Before love came to kill US - Charlie

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Les journées paraissaient de plus en plus longues à Charlie et ce n’était pas mieux quand il était de garde la nuit. Il ne parvenait jamais à bien dormir, quand ce n’était pas Jethro qui le réveillait en rentrant en plein milieu de la nuit, c’était Jade qui faisait sonner le réveil tôt pour aller à son tour au travail et quand ce n’était rien de tout ça, c’était tout simplement son cerveau qui refusait de s’arrêter de tourner ou ses maux de tête qui le reprenaient. Il avait de plus en plus conscience du fait qu’il n’allait pas pouvoir continuer ce petit jeu bien longtemps, ça allait vite devenir intenable pour lui, sans compter que les traitements allaient devenir de plus en plus intenses et qu’il ne pourrait plus se ramener tout seul à la maison en voiture depuis Brighton. Bien sûr tout ça il essayait d’y penser le moins possible, de vivre dans le déni. Sur ce plan là au moins il ressemblait beaucoup à sa femme. Depuis qu’elle avait fait une fausse couche il y a quelques mois elle évitait à tout prix le sujet, ce qui n’avait pas franchement aidé à améliorer leur quotidien et leur relation. Charlie ne pouvait pas s’empêcher d’avoir l’impression qu’elle était soulagée de ne pas avoir dû amener leur enfant à terme et ça le détruisait à petit feu. Il n’avait pourtant pas besoin de ça. Il entendit la porte d’entrée s’ouvrir et reconnut aussitôt la voix de sa chère et tendre. Il ne prit pas la peine de lever le nez du livre qu’il faisait plus semblant de lire qu’autre chose ces derniers temps, se laissant embrasser plus par réflexe qu’autre chose, la regardant à peine. Depuis qu’ils avaient perdu l’enfant il avait l’impression de faire semblant de tout, et puis était tombée la nouvelle. Il n’était définitivement pas en train de passer les meilleurs mois de sa vie. Il se contenta pourtant de répondre « Fatiguante. », d’une banalité affligeante. Comme si ça aurait été inconcevable de dire la vérité, de hurler que ça n’allait pas. C’était plus facile de se cacher derrière l’excuse de la fatigue, du travail, ou même de la présence non désirée de Jethro chez eux. Jade lança d’ailleurs le sujet d’elle-même, juste après que Charlie lui ait dit de lui préparer un thé pour lui aussi. Il referma son livre et le posa sur ses genoux, dirigeant son regard vers la cuisine où se trouvait encore Jade. « Tu ne m’as pas vraiment laissé le choix. » Jethro était sorti alors il n’avait pas peur de dire clairement ce qu’il pensait. En y réfléchissant bien il aurait été capable d’être tout aussi franc même avec son beau-frère juste à côté de lui. Il enleva ses lunettes de lecture et les essuya sur son t-shirt, il savait qu’il n’était pas censé faire ça mais il avait trop besoin de s’occuper les mains. « Tu sais combien de temps il va rester ici ? J’ai l’impression qu’il est parti pour squatter pendant des semaines. » Lança-t-il, détestant le rôle qu’il était forcé d’avoir, que sa femme le forçait à prendre. Il ne pensait pas que c’était déraisonnable de ne pas vouloir héberger son beau-frère – surtout vu le caractère de ce dernier – pendant aussi longtemps et il avait hâte que celui-ci retourne vivre à Brighton. Il croisa les bras sur sa poitrine, légèrement sur la défensive, comme s’il sentait les reproches arriver. Il n’avait pas envie de se disputer, mais quelque part il préférait ça au manque total de vraie conversation qu’ils avaient eu ces derniers mois. Il avait parfois l’impression de ne faire que jouer un rôle avec sa propre femme.

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Charlie ne releva pas la moquerie de sa femme, si elle avait su qu’il avait une très bonne raison d’être fatigué… Mais justement, le but c’était bien qu’elle ne sache pas, alors il ne voulait pas s’étendre sur le sujet. Oui il était fatigué et si elle pensait que c’était parce qu’il commençait à se faire vieux au fond ça l’arrangeait bien alors il n’allait pas chercher à se défendre. Il la laissa poursuivre, se contentant de sourire, amusé, en entendant son conseil. Oui, bien sûr, des vitamines, ça allait tout changer. Encore une fois elle n’avait pas conscience du problème donc il ne pouvait pas franchement lui reprocher d’être à côté de la plaque. Au final elle ne réussit vraiment à capter son attention qu’au moment où elle mentionna son frère. Un autre sujet sensible, mais au moins un dont elle acceptait de parler. Quelque part, Charlie comprenait, lui aussi trouvait ça plus facile de parler de Jethro que de l’enfant qu’ils avaient perdu. Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle s’excuse ou lui donne une date précise de départ, aussi ne fut-il pas le moins du monde surpris par sa réponse. Il décroisa les bras mais juste le temps de reprendre une gorgée de son thé, avant de les resserrer et de se renfoncer dans le canapé. Il ne put s’empêcher de lâcher un petit rire en entendant sa question, ça avait été plus fort que lui. Est-ce qu’il avait fait quelque chose qui l’avait dérangé ? La liste aurait été moins longue si la question avait été posée à l’envers, avait-il fait quoique ce soit depuis qu’il était arrivé qui ne l’avait énervé ? Il se força à retrouver aussitôt son sérieux, ne tenant pas à braquer Jade en lui faisant croire qu’il se moquait d’elle. C'était juste qu'elle pouvait se montrer parfois aveugle en ce qui concernait son petit frère et il avait du mal à croire qu’elle n’ait rien remarqué de son comportement. « Tu veux dire à part rentrer en plein milieu de la nuit et réveiller toute la maison ? Ou... » Il avait envie de lui parler des sous-entendus déplacés qu’il s’était mis à lui faire depuis qu’il était arrivé mais il ne savait pas comment aborder le sujet, et surtout s’il avait un quelconque intérêt à le faire. Jade ne le croirait probablement pas, ou pire, l’accuserait d’être coincé. « Ou laisser ses affaires traîner partout ? » Ajouta-t-il donc, faute de trouver mieux à lui reprocher. La vérité, c'étaut qu’il avait aussi peur qu’il soit une mauvaise influence sur leur fille, mais ça bien sûr, Jade n’accepterait jamais de l’entendre non plus. Il se sentait pris au piège. « Excuse-moi d’avoir envie de retrouver notre vie de famille normale. » Lança-t-il, ne réussissant pas bien à dissimuler l’amertume dans sa voix. Leur vie de famille normale, celle où ils n’étaient qu’eux trois, où tout allait encore bien, celle où il n’était pas encore malade, celle où Jade n’avait pas encore fait sa fausse couche. Bien sûr le départ de Jethro ne changerait rien de tout cela, mais au moins Charlie serait bien plus libre de digérer tout ça au lieu d’avoir l’impression d’être constamment harcelé par un adolescent n’ayant pas encore passé le cap de l’âge adulte.

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Charlie savait d’ors et déjà que tout ce qu’il allait pouvoir dire allait tomber dans l’oreille d’une sourde, mais elle lui avait demandé, alors il s’était efforcé d’être aussi honnête qu’il pouvait. Bien sûr il ne pouvait pas lui parler de la raison principale de sa méfiance envers Jethro alors il ne pouvait pas s’empêcher de comprendre que Jade ne soit pas convaincue par ses arguments. Elle avait raison, d’une certain façon, leur fille faisait la même chose, elle laissait traîner ses affaires partout aussi, sauf que dans ce cas là quand Charlie lui disait de ranger ses merdes il pouvait généralement compter sur le support de sa femme. Ce qui n’était aucunement le cas avec Jethro. Non, il ne pouvait pas se permettre de lui dire quoique ce soit à lui. Il ne rata en tout cas pas sa réaction quand il mentionna son envie de retrouver une famille normale et il détourna les yeux. Il l’avait énervée, il pouvait le voir, et il savait à quoi il avait avoir droit. Il n’était pas toujours facile à vivre, il le savait, mais Jade non plus ne l’était pas. Il l’écouta, se demandant si leur fille pouvait l’entendre crier, espérant que non. Il sentit tous les muscles de son corps se tendre sous le coup de l’énervement, il n’aimait pas sa façon de voir les choses et il n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle était incapable de voir les choses de son point de vue. « Ça n’a rien à voir ! Je pense que tu sais aussi bien que moi que si ma sœur devait venir vivre avec nous elle ne nous causerait pas autant d’emmerdes ! Et ça veut dire quoi ? Que ça ne sert à rien même d’en discuter ? Tu as pris ta décision et je n’ai plus qu’à m’y plier ? » S’emporta-t-il, sachant très bien que ça ne mènerait à rien de bien constructif. Mais c’était plus fort que lui, il était d’une humeur massacrante ces derniers temps et rester calme lui demandait la plupart du temps toute sa volonté. Alors forcément quand Jade lui criait dessus, il ne pouvait s’empêcher de partir au quart de tour. Il leva les yeux vers l’étage, comme pour vérifier que leur fille n’était pas en train de les espionner ou n’était pas descendue pour voir ce qu’il se passait au salon. Il se redressa dans le canapé, se forçant à baisser d’un ton, les dents pourtant toujours serrées. Il détestait quand Jade lui rappelait tout ce qu’elle avait du abandonner en l’épousant et en acceptant de fonder leur famille. Comme si lui n’avait rien eu à sacrifier à ce moment là. Mais il ne voulait pas revenir dessus, pas encore, ça ne servirait à rien. A la place il choisit un autre angle d’attaque. « Tu ne penses pas qu’il risque d’avoir une mauvaise influence sur Aaliyah peut-être ? C’est vraiment le genre de personne que tu aimerais voir traîner avec notre fille s’il ne s’agissait pas de ton frère ? » Il espérait toucher un point sensible, car s’il savait que Jade défendrait son petit frère bec et ongle il savait aussi qu’elle était très protectrice envers leur fille.

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Charlie détestait se disputer avec Jade. Il imaginait que c’était le cas de tous les couples mais il avait toujours l’impression qu’ils faisaient tous les deux preuves de mauvaise foi et que ça n’avançaient jamais à rien. Elle allait continuer à défendre son petit frère bec et ongle et lui allait continuer à insister pour lui faire comprendre que c’était un poison pour leur famille. Au final ils iraient se coucher encore en colère et pas plus avancé l’un que l’autre puisqu’aucun n’aurait fait changer l’autre d’avis. Mais même en sachant ça, c’était plus fort que lui ! Il ne pouvait pas désespérer complètement, il se devait de continuer à essayer de convaincre Jade. Il avait trop peur de ce qui pourrait arriver s’il ne le faisait pas. Il aurait laissé la voie complètement libre à Jethro. Il frissonnait rien que d’y penser. Il voyait bien le jeu qu’il était capable de jouer quand Jade n’était pas là, il voyait bien la façon dont il admettait lui-même qu’il la manipulait parfois et à quel point c’était facile. Non, il ne lui faisait définitivement pas confiance. Il avait envie de lui répondre qu’il n’essayait pas d’insulter sa famille, seulement Jethro, mais même lui savait que ça n’aurait fait que rajouter de l’huile sur le feu. Des fois il se demandait si son petit frère n’était pas toute sa famille, à croire que lui n’en faisait pas partie. Il détourna aussitôt le regard en entendant sa comparaison avec un amant, gêné. Elle ne savait pas à quel point elle était proche de la vérité, et l’ironie aurait pu le faire rire s’il avait été de meilleure humeur. Et si les sous-entendus de Jethro ne l’avaient pas mis autant mal à l’aise. « Je ne te demande pas de trouver des arguments, je te demande juste d’écouter les miens ! Dès qu’il s’agit de ton frère je ne peux rien dire. » Elle refusait d’écouter la moindre critique sur le jeune homme et ça en devenait horripilant. Il ne savait plus quoi faire, mais au moins il avait réussi à lui faire promettre quelque chose d’intéressant. Elle paraissait persuadée que Jethro ne ferait jamais rien qui pourrait faire du mal à Aaliyah mais Charlie, lui, était très loin d’en être sûr. Il était même prêt à parier que ce n’était qu’une question de temps. Il n’avait pas envie d’attendre qu’il arrive quelque chose à sa fille pour que sa femme voit clair dans le jeu de Jethro mais si c’était la seule solution pour qu’elle ouvre les yeux alors il n’y pouvait pas grand-chose. Il ne pouvait pas dire qu’il était satisfait non plus mais il voyait bien qu’il allait être obligé de s’en contenter. « Ça me va ! » Répondit-il de mauvaise grâce avant de reprendre une gorgée de son thé. Il se rassit plus confortablement dans le canapé, ne quittant pour autant pas Jade du regard. Il était encore énervé et il savait que leur dispute n’était pas encore terminée. « Je sais que tu fais confiance à Aaliyah, moi aussi. » Il leva encore une fois les yeux vers l’étage, n’ayant vraiment pas envie que leur fille entende leur conversation, de peur que ça lui donne des idées. Rien à signaler pour l’instant. « Mais elle est à un âge… vulnérable. Je te rappelle qu’on était plus vieux qu’elle quand on s’est rencontrés, et plus mature aussi, et tu es quand même tombée enceinte. » Expliqua-t-il, ce n’était pas un reproche envers Jade, il savait qu’ils avaient probablement tous les deux merdé à l’époque, mais il ne pouvait pas complètement faire confiance à une adolescente de seize ans, surtout qu’il voyait bien que Jethro ne la laissait pas totalement indifférente, à son plus grand damn. « Ne me dis pas que tu n’as pas remarqué la façon dont elle le regarde. » Ajouta-t-il. Ils n’en avaient pas encore parlé et il espérait que là-dessus au moins Jade n’allait pas mettre la tête dans le sable.

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Charlie se mordit la lèvre en l’entendant insinuer qu’il ne lui disait pas tout, c’était le moins qu’on puisse dire, mais il n’était pas prêt à l’admettre. Il était persuadé que c’était de toute façon une information dont elle-même aurait préféré se passer. Au lieu de dire la vérité il répondit donc : « Non, j’ai juste un pressentiment. » Ce n’était pas avec ce genre d’arguments qu’il risquait de la convaincre, et bien sûr ils finirent par arriver à un accord qui ne le satisfaisait qu’à moitié. Mais c’était mieux que rien, déjà il avait réussi à obtenir d’elle qu’elle puisse envisager la possibilité de le foutre dehors un jour. S’il dépassait les bornes, ou plutôt s’il s’attaquait à la chose qui avait le plus d’importance aux yeux de Jade : leur fille. Il ne pouvait s’empêcher de s’en rendre compte avec un peu d’amertume, qu’il le fasse chier ne semblait avoir aucune importance pour sa femme, par contre il ne fallait pas qu’il s’approche de leur fille… Au moins ils étaient d’accord là-dessus. Il aurait juste aimé que son propre inconfort ait plus de poids aux yeux de sa femme. Et peut-être était-ce pour ça qu’il n’avait pas pu s’empêcher de relancer le débat, alors que Jade, elle, serait de toute évidence bien partie faire autre chose. Mais ils restaient encore des points sur lesquels ils avaient besoin d’accorder leurs violons selon lui. Et ça concernait justement leur fille. Il ne savait pas si c’était son instinct de papa poule qui ressortait mais il n’aimait vraiment pas ce qui se tramait entre eux, et il espérait très sincèrement être en train de se faire des films. Il ne voulait pas que Jade fasse l’erreur de les croire tous les deux trop innocents. Aaliyah avait seize ans, et lui se souvenait de comment il était à cette époque là. Et le fait qu’elle soit de plus en plus secrète ne lui disait rien qui vaille. Il n’arrivait pas à croire que ses craintes ne soient pas partagées par sa femme. Elle était aveugle à ce point dès qu’il s’agissait de Jethro alors ? Il avait pensé avoir trouvé son point sensible en parlant de leur fille, mais même là elle ne pouvait pas s’empêcher de défendre son frère. Charlie n’avait aucun doute sur le fait qu’il puisse aller draguer leur fille s’il pensait que ça pouvait être amusant. Après tout il s’était bien mis à lui faire ses sous-entendus à lui. Son seul réconfort était de se dire que tant qu’il restait focalisé sur lui, il n’irait pas titiller Aaliyah. Bien maigre consolation en vérité. Mais bien sûr il ne pouvait pas vraiment lui sortir l’argument du « il s’amuse bien à le faire avec moi ! » alors il se retrouvait coincé encore une fois. « C’est pas le fait qu’ils sortent ensemble qui m’inquiète. » Expliqua-t-il en haussant un sourcil, oh non, sortir ensemble ce serait innocent. Pas le genre de Jethro selon lui, et probablement sans intérêt pour lui. « T’as raison, peut-être que je suis parano et que je me fais des films. » Admit-il parce qu’il n’avait pas l’impression d’avoir trop le choix, à son grand désarroi. « Mais peut-être que tu devrais lui en parler. A Aaliyah je veux dire. » Proposa-t-il, cherchant directement une solution qui ressemblerait à un compromis. Il avait fini par comprendre que ça ne servirait à rien d’essayer de lui faire ouvrir les yeux sur le caractère de Jethro. Mais il ne pouvait pas ne pas en parler avec Jade, ça allait l’empêcher de dormir la nuit s’il ne faisait rien. « Ou alors peut-être que toi ça ne te dérange pas que ta fille puisse avoir des sentiments pour ton frère. » Lança-t-il d’un ton légèrement provocateur, utilisant volontairement les termes de fille et de frère pour insister sur le côté légèrement malsain que ça pourrait avoir. Même s’ils n’avaient aucun vrai lien de parenté, ça resterait étrange.

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Charlie fut totalement pris de court en voyant la réaction dégoûtée de Jade. Si l’idée qu’il puisse se passer quelque chose entre eux la choquait autant alors pourquoi persistait-elle à ne rien vouloir voir ? Est-ce qu’il était vraiment le seul à ne pas être totalement aveugle ? Ça lui paraissait de plus en plus évident. Il ignora totalement la critique à peine voilée derrière son exclamation de soulagement, ça ne servirait à rien de se vexer pour ça. Ça ne l’aiderait très certainement pas à avoir gain de cause. Surtout qu’il ne pouvait pas s’empêcher de penser que Jade avait raison sur le fait que confronter Aaliyah ne mènerait probablement pas au résultat qu’il voulait. Il avait oublié la tentative d’intervention de ses beaux-parents à l’époque, tiens. Elle avait aussi raison sur le fait qu’elle ne pourrait probablement pas empêcher leur fille de tomber amoureuse si ça devait vraiment arriver, mais peut-être qu’une mise en garde, sans aller jusqu’à ordonner ou à réprimander, oui, peut-être que ça pourrait suffire. Il n’en savait rien, il n’était pas dans la tête de sa fille, mais l’idée de rester planté là les bras croisés à attendre que Jethro fasse ce qu’il voulait lui était insupportable. Et l’insistance de sa femme sur l’innocence de son petit frère ne faisait que l’agacer encore plus. Elle le prenait vraiment pour un ange, ça en devenait délirant. « Alors tu proposes quoi ? Qu’on ne fasse rien ? » Il faisait toujours attention à ne pas hausser la voix pour ne pas risquer d’attirer l’attention de leur fille, mais il ne doutait pas que Jade pouvait entendre à quel point ce sujet le mettait sur les nerfs. Tout comme elle d’ailleurs. « Je dis pas qu’il faut qu’on lui interdise quoique ce soit, c’est sûr que ça risquerait de se retourner contre nous. Je te parle d’avoir une discussion ouverte avec elle sur le sujet pour… Je sais pas, la mettre en garde, ou lui expliquer pourquoi ce serait une mauvaise idée. » Très honnêtement, il n’était pas sûr que ça marcherait mieux mais c’était toujours mieux que de rester complètement spectateur et d’attendre que tout parte en vrille. Il  aurait voulu éclater de rire en entendant Jade lui demander à nouveau s’il avait quelque chose à lui dire. Il aurait aimé pouvoir lui en parler, mais quelque chose le retenait. Tout comme il se retenait de ne pas lui dire qu’il était malade. « J’ai pas d’exemple à te donner là tout de suite, je vois juste à quel point il agit différemment quand tu n’es pas là et j’ai peur que tu l’idéalises. » Il se frotta énergiquement le visage, cherchant comment lui faire comprendre ses craintes sans non plus dévoiler toute la vérité. Au fond il ne savait pas pourquoi il ne lui disait pas tout bêtement le genre de remarque que Jethro pouvait lui faire. Parce qu’il n’avait pas confiance dans le fait qu’elle allait le croire ? Ou parce que c’était un secret qu’il voulait garder entre eux ? Un peu des deux sûrement, sans compter qu’il se serait senti con de discuter de ça avec sa femme. Au final, ce qu’il finit par dire n’était pas forcément moins délirant. « Je te jure que des fois il fait tout pour m’énerver ou pour me faire réagir. C’est son petit jeu, et je ne suis pas convaincu qu’il ne sauterait pas sur l'occasion d'en rajouter s’il se rendait compte qu'il plait à Aaliyah. » Il devait passer pour un taré, ou tout du moins un égocentrique. Jade n’allait pas le croire, c’était sûr. Elle allait le traiter de fou et lui dire qu’il se donnait trop d’importance aux yeux de Jethro, et au final, peut-être qu’elle aurait raison là-dessus aussi.

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« Eh bah je préfère prendre le risque. » Répliqua-t-il tout en sachant qu’il risquait d’avoir tort. Il ne pouvait pas juste ne rien faire, c’était trop lui en demander, et si elle était prête à tenter d’avoir une discussion avec leur fille alors il préférait qu’elle essaye, persuadé que ça ne pourrait pas empirer les choses. Et tant pis si elle finissait par lui dire qu’elle avait eu raison, il préférait que son égo soit un peu maltraité plutôt que de laisser faire. Ça en disait long sur l’inquiétude qu’il pouvait avoir à ce sujet, parce qu’il était plutôt du genre mauvais joueur et n’aimait pas du tout qu’on lui fasse remarquer qu’il avait eu tort sur quelque chose. Il était fier Charlie. En revanche il voyait bien qu’il n’avait pas la moindre chance de faire entendre raison à Jade, et quelque part il ne pouvait pas entièrement la blâmer. C’était lui qui refusait d’être totalement honnête, par fierté encore, et aussi parce que – et il ne l’aurait jamais admis à quelqu’un d’autre – il commençait à se faire au petit jeu que Jethro avait instauré entre eux. Et il préférait que ça reste entre eux tant qu'il le pouvait. Parce qu’y mêler Jade ne ferait probablement qu’empirer les choses, et parce qu’une petite partie de lui – celle qui faisait généralement preuve de curiosité malsaine – avait aussi envie de voir où tout ça les mènerait. Il avait encore du mal à l’admettre à lui-même, alors Jade, ce n’était pas pour demain la veille. Essayer de lui faire comprendre que Jethro était une toute autre personne quand elle n’était pas là pour le voir ou l’entendre et lui dire qu’il s’amusait à jouer avec ses nerfs, c’était la dernière carte qu’il avait à abattre. Et il avait bien conscience d’être loin d’avoir un quinte flush. Non, il savait pertinemment en le disant que Jade ne serait pas impressionnée, que ce ne serait pas suffisant pour la forcer à ne serait-ce que se méfier de Jethro, mais il se protégeait aussi en tentant quand même le coup. Il se sentait moins coupable de lui cacher des choses, il pouvait lui dire qu’il avait essayé de lui en parler si jamais ça lui revenait un jour dans la tronche. En revanche, là elle commençait à toucher un point sensible. Bien sûr que ça concernait Aaliyah, au moins en partie, peut-être pas en majorité. Ou en tout cas pas pour l’instant, mais si elle s’en rendait compte ça ne servait à rien de poursuivre la conversation. Il était censé pouvoir se défendre contre quelqu’un comme Jethro, ça n’aurait pas dû l’affecter même. Autant il comptait sur Jade pour venir à la rescousse d’Aaliyah s’il se passait le moindre truc louche avec son petit frère, autant il ne penserait pas qu’elle lèverait le petit doigt si les problèmes se déroulaient avec lui. « Tu sais quoi ? Tu as raison, je me prends la tête pour rien. » Il n’avait pas envie de continuer cette discussion, il ne pourrait rien dire qui la ferait changer d’avis, ou en tout cas il ne s’autorisait à rien dire qui pourrait la convaincre, alors à quoi bon ? C’était un sujet qui le gênait tout particulièrement et il ne voulait pas en parler juste pour en parler. Au moins il avait réussi à obtenir d’elle une promesse sur l'éventualité où Jethro s'attaquerait à leur fille. C’était mieux que rien. Il haussa les épaules, bien décidé à concéder la défaite. Il baissa encore la voix. « Je me suis toujours méfié de ton frère, depuis la première fois où il est venu et je l’ai surpris en train de fumer dans le jardin. » Ça remontait à tellement loin mais Charlie ne l’avait jamais oublié. Il avait décidé ce jour là que Jethro serait mieux loin de sa fille, et pour l’instant son instinct ne lui avait pas joué de mauvais tour. « Et jusqu’à présent il n’a jamais rien fait pour regagner ma confiance. Et tu sais que je préfère être prudent, surtout avec Aaliyah. Si tu es sûre qu’il ne ferait rien alors je te fais confiance. » Il voulait clôturer la discussion ici et maintenant et il reprit son livre sur la table basse, ne l’ouvrant pas encore, attendant de voir si Jade était d’accord pour en rester là.