effet qu’il peut faire aux femmes, le plus souvent. Et puis, il faut bien admettre la vérité. Il a rarement eu la chance de pouvoir flirter avec une beauté pareille. Le brun décide de remettre le sujet de la photographie sur le tapis. ‘‘Et donc, tu as dit que tu étais en vacances, c’est ça ? Ça te dirait de faire un break dans tes vacances pour shooter pour nous ?’’ C’est osé, et elle n’acceptera probablement pas, mais il a envie de la revoir, après ce soir. Même si c’est gênant, même s’il n’est pas sûr d’assumer, il a envie de tenter le coup.

"Je pense que les yeux dont tu parles seraient plus enclins à te remarquer, toi, qu'à faire attention à moi..." souligne Maeve, bien loin d'oublier qu'elle se trouve en compagnie d'une personnalité connue de la musique. C'est ce qu'elle prétend, mais à cet instant précis, le regard des badauds aurait tendance à être bien plus attirés par sa longue chevelure rousse que par Harper, à côté d'elle. Et Maeve le sait pertinemment, contente de pouvoir en jouer auprès de ce dernier. "Ce n'est pas lui qui en a eu l'idée, c'est moi qui l'ai décidé..." souffle-t-elle presque de façon hautaine, avec un clin d'oeil, quand Harper évoque son père. "Je te remercie pour le compliment," souligne-t-elle cependant, en se retenant de rougir pour ne pas perdre la face. La rousse laisse son verre venir doucement cogner celui de son compagnon du soir. "On se ressemble beaucoup, d'après toi ?" demande-t-elle ensuite d'un air intrigué avant de boire une gorgée de sa pinte.

Harper ne tarde pas à remettre le sujet de la photographie sur le tapis. Maeve hoche la tête à sa question concernant ses vacances, puis hausse un sourcil. "Shooter pour vous... Un concert, tu veux dire ?" questionne-t-elle d'un air intéressé.

Harper se rend compte qu'elle a l'air d'avoir un sacré caractère, Maeve. Non seulement elle a toujours quelque chose à répondre, mais en plus, elle sait largement le remettre à sa place. Il sourit, en la regardant lui dire que c'est elle qui a décidé de devenir photographe et non son père qui l'y a poussé. Il hoche la tête pour lui donner raison. Après tout, dans son propre cas, ce n'est pas non plus son père qui l'a obligé à faire de la musique son métier. C'est lui qui s'est jeté, corps et âme, dans sa passion devenue dévorante. Pour vivre, survivre même. Pour oublier. Il se renfrogne presque imperceptiblement. Seul quelqu'un qui les connait, lui et son passé, pourrait comprendre ce qu'il se passe dans son regard. Le musicien repose les yeux sur la sulfureuse rousse. ''Plus que tu ne le penses,'' réplique-t-il d'un ton quasiment cinglant. Il n'est pas persuadé que c'est vraiment le cas, mais rien que le fait que leur paternel soit la cause de leur vie professionnelle à chacun est assez providentiel. ''Mais tu n'as pas envie de ressembler à un type comme moi, je peux te l'assurer.'' Il tente de sourire, mais son visage est fermé, son regard est froid. Il tente tout ce qu'il peut pour ne pas sombrer dans ses travers habituels. Alors, parler de shooter leur concert est la bonne échappatoire pour oublier, une fois de plus.

Maeve n'a pas l'air contre l'idée. Elle semble peser le pour et le contre, elle parait intéressée. Son sourcil haussé ne trompe pas Harper qui retrouve un peu de couleur et de chaleur. Il lui fait un clin d'œil. ''Oui un concert, tu voudrais shooter quelque chose d'autre ?'' Il est plutôt fier de sa répartie, alors qu'il la voit essayer de ne pas rougir. N'empêche... ça ne le gênerait pas qu'elle le photographie pour autre chose, dans un tout autre contexte. Mais chaque chose en son temps, n'est-ce pas ? ''Ecoute, on joue au Usher Hall dans deux jours. Si tu veux t'accorder une soirée de travail, les portes te seront ouvertes. Bien sûr tu seras rémunérée, je veux pas t'exploiter.'' Il trouve que c'est important de le préciser, il n'a aucune envie qu'elle se mette en tête qu'il va l'arnaquer, la draguer toute la soirée pour avoir des photos gratuites... Non. Il n'est pas comme ça, et le reste du groupe ne le tolérerait pas. Mais il a trouvé une certaine âme dans les photographies de la jeune femme, et il aimerait en voir plus. Et qu'elle puisse prêter une oreille attentive à leur musique...

Maeve ressent toujours une espèce de malaise, lorsqu'elle entend dans une conversation "quelqu'un comme moi". Et de faire face à un Harper qui lui claque cette expression sans broncher ne lui fait pas déroger à la règle. Maeve hausse un sourcil. "Quelqu'un comme toi ? Sois plus explicite, voyons..." susurre-t-elle, presque aguicheuse, pour garder sa contenance. Elle devine qu'il parle certainement d'un comportement dont il ne doit pas être fier. Peut-être est-ce un coureur de jupons. Il y a même de très fortes chances que cela soit la raison pour laquelle il se qualifie ainsi. S'il est aussi connu que Maeve le croit, il est certain qu'il doit avoir de nombreuses opportunités de conclure, et ce, quand il en a envie.

La rousse s'attendait à ce qu'il élude, et elle n'y coupe malheureusement pas. Elle devra le découvrir par elle-même. Son sentiment de malaise ne lui hérisse pas le poil bien longtemps. Elle ne sent aucune aura négative, autour de Harper. Bien au contraire. Quelque chose d'indicible l'attire vers lui, sans qu'elle ne puisse l'expliquer. Et malgré ce qu'il lui a dit quelques secondes auparavant, Maeve a l'impression qu'elle n'a aucune raison de craindre quoique ce soit. "Je ne reste pas focalisée sur les concerts, même si c'est mon métier..." laisse-t-elle planer, avec un léger sourire narquois. La rousse se mord la lèvre inférieure. "D'accord, c'est noté. Il faudra que tu me fasses parvenir une accréditation, sinon je ne pourrai pas rentrer. Je suppose que votre concert est complet, de toute façon..." déclare-t-elle. Elle boit une longue gorgée de bière et toussote quelque peu, ayant failli avaler de travers. "J'y crois pas, même quand je suis en vacances on va m'obliger à bosser... C'est fou !" plaisante-t-elle, d'un air faussement indigné. "Tu sors pas avec le reste de ton groupe ?" demande-t-elle ensuite.

Il ne faut pas répondre dans ces cas là, Harper le sait bien. Il doit laisser planer le doute, laisser imaginer à cette fille qu’il pourrait y avoir autre chose. Même s’il sait et comprend qu’en effet, il pourrait y avoir autre chose. Après tout, pourquoi se limiterait-il à la voir une unique fois ? Mais il ne doit rien laisser paraître, c’est essentiel. Aussi, il reste concentré sur cette histoire de concert, qui n’est pas une histoire mais bel et bien la réalité. Il serait ravi qu’elle puisse les shooter le surlendemain. Même s’il n’a vu qu’une petite parcelle de son travail, il trouve qu’elle a une aura incroyable, que les photos détonnent de celles qu’il a l’habitude de voir. De lui-même ou de quelqu’un d’autre d’ailleurs. Il laisse échapper presque un soupir de soulagement quand elle accepte et il sourit un peu plus qu’à l’accoutumée, pour finir de la convaincre qu’elle prend la bonne décision, si jamais elle en doutait même. ‘‘Tu auras l’accréditation qu’il te faut, ne t’inquiète pas. Je peux prendre ton numéro ?’’ Pour une fois, ce n’est même pas une mauvaise technique de drague, même si ces quelques chiffres vont bien lui servir, par la suite, il n’en a aucun doute. ‘‘Je ferai en sorte de mettre au courant la sécurité, mais tu n’auras aucun mal à passer. Tu leur diras que c’est vu avec moi.’’ Non pas qu’il a vraiment l’habitude de faire ce genre de choses, ce genre de tour de passe-passe, mais il se doute qu’en étant le chanteur d’un groupe, il a quand même le droit à quelques passe-droits. Faire rentrer une jolie rousse étant dans ses cordes, bien sûr. ‘‘Tu n’es pas obligée d’accepter, bien entendu. Je ne t’oblige en rien. Si tu préfères profiter de tes vacances, libre à toi.’’ Il sent qu’elle dit cela plus pour faire bien, pour rappeler qu’elle est en congés et qu’elle va lui faire une fleur. Elle n’a aucune envie de refuser. Tout dans sa posture et dans sa gestuelle lui indique qu’elle va accepter sans faire de vague. Elle change même de sujet de sa propre initiative pour noyer le poisson. ‘‘Ce soir, non, mais ça peut arriver. Ils avaient envie de rester tranquille.’’ Ce n’est qu’une moitié de vérité. Ils avaient envie de rester tranquille quand Harper est parti de l’hôtel quelques heures plus tôt, mais Harper a surtout envie d’être seul depuis un certain temps. Comme si ses vieux démons remontaient en surface. C’est le cas, de toute façon, il le sent bien, il n’est pas au top de sa forme. Il profite de la présence de Maeve pour ne pas avoir à y réfléchir. ‘‘Tu pourras les rencontrer également, et je ne t’empêcherai pas de les prendre en photo, bien au contraire.’’ lance-t-il avec un clin d’oeil appuyé, histoire de lui faire comprendre qu’il n’allait pas faire le mec relou qui ne voulait qu’elle ne regarde que lui. En réalité, il ne sait pas où tout cela va les mener. Au départ, il se disait seulement qu’il allait coucher avec elle. Maintenant, c’est différent. Et il ne sait pas où il va. ‘‘N'oublie pas de me donner ton numéro, surtout.’’ rajoute-t-il en riant presque, pour qu'elle ne prenne pas la poudre d'escampette sans qu'il ait eu le temps de mettre le grappin sur elle d'une façon ou d'une autre.

Maeve est encore plus intriguée. Harper ne lui répond pas. Elle en conclut qu'il doit être du genre à courir les lits féminins, peut-être même masculins également. A ne jamais chercher à se poser. Sûrement à toucher à d'autres vices. C'est une star, ou quelque chose qui s'en rapproche, Maeve ne doit rien en attendre, sauf peut-être un tremplin pour sa carrière, s'il lui file un coup de pouce. Il lui demande son numéro pour avoir une accréditation, ce à quoi la rouquine hoche la tête. Elle plonge la main dans son sac à main et se met à la recherche à l'aveugle de ses cartes de visite. Elles datent de plusieurs mois déjà, mais son numéro n'y a pas changé. Les deux photos qui les illustrent sont plutôt récentes et représentatives de ce qu'elle peut produire. Tout en continuant à chercher d'une main distraite, Maeve répond : "D'accord, je te fais confiance. Je suis sûre que votre concert est complet, donc même si je me pointe et que les vigiles ne me laissent pas entrer, je pourrai même pas venir écouter ! Je compte sur toi, en d'autres termes..." souffle Maeve sans lâcher son regard. "Tu sais, ça a beau être mon boulot, j'y prends toujours un plaisir... Immense." Elle aurait presque pu se mordre la lèvre en prononçant ces mots, mais elle n'en fait rien. Un sourire vient les étirer alors qu'elle reprend. "C'est ma manière de créer, d'extérioriser. J'en ai besoin."

Plutôt que de continuer à parler d'elle, Maeve demande à Harper s'il ne préfère pas sortir avec les membres de son groupe. Elle hoche la tête à sa réponse, puis sourit. "Je compte bien vous prendre tous." Elle évite en général de se focaliser sur le leader, et fait surtout en fonction de la lumière des projecteurs, pour ne pas avoir des clichés impossibles à exploiter. Les projecteurs trop colorés peuvent endommager une photo, et la rendre intraitable, aussi Maeve a-t-elle pris l'habitude de suivre les lumières les plus claires pour toujours avoir de la matière à rendre après un concert. Elle n'a toujours pas trouvé ses cartes de visite, et Harper lui rappelle de ne pas oublier de lui donner son numéro. Elle rit légèrement et montre son sac en l'amenant cette fois sur ses genoux. "J'arrive pas à mettre la main sur une carte... Passe-moi ton téléphone, je pourrai y entrer mon numéro !" propose-t-elle. "Ou alors..." Le sien est juste devant ses yeux, aussi le sort-elle de son sac et l'ouvre-t-elle à la page des contacts. "Voilà, fais-toi plaisir..." lance Maeve. En attendant, elle prend quelques gorgées de bière. A force de parler, sa gorge s'assèche clairement. "C'est que ça se boit vite, j'ai déjà presque fini..." fait-elle en reposant son verre, désormais à moitié vide. "Tu connais d'autres adresses sympa dans le coin ?" questionne la rousse, avide de ne pas laisser la soirée s'arrêter ici.