There's no such thing as coincidence in this world - Sun et Joanne

Joanne aurait préféré être n’importe où plutôt qu’ici, mais comme souvent, elle n’avait pas vraiment eu le choix. Le père de George avait reçu des invitations pour cette soirée à Brighton, et toute la famille Hawkes avait pensé que ce serait l’endroit idéal pour agrandir le cercle de leurs relations, pour faire connaître leur petite ville. Comme si ça pouvait intéresser qui que ce soit. Dans cette pièce, tout le monde était riche, était puissant, et personne n’allait s’intéresser aux histoires rurales du grand Martin Hawkes de Donwell. Mais ça, personne dans la famille ne voulait le voir. Alors elle avait dû les suivre, mettre une robe de soirée que George lui avait achetée après l’avoir poussée contre un mur, et qu’elle aurait préféré brûler plutôt que de porter. La soirée était prévue depuis longtemps, et comme George tenait à ce que sa femme porte cette robe en particulier, il s’était montré particulièrement calme la semaine précédente. La robe de Joanne n’avait pas de manches, alors il fallait éviter de laisser des marques. Les apparences, toujours les apparences. Martin, George et Helena étaient en train de discuter à côté d’elle, l’ignorant complètement tandis qu’ils essayaient de réfléchir au meilleur moyen d’approcher les grands patrons qu’ils avaient repéré dans la salle. Henry était parti en direction du buffet et il enchaînait les coupes de champagnes et les petits fours, sans se soucier du regard méprisant de certains des invités. Joanne n’appréciait pas particulièrement Henry, il était dur d’apprécier qui que ce soit dans la famille Hawkes, mais du clan c’était sans doute celui qu’elle détestait le moins. Et à cet instant, elle l’enviait presque. Elle enviait sa nonchalance, la manière qu’il avait d’ignorer le regard des gens dans la salle, de juste faire ce qu’il voulait. Joanne, ce qu’elle voulait, elle n’osait même pas y penser.

Elle fit un signe de la main à un serveur qui passait et lui prit une coupe de champagne en le remerciant. Elle ne buvait normalement que très peu, mais il lui paraissait impensable de survivre à cette soirée sans un peu d’aide. Le champagne lui brûla la gorge en descendant, et elle pria pour que l’alcool serve au moins à la distraire un peu. Elle était en train de se demander si elle ne pourrait pas essayer de se cacher dans les toilettes quand elle aperçut un homme se diriger vers elle. Un homme qu’elle avait déjà vu, mais qu’elle n’arrivait pas à replacer. Elle l’avait vu à Londres, ça c’était certain, mais où exactement, elle aurait été incapable de le dire. Ce ne fut que quand le jeune homme lui adressa la parole que la mémoire lui revint. Elle fronça les sourcils instinctivement, à la fois surprise de le voir ici, et de le voir lui adresser la parole. Il n’avait pas l’air de se souvenir d’elle apparemment. Ses doigts se serrèrent autour de sa coupe de champagne, et elle hésita un instant à lui envoyer à la figure, mais elle savait que ça ne l’avancerait à rien. George lui reprocherait d’avoir gaché leurs chances de signer un contrat, et elle le paierait très cher. Mais si elle ne pouvait pas faire une scène, rien ne l’empêchait de l’envoyer bouler. Discrètement. ”Je pense que ce qui rendrait ma soirée plus agréable, ce serait qu’on me laisse tranquille.” Elle se rappela alors que l’escroc qui se tenait devant elle travaillait avec un binome. Elle scanna la salle du regard, sans réussir à le retrouver. Sa curiosité prenant le dessus, elle en oublia presque qu’elle avait demandé à Mike, ou James comme il s’était présenté la dernière fois qu’elle lui avait parlé, de la laisser tranquille. ”Vous êtes venu tout seul ?”

Joanne avait beau chercher dans la salle, elle ne trouvait pas l’acolyte de l’escroc qui était venue l’aborder, de toute évidence sans se souvenir qu’ils s’étaient déjà rencontrés. Ça en disait long sur les fréquentations de ce type. Certaines femmes auraient sans doute été vexées qu’un homme ne se souvienne pas d’elle, mais Joanne n’était pas assez vaine pour que ça lui importe. Non, ce qui l’agaçait elle c’était de ne pas pouvoir l’envoyer paître ouvertement, sans craindre que son mari et sa belle famille ne le lui reproche plus tard. Il fallait maintenir les apparences, surtout dans un contexte comme celui-ci. Elle ne pouvait pas se permettre de les faire passer pour des rustres de la campagne, pas sans conséquences en tout cas. Elle fronça les sourcils à la question de Mike, James, peu importe son nom, mais sans lui répondre. Lui dire qu’elle cherchait son collègue escroc risquait de causer une scène, et c’était précisément ce qu’elle souhaitait éviter. Elle se tourna rapidement vers la famille Hawkes pour s’assurer qu’ils n’étaient pas en train de la regarder. Mike se tenait assez près d’elle, et vu le style, George pourrait assez vite comprendre qu’il essayait de la draguer. Il n’oserait pas venir faire une scène publique, mais il le lui ferait payer plus tard, lui reprocherait de se laisser aborder en public, de l’humilier. Elle préférait éviter de le provoquer.

Elle attrapa le regard de Mike et fronça les sourcils. Elle avait du mal à comprendre comment des femmes pouvaient se laisser avoir, elle arrivait à voir si clair dans son jeu, dans son attitude. La confiance qu’il affichait, ses manières, tout lui indiquait qu’il valait mieux rester loin de lui. Et ça n’avait rien à voir avec le fait qu’il soit un escroc, ça, c’était juste la cerise sur le gâteau. Peut-être que des femmes se laissaient avoir par ses yeux de biche, son petit sourire faussement modeste. Elle les plaignait. ”Vous n’avez pas l’air d’être du genre à vous soucier du prénom des femmes à qui vous adressez la parole. Si je vous donnais le mien, je suis certaine que vous l’auriez oublié d’ici quelques heures à peine.” Non, il n’était pas du genre à retenir le prénom des femmes qu’il côtoyait, elle le savait, elle en avait la preuve. Il n’arrivait même pas à se souvenir de leur visage. Pourtant elle n’avait pas tant changé que cela depuis Londres. Dans le fond, ça lui importait peu, pourvu qu’il la laisse tranquille. Elle n’avait aucune envie de devoir passer la soirée avec un arnaqueur, et puis il n’avait pas mieux à faire que de draguer une femme mariée ? Il était sans doute là pour “affaires”. Dans un autre contexte, le mépris de Joanne pour leur activité lui aurait peut-être donné le courage nécessaire pour les dénoncer ouvertement. Mais la population de la soirée ne méritait pas qu’on les prévienne. Si des gens méritaient de se faire arnaquer, c’était sans doute les gens présents à cette soirée, alors elle n’avait aucune envie de risquer la colère de son mari pour les protéger. ”Vous n’êtes pas venu ici pour le boulot ? Si oui, je ne suis sans doute pas la bonne personne pour jouer au fayot.”

Joanne se retenait à grande peine de baffer l’homme qui se tenait devant elle, quel que soit son prénom. Elle n’avait jamais aimé les gens qui profitaient de la faiblesse, de la naïveté des gens. Quelque part, elle se retrouvait à leur place aujourd’hui, et ça n’avait rien fait pour atténuer sa haine des gens qui vivaient aux crochets des autres. Mike faisait partie de ces gens, et même si elle ne l’avait pas vu depuis plusieurs années, elle n’avait pas gagné en sympathie pour le personnage pour autant. Elle le regarda attraper deux nouveaux verres, hésitant à refuser pour le simple de l’agacer. Elle finit par attraper le verre de champagne qu’il lui tendait, à contrecoeur. Elle n’avait pas pour habitude de boire outre mesure, mais elle avait comme le sentiment que la soirée l’imposait. Joanne lui lança un regard noir en l’entendant dire qu’il ne l’avait pas encore offensée. Il se trompait lourdement, mais il ne le savait pas, ne s’en souvenait pas. Son métier même l’offensait, même s’il n’en était pas conscient. Elle croisa les bras contre sa poitrine après avoir bu une gorgée de champagne. L’alcool commençait à lui monter doucement à la tête. Elle avait oublié ce que c’était que d’être ivre, et la sensation l’ennivrait autant qu’elle l’effrayait. ”Humble ? J’en doute fort.” Elle était sur le point d’ajouter que c’était justement lui qui la mettait en rogne quand son acolyte, qu’elle cherchait des yeux depuis tout à l’heure, apparut à ses côtés. Elle ne put pas complètement masquer sa surprise en le voyant, à son tour, lui lancer un sourire. Certes, l’attitude du collègue de “Mike” n’était pas la même, son sourire était poli et non charmeur, mais il n’en était pas moins agaçant pour autant. Joanne fronça les sourcils avant de poser son regard sur le visage du nouveau venu. ”Il a l’habitude de venir importuner les femmes qu’il croise en soirée, alors ? Vous le connaissez bien.” Joanne força un sourire sur son visage, encouragée par la colère qu’elle avait de plus en plus de mal à cacher, et par l’alcool qui commençait à faire effet. Elle reprit une petite gorgée de champagne, comme si ça pouvait régler le problème, faire disparaître les deux escrocs qui, de toute évidence, ne l’avaient pas reconnue. Ou mieux, comme si ça pouvait la faire disparaître, l’emmener loin. À Londres. Ailleurs. ”Vous êtes le collègue de… Mike, c’est ça ?” Joanne regarda tour à tour les deux acolytes, impatiente de voir combien de temps il leur faudrait pour la reconnaître, et surtout de voir comment ils réagiraient à la présence de quelqu’un qui connaissait leur secret. Elle n’allait pas faire de scandale, pas ici, mais ils n’avaient aucun moyen de le savoir.