how do you feel when there's no sun ?

▬ Juliet a passé toute son enfance à Donwell, où elle a été très heureuse, et choyée.
▬ Elle est tombée amoureuse du grand frère de sa meilleure amie, et n'en a jamais démordu. Encore aujourd'hui, elle admet qu'il a été et sera probablement le seul homme de sa vie.
▬ Juliet est passée par plusieurs envies de carrière, tout au long de son enfance. D'abord vétérinaire parce qu'elle adore les animaux, puis psychologue pour suivre son mari, et enfin secrétaire médicale, après deux ans à servir des cafés dans un Starbucks du centre de Brighton.
▬ Elle est orpheline de père depuis ses dix-huit ans, et il lui manque encore atrocement.
▬ Elle n'a jamais voulu devenir mère, et c'est probablement ce qui a causé la fin de son unique histoire d'amour jusque là. Ça, et le fait que son mari semblait préférer son travail à sa femme.
▬ La mère de Juliet a contracté la maladie de Parkinson et est suivie depuis deux ans pour cela, c'est la raison pour laquelle Juliet a décidé de revenir à Donwell, afin d'être près de sa mère à chaque instant, tant qu'il lui en reste à passer avec elle.
▬ Juliet n'a pas parlé à Penny, son ex meilleure amie, depuis plus de quatre ans. Elle lui manque beaucoup, mais elle n'ose pas revenir vers elle parce qu'elle sait très bien qu'elle la déteste au plus haut point pour ce qu'elle a fait à son frère.
▬ L'appartement où Juliet a emménagé est situé non loin de la plage. Elle en rêvait étant gamine, elle l'a fait à l'âge adulte.
▬ Elle est passionnée par le dessin et pratique aussi souvent que possible. Elle n'a jamais envisagé d'en faire son métier car elle sait son talent insuffisant, mais ça lui convient bien pour s'évader de temps en temps.

Juliet est originaire de Donwell, village où elle a grandi et passé la majeure partie de sa vie jusqu'ici. Ses parents sont venus s'y installer peu avant sa naissance et n'ont jamais pu se résoudre à déménager. Ils ont eu un coup de foudre pour le village et ses habitants. Pour leurs voisins, également. Comment ne pas craquer, quand tout le monde vous tend les bras et vous fait des sourires à n'en plus finir ? La fille Cavendish s'est très bien acclimatée à Donwell. Elle s'y plaisait et elle aimait, elle aussi, le voisinage. Elle était choyée, protégée, aimée. Son quotidien se résumait peut-être à aller à l'école et gérer ses devoirs, mais elle avait aussi la présence de ses amis qui rendait tout cela merveilleux. Juliet a eu une enfance on ne peut plus heureuse, et une adolescence de rêve. Ou presque, si on oublie le plus gros de ses chagrins d'amour, à savoir le grand frère de sa meilleure amie, Penny. Quatre ans de différence, c'est beaucoup pour une bourgade comme Donwell, surtout quand on s'approche de la majorité. Elle en a pleuré, des litres de larmes, mais elle n'a jamais réussi à oublier Alan, alors quand il a commencé à s'intéresser à elle... C'en était fini. Juliet a compris qu'elle passerait le reste de sa vie à ses côtés. Elle était déjà très amoureuse d'Alan, et ce depuis des années - même si au début ça ressemblait à une petite amourette de grande enfant - alors quand il a avoué être tombé également sous son charme, Juliet a complètement changé. Elle s'est comme assagie, et a mûri d'un coup, sur presque tous les plans, jusqu'à savoir quoi faire de sa vie. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. De l'envie de devenir vétérinaire, elle est passée à celle de devenir psychologue. Son rêve était simple : travailler aux côtés de son petit-ami, qui venait d'entamer ses études à Brighton dans ce but. Elle a tout de même dû décaler ses propres études d'un an à sa majorité, car il a été diagnostiqué à son père un cancer très avancé. Les femmes Cavendish sont tombées des nues, à l'annonce. Bien plus émotives que le paternel, elles se sont effondrées. Une période très étrange de latence s'en est suivie, durant laquelle ils ont fait quelques courts voyages en famille, dans un trio plein d'amour et d'empathie, jusqu'à ce que l'état du père de famille empire considérablement, au point de nécessiter une hospitalisation définitive. Il est parti quelques semaines plus tard, entouré des plus beaux souvenirs de sa femme et de sa fille unique.

Juliet a pu entamer ses études de psychologie à Brighton à la rentrée suivante. Désormais mariée à Alan et installée avec lui à Donwell après l'obtention du diplôme de ce dernier, sa vie a réellement pu commencer, même sans son père. Avec l'aide d'Alan, Juliet a passé la première année avec brio, enchaînant sur la seconde sans soucis... jusqu'à ce retard, dans ses règles pourtant on ne peut plus fidèles chaque mois. Un test plus tard, la réponse est tombée. Enceinte. A à peine vingt ans. Il était hors de question pour Juliet de laisser cette grossesse arriver à son terme. Même si la situation d'Alan leur permettrait d'y faire face, c'était de son côté que ça n'allait pas fonctionner, car elle n'avait aucune envie de devenir mère aussi tôt. Et encore moins en plein pendant ses études. Mais le désir d'Alan de devenir père étant très pesant, et le ventre noué par la peur de le perdre si elle avortait, Juliet a accepté de garder l'enfant. Alan lui avait tellement répété que l'instinct maternel viendrait dès la naissance s'il ne se révélait pas avant, que Juliet avait fini par y croire... A tord, vraisemblablement, puisque deux mois avant le supposé terme de sa grossesse, Juliet a dû mettre la totalité de sa vie en pause pour protéger à la fois sa vie et celle du bébé à venir. On l'a forcée au repos, et il était impossible pour elle de poursuivre ses études dans des conditions pareilles. La petite Tess a fini par venir au monde à terme, pour le plus grand bonheur d'Alan. Oui, d'Alan uniquement. Juliet est restée de marbre. Aucun déferlement d'amour à la tenue de ce petit être fragile. Aucun débordement d'affection pour son mari qui semblait vivre le plus beau jour de sa vie. Rien. Elle s'est contentée de laisser les médecins faire leur travail, les yeux dans le vide, toujours dans la compliance. Parce que c'est ce qu'on attend d'une mère, après tout.  

Incapable de rester plus de dix minutes avec son bébé dans les bras sans ressentir une vague d'agacement. Parfaitement inadaptée au nouveau rythme de leur couple. Constamment énervée, stressée, cachée dans la salle de bains pour fondre en larmes. Juliet semblait ne pas aimer Tess. Elle avait beau la tenir dans ses bras et la regarder, rien ne lui criait qu'elle avait envie de protéger cet enfant, de le voir évoluer et devenir quelqu'un de bien. Sa mère lui disait "dépression post-partum." Son mari lui disait "dépression post-partum." Juliet répondait : "Je n'ai jamais voulu d'enfant, en réalité." La vérité, dure, mais pourtant réelle. Pour pallier cela, Juliet a décidé de reprendre ses études. Mais quand l'ambiance à la maison est devenue invivable, et qu'en plus son mari semblait ne pas vouloir quitter son travail une minute, il est apparu impossible à Juliet de mener son projet à bien. Le mot "dépression" continuait de lui être répété. Elle a fini par suivre une thérapie, et complètement arrêter ses études pour rester à la maison, et faire ce qu'on attendait d'elle : être une mère.


Cette mascarade a duré environ sept ans, jusqu'à ce jour où Juliet a demandé à une amie à elle de l'héberger temporairement, sur Brighton. Elle a empaqueté toutes ses affaires dans le coffre de sa voiture, discrètement, alors que sa fille était à l'école. Elle l'a récupérée à l'heure convenue, comme toujours. Lui a donné son goûter, lui a fait faire ses devoirs, lui a donné son bain. Entre temps, elle a demandé à la secrétaire d'Alan, qu'elle connaissait bien, de la prévenir quand il quitterait le travail, parce qu'elle comptait lui faire une surprise romantique. Une fois Tess mise au lit, Juliet a attendu le message béni. Et est partie, simplement. Sa voiture a croisé celle d'Alan, à un carrefour. Elle l'a vu, à travers la fenêtre, et elle lui a dit au revoir, les larmes aux yeux, à contrecoeur. A sa fille, elle a simplement dit bonne nuit, dans un sourire serein.

L'arrivée à Brighton n'a pas été simple, car Juliet a été on ne peut plus secouée par cet événement. Elle a mis plusieurs semaines à s'en remettre, malgré l'aide de plusieurs de ses anciens amis de l'université, avec qui elle était restée en très bons termes. Puis la vie a repris son cours. Elle a même trouvé un travail de serveuse, en attendant de savoir quoi faire de sa vie. Rien qui n'aurait un lien avec son ancienne vie. Parfois, elle pensait à Tess. Voyait qu'il était l'heure de son bain, et se demandait qui était en train de lui donner. Si elle aimait toujours autant en prendre. Mais le plus souvent, Juliet pensait à son mari, son Alan, qui lui manquait atrocement. Respirer sans lui n'était pas impossible, mais c'était très douloureux. Et ça l'est resté pendant plus d'un an, jusqu'à ce que Juliet parvienne à évoquer, lors de discussions avec ses amis, la possibilité d'avancer. D'avoir complètement disparu de la vie d'Alan de la sorte ne lui permettrait certainement pas d'y revenir, en plus de la présence de Tess qui l'angoissait. Et pourtant, c'était ce que Juliet désirait plus que tout. Revenir au tout début de leur couple, quand ils n'étaient encore que deux. Quand ils n'avaient pas à penser aux enfants. Quand ils auraient pu discuter de leur avenir, quand Juliet aurait pu faire accepter à Alan qu'elle ne comptait pas devenir mère... Quelques rendez-vous avec un avocat, et les papiers du divorce ont été signés. Juliet a à peine levé les yeux sur Alan, quand ils se sont croisés au cabinet. Elle n'a pas pu lui expliquer pourquoi, elle n'a pas pu lui dire combien elle l'aimait, et combien elle était désolée. Elle a juste masqué ses larmes, laissé ses paupières baissées sur ses yeux de biche.

Aujourd'hui, Juliet est devenue secrétaire médicale. Elle a travaillé pendant quatre ans dans un cabinet d'ophtalmologie à Brighton, jusqu'à l'annonce faite par sa mère il y a deux ans, qui est venue la voir en ville spécialement pour ça. Parkinson. Incurable, long, évolutif. Juliet a revu son père sur son lit d'hôpital, et a alors promis à sa mère de se rapprocher d'elle dès que possible pour qu'elle ne soit plus seule, en cas de pépin. Sa mère, qui lui en voulait encore d'être partie et d'avoir abandonné sa famille, a fini par accepter que Juliet ne serait jamais heureuse de la sorte. Et lui a pardonné, ou presque. Il reste toujours quelques morceaux de ressentiments à l'heure actuelle, surtout quand Juliet lui répète qu'elle ne compte pas aller voir Tess et tenter de recoller les morceaux avec Alan, même s'il n'a pas refait sa vie, et qu'il arrive à Tess de demander comment va sa mère. Il faut juste qu'elle essaie de refaire la sienne, du mieux qu'elle pourra.