« we all have secrets : the ones we keep and the ones that are kept from us. » — ((C&W#01))

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Ce baiser contre la voiture, il hantait les nuits de Charlie, bien plus qu’il n’aurait osé l’admettre, même à lui-même. Il ne savait plus comment se comporter depuis, sa seule certitude c’était d’avoir envie d’éviter Jethro le plus possible. Il se rendait à l’hôpital dès qu’il le pouvait, pour filer un coup de main, pour se reposer aussi parfois, parce qu’il était incapable de dormir sur ses deux oreilles chez lui. Il avait l’impression de sursauter au moindre bruit inattendu et il avait constamment la sensation d’être épié, comme si quelqu’un était tapi dans l’ombre dans l’attente qu’il déconne à nouveau. Il savait qu’il était totalement parano, que c’était la culpabilité qui parlait, que ça finirait probablement par s’atténuer avec le temps, mais il n’arrivait pas à s’en convaincre, pas totalement. A la place de ça il avait ce putain de nœud à l’estomac qui ne faisait qu’accentuer les nausées qu’il avait déjà à cause de ses médicaments. Et le pire, c’était que malgré tout ça, il n’arrivait pas à regretter, pas vraiment, pas totalement en tout cas. Ce matin là Jade était au boulot et Aaliyah à l’école, comme d’habitude. Il n’avait pas encore croisé Jethro et il n’était même pas sûr qu’il soit à la maison. Peut-être qu’il n’était même pas encore rentré d’une soirée de la veille, ce n’était pas comme s’il cherchait à surveiller ses allers et venus, c’était même plutôt l’inverse depuis… Depuis l’autre fois. Il s’imaginait des bruits dans la chambre au-dessus du salon, et il avait peur que Jethro ne soit là et en train de se réveiller, peur de le voir débarquer dans la pièce et recommencer à l’emmerder. Il fallait qu’il arrête de paniquer. Soit ça, soit il pouvait continuer à l’éviter. Oui, la deuxième option était définitivement la meilleure ! Il venait de se lever pour aller prendre sa veste et aller faire un tour, peut-être à l’hôpital, peut-être dans Brighton, il n’avait pas encore décidé, quand il entendit quelqu’un frapper à la porte. Il alla ouvrir par réflexe, ne réussissant pas bien à cacher sa surprise en voyant sa cousine. Il regarda l’heure à sa montre, comme si c’était elle qui allait lui rappeler quel jour on était, c’était un mauvais réflexe. Mais pour sa défense il n’avait pas non plus réalisé qu’il était si tard. « Hello ! » Lâcha-t-il, encore légèrement surpris, avant de lancer un sourire amical à Winnie et de venir déposer une bise sur sa joue. « Désolé, j’avais totalement zappé qu’on était mercredi. » Expliqua-t-il avant de faire une moue désolé, il se sentait carrément naze. C’était leur petit rendez-vous hebdomadaire, parce que les mercredis c’étaient généralement les seuls jours où il ne bossait pas. Au fil des années c’était devenu leur petit rituel et Charlie aurait été bien en peine d’expliquer exactement comment ça avait commencé, ça remontait à trop loin tout ça. Il s’écarta de la porte d’entrée et lui fit signe d’entrer. « Heureusement que t’as pas oublié les gâteaux sinon je t’aurais laissée dehors. » Plaisanta-t-il avant de se diriger vers la cuisine, la laissant refermer la porte derrière elle et se mettre à l’aise. Elle  pouvait faire ici comme chez elle, elle avait l’habitude. Il leur prépara deux cafés avant de revenir dans le salon et d’aller s’asseoir autour de la table à manger, posant la tasse préférée de Winnie devant elle. « Désolé, j’ai un peu la tête ailleurs en ce moment. Comment tu vas ? » Il n’avait pas pu s’empêcher de s’excuser à nouveau, vraiment il allait passer pour le pire cousin du monde, il n’arrivait pas à croire lui-même qu’il ait pu oublier que Winnie allait venir. Ça prouvait bien à quel point la présence de Jethro le perturbait.

Winnie n’était pas vexée par le manque de considération de Charlie. Elle savait que quelque chose n’allait pas. Elle acquiesce poliment en entrant et en préparant une assiette pour y mettre les viennoiseries encore chaudes et de les emmener à table. Winnie voit bien que Charlie est ailleurs, que ses pensées ne sont pas vraiment là. « Toi, t’as oublié quel jour on était mh. » qu’elle fait pour le narguer avec un sourire moqueur, avant de s’apercevoir que même la maison, toute entière semble étouffante. Pourtant, elle y a ses habitudes, mais… pas cette fois. Elle sent Winnie, l’atmosphère calfeutrée qui s’y dégage. Et elle ne peut s’empêcher de s’y sentir elle aussi oppressée. « Je te pardonne, à la condition que tu me racontes. » En s’asseyant à la table, Winnie remarque qu’il prend sa tasse préférée. Voilà au moins une chose qu’il n’a pas oublié le bougre. Lorsqu’il lui dit que si elle avait oublié les viennoiseries, il la laissait dehors, elle prend un air faussement offusqué. « C’est la chose principale à prendre pour ce genre de choses ! D’ailleurs, mom’ et Rhys t’embrassent. » Elle se sert du café avant d’y rajouter du sucre. Plutôt, du sucre au café, dans ce sens. Elle aime quand il est sucré Winnie. L’aigreur du café lui donne souvent des maux d’estomac dans la journée et des crises d’angoisse. Sans doute la caféine qu’elle ne supporte pas vraiment. Du moins, pur, de cette façon. « La tête ailleurs… j’avais remarqué. En ce moment, t’es plus trop là avec nous. Même aux repas dominicaux. » Oui, elle l’a bien souligné Winnie, elle n’est pas la seule. Mais il n’y a qu’elle pour pointer les évidences face aux gens. « Sinon, moi ça va. Toi beaucoup moins… t’as l’air préoccupé. Et ça ne te ressemble pas. Raconte-moi tout. » Elle s’empare d’un morceau de viennoiserie en laissant les miettes tomber sur l’assiette devant elle pour ne rien salir. « Si je peux me permettre… c’est depuis l’arrivée de Jethro que tu as changé Charlie. » Winnie ne peut pas s’empêcher de pointer ce fait. Charlie et elle sont toujours allées droit au but, sans prendre de gants. Alors quitte à dire les choses, autant le faire bien. « Je t’avoue que je ne le sens pas ce gosse. Il a un regard… super malsain. » Elle se secoue comme si un frisson parcourait son échine. « Il pue les emmerdes à trois milles. » qu’elle lui chuchote comme si quelqu’un pouvait les attendre – alors que bien sûr que non. « C’est qui déjà ? Le frère adoptif de Jade ? Il n’a pas dû quitter l’adolescence encore celui-ci. Bon courage ! » Winnie tente d’ironiser un peu, tout en buvant un peu de son café. Qui était très chaud d’ailleurs. « Mais ce que j’attends, c’est ton point de vue sur la question. Parce que je suis sûre que tu as beaucoup à me raconter mh. » fit-elle par-dessus sa tasse en lui souriant.

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Charlie lança un petit sourire amusé à sa cousine, non bien sûr qu’elle ne se vexerait pas, à condition qu’il lui raconte tout bien entendu. Au moins elle n’avait pas changé, quelque part c’était rassurant. Il s’assit face à elle et souffla sur son café doucement en jetant un œil aux viennoiseries. Ce n’était pas raisonnable mais elles lui faisaient carrément envie. Il allait se forcer à attendre juste un peu, histoire de se donner bonne conscience. Il faisait toujours ça, et il finissait toujours par en prendre trois ou quatre. Sa gourmandise le perdrait un jour. « Tu les embrasseras aussi de ma part. » Répondit-il, comme il le faisait toujours. Au final il était content que Winnie soit là, même s’il aurait aussi aimé rester seul pour ressasser ses problèmes dans son coin, ça lui ferait du bien de se changer les idées. Sauf que bien sûr, elle allait vouloir parler de ce qui n’allait pas, de ce qui le contrariait aussi clairement. Il ouvrit la bouche pour s’excuser, pour expliquer qu’il était préoccupé en ce moment mais Winnie ne lui en laissa pas le temps, reprenant aussitôt et mettant même directement les pieds dans le plat. Elle était perspicace sa cousine, elle avait remarqué que c’était depuis l’arrivée de Jethro. Il avait eu des soucis avant ça, mais elle avait raison, ça avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase et c’était aujourd’hui ce qui lui pesait le plus, sans le moindre doute. Il faillit recracher son café en entendant la description que sa cousine fit de son beau-frère, oui, il y avait définitivement quelque chose de malsain chez Jethro, ce n’était très certainement pas lui qui allait la corriger sur ce point. Elle n’avait pas idée même. « Je serais ravi de répondre si tu me laissais en placer une. » Se moqua-t-il quand elle lui demanda son avis avant de reprendre une gorgée de café. Il attrapa aussi une viennoiserie au passage mais se contenta de la poser devant lui, essayant toujours de résister le plus longtemps possible, il savait que ce n’était pas raisonnable. « Ouais c’est le frère adoptif de Jade, et t’as tapé dans le mille, c’est un véritable emmerdeur. » Il leva les yeux au ciel, avant de regarder rapidement vers l’étage. Il avait oublié que Jethro était peut-être encore à la maison, il dormait même probablement encore dans la chambre d’ami. « On devrait peut-être parler un peu plus bas, je crois qu’il est en haut. » La dernière chose qu’il voulait c’était le réveiller et le voir débarquer dans le salon pour venir rajouter son grain de sel. Il avait réussi à l’éviter depuis quasiment une semaine et il comptait bien sur le fait que ça continue. Il n’avait aucune envie de l’affronter, il ne se sentait pas encore prêt. « Il est ingérable, il fait tout pour m’énerver, je crois que ça l’amuse. » Il laissa échapper un soupir de lassitude, il se sentait encore plus pris au piège depuis la semaine dernière, depuis ce qu’il avait fait… Il ne pouvait plus rien dire à Jade maintenant, ça risquait de se retourner contre lui. Il se pencha légèrement en avant, baissant encore d’un ton, il n’avait vraiment pas envie que quelqu’un entende ce qu’il s’apprêtait à dire. « Il me fait... » Il serra les dents, se sentant définitivement con de parler de ça à sa cousine. Il aurait du être capable de s’en sortir sans son aide, mais il était aux abois. « Il s’amuse à me faire des sous-entendus, comme si je lui plaisais. Je pense pas que ce soit le cas, je pense juste qu’il voit que ça me gêne et ça l’amuse. » Il avait dit ça d’une traite, comme s’il avait eu peur de ne pas réussir à finir son explication s’il avait osé s’arrêter. Il sentit ses joues se rosirent malgré lui, oui, le problème c’était définitivement Jethro et ses sous-entendus, s’il arrêtait alors il ne se passerait plus rien entre eux et il pourrait reprendre sa vie là où il l’avait laissée. C’était beau le déni.

Winnie parle trop. Parce que Winnie n’est pas dupe, Winnie voit les choses, les évidences, la vérité. Elle aime à déstabiliser Charlie, pour qu’il comprenne implicitement qu’elle veut son point de vue. Parce que c’est de ça dont il est question. C’est ça qu’elle doit lui faire dire. Il y a des gestes et des regards qui ne trompent pas. Elle les a vu durant les repas de famille. Winnie n’avait pas volontairement approché Jethro, parce qu’elle savait ce qu’elle ferait sinon. Et comme ça n’était pas vraiment son problème… elle préférait l’éviter. De plus, comme elle l’a dit à Charlie, il ne lui inspire clairement pas confiance. Pire, il lui fait froid dans le dos. Une aura malsaine se dégage de ce gamin. Comme l’étincelle perverse qu’il manque dans la vie de Charlie, quelque part. Et c’est bien là tout le problème. « Je leur dirais. Et si tu croises Allie, dis-lui que Rhys aimerait qu’elle le rappelle. Il m’a juste dit de faire passer le message. » Elle hausse les épaules avant de croquer de nouveau dans sa viennoiserie. Sa mère est vraiment une femme douée. « Pardon Charlie, je te donnais juste mon point de vue. » Point de vue qui semble le gêner. C’est qu’elle vise juste Winnie. Elle le voit lever les yeux au ciel, exaspéré. Mais ses traits le trahissent. En vérité, c’est tout le contraire et Winnie se délecte de le voir si bien mentir. Elle rit quand il dit qu’il faut parler doucement, comme si on pouvait réellement les entendre. Comme si Charlie se sentait coupable. Parce qu’il l’est, forcément ? « Des sous-entendus mh ? » Elle arque un sourcil, intriguée. Presque exaspérée, à dire vrai. Le rouge à ses joues le met devant le fait accompli. Ça lui plait. Mais elle ne dira rien Winnie. Elle respecte. Elle attendra le bon moment pour le frapper. « Mais toi, tu ressens quoi à ses sous-entendus ? » Winnie feint de ne pas voir, de ne pas comprendre où il veut en venir. Alors que la vérité est là, juste là. Tellement évidente, tellement grosse. Inévitable. « Si ça te gêne, peut-être qu’au fond, ça te rassure de savoir que… tu plais ? » Elle essaie, doucement, comme un serpent de s’insinuer. « Tiens d’ailleurs, je voulais te dire... » Une gorgée de café, pour se donner du courage. Enfin, pas vraiment. Étant donné qu’il n’y a aucune honte à ce qu’elle va lui dire. « Ewan et moi... on couche ensembles. Depuis quelques mois. » Un air malicieux s’affiche sur son visage, presque taquin à sa réaction. Fallait bien que ça sorte un jour de toute façon. Ewan étant le meilleur ami de Charlie… au moins qu’il le sache. « On n’est pas ensembles ou quoi… juste, on couche ensembles. Comme deux adultes consentants. On se fait du bien. Et vraiment Charlie, il est excellent dans le domaine ! Si tu savais. » Exprès pour le mettre à mal. Parce qu’elle cherche Winnie, elle enfonce un peu plus le couteau dans la plaie. « Enfin non, tu ne peux pas savoir… excuse-moi. » Faussement.

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Charlie se sentait con d’être gêné par l’attitude de Jehtro, c’était plutôt lui qui aurait du être gêné et non l’inverse, et c’était sans doute parce qu’il réagissait comme ça que son beau-frère continuait. Mais c’était plus fort que lui, et la réaction de Winnie ne l’aidait pas à se sentir particulièrement plus à l’aise. Il finit par mordre dans sa viennoiserie, attendant de voir ce qu’elle avait à lui dire, de toute évidence cette histoire l’intriguait. Charlie reprit une petite gorgée de café en l’entendant, se doutant bien qu’elle ne comptait pas s’arrêter là, elle avait quelque chose à lui dire et ce n’était pas son genre de prendre des pincettes. Elle ne tarda d’ailleurs pas à lui dire un peu clairement ce que cette histoire avait suscité comme réflexion chez elle et le médecin secoua la tête, comme pour lui signifier qu’elle se trompait, tout en n’étant pas sûr qu’elle se trompait justement. « Ça ne me rassure pas non, crois-moi je préférerais qu’il arrête. » Il réussissait même à le croire en le disant, ce n’était pas si compliqué que ça de s’en convaincre alors qu’il rêvait que sa vie revienne à la normale. Quand il y repensait au calme, c’était vraiment ce qu’il voulait, que Jethro disparaisse de sa vie et qu’il réussisse enfin à discuter à cœur ouvert avec Jade. Ce qui était compliqué, c’était plutôt quand son beau-frère était dans les parages, là tout devenait plus flou. Il reprit un morceau de viennoiserie et ce fut à son tour de hausser un sourcil. Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle ait quelque chose à lui annoncer, ils se voyaient souvent donc le plus clair du temps ils ne faisaient que papoter sans rien de particulièrement intéressant à se raconter. Visiblement ce n’était pas le cas ce matin et Charlie regretta aussitôt d’avoir repris également une gorgée de café en entendant ce que Winnie voulait lui annoncer. Il manqua de s’étouffer et reposa un plus brutalement que nécessaire sa tasse sur la table, toussotant. « Ewan ? » Répondit-il comme pour s’assurer qu’ils parlaient bien du même. Ewan ? Son meilleur pote Ewan ? Il ne savait même pas qu’ils se connaissaient, même si c’était vrai que dans un petit village comme Donwell tout le monde finissait bien par se croiser. Il connaissait bien Ewan et ses habitudes avec la gente féminine, aussi il était loin d’être ravi de savoir qu’il couchait avec sa cousine. Très franchement c’était une image mentale dont il aurait préféré se passer. « Non, non ! Je te confirme que je ne veux pas savoir ! » S’exclama-t-il, essayant de la couper dans ses explications, oubliant même momentanément que Jethro dormait probablement au-dessus de leurs têtes et qu’il tenait à ne pas le réveiller. Il soupira avant de reprendre un peu de café, bizarrement la dernière gorgée n’avait pas été particulièrement satisfaisante. « Tant mieux écoute, si vous… si vous vous amusez. » Reprit-il en faisant mine de repousser loin de lui le sujet d’un geste de la main, non il n’avait vraiment pas envie de parler de ça, ni de la vie sexuelle de Winnie ni de celle d’Ewan pour être honnête. Moins il en savait et mieux il se portait, et il n’aimait pas quand sa cousine faisait ça. Elle cherchait à le gêner et ça marchait toujours un peu trop bien, lui ne trouvait ça que moyennement drôle. « Pourquoi tu décides de me raconter ça maintenant ? » Il termina sa viennoiserie et regarda les autres avec envie, se forçant à ne pas en reprendre une directement et à se concentrer sur son café à la place. Parfait, ça allait lui couper l’appétit. « Très franchement je pense que j’aurais préféré ne pas savoir. » Avoua-t-il en levant les yeux au ciel.

Quand Charlie faisait son effarouché, Winnie le trouvait drôle et amusant. C’était la preuve que quelque chose le gênait, là, juste sous ses yeux. Sa relation avec Ewan n’était rien d’autre qu’une façon de le faire craquer sur ce qu’il se passait réellement. Et ça ne la dérangeait pas de fouiller. Ewan et elle s’étaient mis d’accords pour dire qu’il n’y avait rien de honteux là-dedans. Parce que c’était tout simplement vrai. Tous deux assumaient comme deux adultes consentants qu’ils étaient. Cela devait suffire ? « Eh bien… avec Ewan, on n’en a jamais réellement parlé. Du qu’en dira-t-on. Des autres, du reste. Puis, hier, c’est venu sur le tapis. » Ewan lui avait posé la question, entre deux baisers, un peu de façon abrupte. Et l’évidence, elle s’était posée là, sans honte aucune. « Et on en est venus à la conclusion que l’on devait te le dire. Bon, c’est vrai, c’est ton meilleur ami, amis je pense que tu l’acceptes mieux venant de moi que de lui. » Et à voir son air de grand-frère qu’il prend parfois, il était préférable que ça vienne d’elle. « Justement parce que nous sommes deux adultes. Et que… tu le côtoies souvent. Je le vois souvent. C’est ton meilleur ami. Il va de soi, qu’un jour, j’étais bien obligée de te le dire. Et ne prends pas cet être, ça te donne encore plus de rides que tu n’en as déjà. » Qu’elle fait en lui donnant un coup d’épaules pour le taquiner. Non vraiment, peu importe ce que les gens pensaient, Ewan et elle étaient d’accords pour vivre ça comme ils le sentaient, comme ça venait. Comme depuis son arrivée finalement. « Je préférais être honnête. Et puis, pour une fois qu’il se passe quelque chose d’intéressant dans ma vie… » Et du moment qu’elle ne parlait pas d’Alistair, tout allait parfaitement bien. Parfaitement. « Revenons-en à ce… Jethro. » Cette fois, c’est un regard malicieux qu’elle lui lance pour le faire avouer. « Tu mens très mal Charlie… je le vois bien que ça te plait. Ton ego n’a pas reçu de compliment depuis aussi longtemps ? » Qu’elle se moque, exprès pour le détendre un peu, mais il semble vexé, touché par la remarque. « Charlie… je. Je ne voulais pas te blesser. Tu me connais, ma maladresse et moi. » Winnie essaie de s’excuser mais elle voit bien que le mal est déjà fait de toute façon. « Pour me rattraper, je promets d’être une meilleure cousine, encore plus exemplaire ! Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en Enfer ! Oh wait… on n’a plus douze ans ! Mais la promesse tient vraiment. » Elle reboit un peu de café en coupant un morceau de viennoiserie, tout en riant. Charlie et elle, c’était souvent comme ça. Un peu de rire, un peu de malaisance, un peu d’insouciance. Comme s’ils étaient toujours des enfants. À se chercher, à se chamailler, à s’embêter. Mais les jeux d’enfants n’ont plus leurs places, parce que chez les adultes, ces jeux-là n’ont plus rien d’innocents.

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Charlie hocha silencieusement la tête en l’écoutant expliquer pourquoi elle venait soudainement lui raconter sa vie sexuelle, il comprenait mieux maintenant, même si lui n’avait jamais été trop du genre à aimer partager ce genre de détail avec les autres. Et tout particulièrement avec sa famille. Elle était comme ça elle, et même s’il aurait vraiment préféré ne pas savoir, il ne pouvait pas s’empêcher d’être au moins un peu touché qu’elle ait décidé de lui en parler. Ce n’était pas comme si lui ne cachait rien à Ewan et à toute sa famille, peut-être que c’était aussi pour ça qu’il n’aimait pas qu’elle vienne lui parler de sa vie personnelle de manière aussi naturelle, parce qu’il savait qu’il n’était pas prêt à le faire en retour. Sa remarque finit par le forcer à se détendre, elle lui arracha même un petit sourire amusé. « Merci, ça fait plaisir. » Ronchonna-t-il sans la moindre méchanceté, ça avait toujours été son fort à Winnie de taper là où ça faisait mal et depuis qu’il approchait dangereusement de la quarantaine elle s’amusait de plus en plus souvent à le vanner sur son âge. Elle avait beau n’avoir qu’un an de moins que lui, les années l’avaient beaucoup moins marquée. Il resserra les dents malgré lui en entendant le nom de son beau-frère, il avait pensé pouvoir se confier à elle sans craindre de jugement mais rétrospectivement il s’était surtout montré naïf, elle avait sauté sur l’occasion de se payer sa tête et de chercher la petite bête : en somme tout ce qu’il avait redouté. Ça lui avait plus ou moins coupé toute envie de parler de Jethro. Il laissa échapper un soupir plein de lassitude, il aurait aimé être un meilleur menteur, surtout au vu des circonstances, au moins elle ne semblait pas avoir deviné toute la vérité juste en regardant les expressions sur son visage, c’était déjà ça. « Plus exemplaire que ça ? Ça va pas être très difficile. » Se moqua-t-il, tentant de se détendre, sachant pertinemment que stresser ne ferait qu’attiser encore plus les soupçons de Winnie. Il n’avait pas envie d’entendre encore plus d’insinuations, il avait déjà Jethro à la maison pour ça. « Tu ne m’as pas blessé. » Reprit-il, son ton désormais beaucoup plus sérieux, avant de reprendre une gorgée de café et d’aller attraper une deuxième viennoiserie. Il avait tenu plus longtemps que prévu et il s’en félicita silencieusement avant de venir mordre dedans. « Et mon égo va très bien figure-toi. » Il ne put réprimer un petit sourire en coin en regardant sa cousine manger elle aussi. « Je pense que c’est toi qui devrait arrêter de te faire des films. Ça me déstabilise juste parce que c’est… malsain. » Même lui avait hésité avant de prononcer ce dernier mot. Elle l’avait utilisé pour décrire elle-même l’attitude de Jethro mais quand c’était lui qui le disait, alors qu’il savait très bien ce qu’il s’était passé entre eux l’autre fois, ça paraissait hypocrite et il n’aimait pas ça. Il savait pourtant que c’était vrai, c’était ce qui rendait le tout encore pire. Il voulait désespérément changer de sujet. « Parlons d’autre chose, tu veux ? » Proposa-t-il avant de venir mordre à nouveau dans sa viennoiserie. N’importe quel sujet serait moins gênant que celui de Jethro, il préférait encore que sa cousine lui raconte en détail exactement ce qu’elle faisait avec Ewan que de reparler de son beau-frère vu la tournure que la discussion avait directement pris quand il avait abordé le sujet.

Winnie sait combien elle le met mal à l’aise. Et elle ne le ferait pas, si elle ne savait pas à quel point ça pouvait autant le gêner. Charlie est bien trop démonstratif de ses sentiments, de ce qu’il ressent. Avec ce Jethro, il y a forcément eu plus. Ses yeux la fuient, ses gestes sont incertains. Il s’est passé quelque chose et elle a l’infime conviction que, si ça le dérange tant, c’est parce qu’au fond, il a surtout aimé. Elle ne relève pas quand il lui sourit pour masquer le malaise, elle l’évite parce qu’elle a vu la faille, il est trop tard pour lui. « Malsain mh ? Alors pourquoi tu ne lui demandes pas tout simplement d’arrêter ? » À aucun moment, il ne l’a supposé ou même suggéré. Alors c’est que oui, ça doit le réconforter de lui plaire ? De jouer à ce jeu malsain avec lui, sans réellement le repousser. Quand il parle de lui, elle voit bien la petite étincelle dans son regard, encore plus quand il se mord la lèvre inférieure juste après le lui avoir dit. Peut-être que Charlie se nourrit de ce sentiment étrange que provoque Jethro en lui ? Et de ce fait, comment pourrait-elle le blâmer ? Elle soutient bien Ewan à commettre un adultère avec Jade… alors au fond, elle ne doit pas vraiment juger. Mais elle a pris parti, sans le vouloir, quasi naturellement, pour Ewan. Cela s’est avérée être une évidence. Et sur ça, elle ne peut pas se mentir elle-même. Ewan compte bien plus que tout le reste, au vu des choses qu’il sait sur elle. Sa propre famille ignore les crises qu’elle fait encore, combien ça la ronge et à quel point Ewan est bien plus qu’un soutien, mais surtout, un pilier. Si cela veut dire trahir Charlie, elle n’a pas à hésiter longtemps pour le faire. Et ce, sans aucun remord. « Donc, c’est bien ce que je dis. Tu ne fais rien parce que ça te plait au fond… et il n’y a aucune honte à ça. » Winnie hausse les épaules avant de reprendre une gorgée de sa boisson chaude. Un deuxième silence, Charlie laisse échapper un soupir las qui en dit bien plus qu’il ne le pense. « Anyway, c’est stupide comme conclusion. Tu es mariée à Jade depuis si longtemps… c’est absurde. » Un petit rire totalement feint lui échappe. Non, ça ne l’est pas et c’est là tout le problème. Ça lui confirme encore plus ce qu’elle soupçonne déjà, là, sous ses yeux. En revanche, lequel des deux a réellement commencé, ça, c’est une autre histoire. « Bon, sinon. Parlons de choses plus importantes tu veux ? Comment ça se passe pour Jade et toi ? Vous semblez un peu distants l’un de l’autre… et toi, bien fatigué très cher cousin. » Sa main passe sur la joue de Charlie avant de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille. Un geste tendre, mais qui est surtout là pour le rassurer. « Elle semblait un peu absente au dernier repas... » Bien qu'elle se moque totalement de la réponse. Winnie ne le demande que pour Ewan et personne d'autre.

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« Qui te dit que je ne lui ai pas demandé ? » Ce n’était pas qu’il n’avait pas essayé, non, il s’était juste toujours heurté à un mur et il avait fini par comprendre que plus il serait transparent sur le fait que ses remarques le mettaient mal à l’aise et plus Jethro aurait envie de continuer à insister. Il avait fini par se résoudre à les ignorer quand il le pouvait, malheureusement pour lui il n’avait jamais eu une très bonne poker face alors à ce jeu là Jethro avait clairement l’avantage. La suite lui tira un soupir, Winnie n’en démordrait pas, elle avait décidé que la situation lui plaisait que c’était par fierté qu’il n’osait pas l’admettre, il ne voulait même pas rentrer dans ce débat. De toute façon il connaissait assez bien sa cousine pour savoir que dès qu’elle avait une idée en tête elle ne l’avait pas ailleurs, alors ça ne servirait à rien d’insister. Il préférait encore changer de sujet, même s’il grimaça légèrement en comprenant celui choisi par Winnie. Elle avait un don pour mettre les pieds dans le plat absolument incroyable, s’il n’avait pas été aussi terre-à-terre il aurait même commencé à se demander si elle ne pouvait pas lire dans ses pensées. Entre le fait qu’il semble fatigué et les tensions qui pouvaient exister dans son couple, il n’avait qu’une envie, lui proposer à nouveau de changer de sujet mais il savait que sa cousine ne lâcherait pas l’affaire aussi simplement, surtout si elle sentait qu’il cherchait à lui cacher quelque chose. Il aurait parfois aimé qu’elle soit moins envahissante, mais c’était sa cousine et il l’aimait malgré tout. Il reprit une gorgée de café, se laissant le temps de réfléchir à ce qu’il allait bien pouvoir répondre à ça. Vu la délicatesse habituelle dont sa cousine faisait preuve il n’avait ni envie de lui parler de la fausse couche de Jade ni de son cancer. Il reposa sa tasse sur la table et s’efforça de ne pas fuir le regard de sa cousine. « C’est un peu la folie en ce moment à l’hôpital et je dors mal, ouais, c'est vrai que je suis fatigué. » Expliqua-t-il, ce qui était une partie de la vérité donc il espérait qu’elle n’irait pas creuser plus loin. Il avait choisi de commencer par ça parce que c’était la question étonnamment la moins épineuse, ça lui arrivait souvent d’avoir des pics de fatigue dus à son travail à l’hôpital et même s’il imaginait bien qu’il devait avoir une tête de déterré, ça ne devait pas non plus être la première fois. Il croqua dans sa viennoiserie avant de hausser les épaules, essayant de dédramatiser la tension que Winnie avait pu remarquer entre Jade et lui. La dernière chose qu’il voulait c’était bien que sa cousine ne vienne mettre son nez dans ses problèmes de couple. « On s’était pris la tête pour une bêtise juste avant. » Lança-t-il, ce qui encore une fois, n’était pas un mensonge en soit. Ils s’étaient effectivement pris la tête pour une stupidité avant le repas dominical mais il savait que ce n’était pas la seule raison qui expliquait leurs comportements respectifs. « Tu l’as dit toi-même, ça fait longtemps qu’on est mariés, et on a moins de temps juste pour nous deux depuis que Jethro est là. » Il avait décidément bon dos le beau-frère, mais pour une fois qu’il pouvait lui servir d’excuse il n’allait très certainement pas s’en priver. Dans un certain sens c’était vrai, l’arrivée de Jethro n’avait pas facilité la communication dans leur couple, ça avait même été une source assez constante de dispute.

Charlie ment. Tout dans ce qu’il dit est bien trop nébuleux, bien trop instable. Elle le voit, le détaille et observe, bien malgré elle les failles. Ce vieux réflexe de l’armée qui ne l’a jamais quitté, mais qui l’a poussé à plus s’intéresser aux animaux qu’aux hommes, par méfiance. Et là, tout de suite, Charlie ment. Mais elle ne veut pas aller plus loin, elle a déjà ce qu’il lui faut. Mais elle voit surtout son agacement, alors elle cesse. Passant à un autre sujet. Où une fois de plus, il ment. Sur Jade. Sur le possible sujet de leur dispute et mésentente le week-end précédent. Elle tique Winnie, assez violemment. Elle ne le connait pas si cachotier habituellement. La seule chose sur laquelle il semble être franc, c’est le sujet de ses gardes à l’hôpital. Sur ça, elle peut au moins lui donner un peu de crédit. « Pourquoi tu ne demandes pas des congés ? Ou du repos ? Tu n’es quand même pas le seul médecin dans cet hôpital ! » Elle fait semblant de s’offusquer, pour faire preuve d’un peu d’empathie – même si elle n’en éprouve pas pour ceux qui mentent. Si c’était le cas concernant les médecins, même pour Donwell et Brighton, ce serait du suicide d’en avoir qu’un. « Je t’avoue qu’on a tous senti le froid dimanche… c’était assez gênant un peu. Mais comme toujours, je suis la seule à mettre les pieds dans le plat. » Sa mère lui en a parlé, juste après. Jade semblait ailleurs et Charlie… était Charlie. Rien de nouveau, rien de bien transcendant. Cela faisait déjà quelques semaines que ça durait. Qu’elle avait observé le changement s’opérer. Jethro n’était qu’une excuse, un écran de fumée pour masquer la vraie raison de tout ça. La raison parfaite pour ne pas dévoiler le vrai mal-être qui devait habiter Charlie. Alors, elle fait la moue, un peu déçue. « Mh. » Alors qu’elle pince les lèvres en plissant les yeux. Son attention revient au café, dont la vapeur ne s’échappe plus ; il a refroidi. Ça l’écœure et elle repousse la tasse ainsi que les viennoiseries. « Tu devrais prendre du temps pour toi. Au lieu de toujours penser aux autres. Ça te ferait vraiment du bien de ne plus être si… altruiste. » Elle doit au moins lui reconnaître ça, sa façon d’aider les autres et sa dévotion. « Comment va Ally dans tout ça ? Elle s’est faite bien discrète durant le repas aussi. Rhys était un peu triste. Il m’a dit qu’elle semblait préoccuper par quelque chose. » Peut-être que ça l’impacte aussi, les disputes récentes de ses parents. Ou bien même la venue de Jethro. Surtout pour une adolescente de son âge. Ça ne devait pas être facile du tout la cohabitation. « Je crois que Rhys veut lui changer les idées. » Winnie hausse les épaules en s’encerclant de ses bras. « Mais pour ça, il lui faut ton autorisation je crois bien. » Et elle laisse échapper un petit rire amusée, sincère.

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Charlie étouffa un rire dans son café en entendant Winnie s’offusquer qu’il ne puisse pas prendre le moindre jour de congé, comme si c’était lui qui refusait par pur orgueil alors que c’était bel et bien pour rendre service à l’hôpital. Elle qui avait fait l’armée devait pourtant bien être au courant de l’état du système de santé de leur pays, il voyait tous les jours des patients obligés d’attendre plus de six mois pour une consultation faute de médecin disponible. « Je suis pas le seul mais on est jamais assez et tu le sais bien. » Il leva les yeux au ciel mais lança un petit sourire amusé à sa cousine, il avait l’impression qu’aujourd’hui il ne pourrait rien faire d’assez bien à ses yeux et même s’il ne savait pas pourquoi il avait décidé de ne pas laisser ça l’agacer. Le fait de pouvoir manger des viennoiseries l’aidait d’ailleurs à garder une humeur un peu plus joviale que s’il avait eu le ventre vide. Il haussa les épaules en l’entendant expliquer que tout le monde avait ressenti le malaise dimanche dernier, il ne savait pas trop quoi répondre à ça. Il se permit juste de lancer un « Heureusement que t’es là alors. » d’un ton sarcastique. Oui, elle était toujours là pour mettre les pieds dans le plat, pour forcer tout le monde à parler des sujets qu’ils ne voulaient pas aborder, aujourd’hui c’était lui qui en était victime mais il savait que c’était une habitude bien à elle. Lui préférait garder les sujets difficiles enfouis au fond de lui, il avait toujours trouvé ça plus facile à gérer et il n’appréciait généralement pas que Winnie essaye de lui tirer les vers du nez. « J’y penserais. » Répondit-il d’un ton laconique tout en sachant très bien qu’il ne le ferait pas, c’était sa façon à lui de clôturer le sujet, d’ailleurs Winnie semblait avoir eu la même idée en tête puisqu’elle demanda des nouvelles de sa petite cousine. Il haussa à nouveau les épaules, il n’avait pas envie de dévoiler les histoires de sa fille à sa cousine, quelque chose lui disait qu’elle aurait encore trouvé de quoi faire des commentaires désobligeant s’il lui avait dit qu’elle semblait avoir le béguin pour Jethro. C’était déjà assez compliqué et gênant comme ça, et Aaliyah elle-même n’aurait sûrement pas apprécié. « Parce que tu crois qu’elle me raconte ses problèmes ? » Répondit-il d’un ton amusé, de toute façon elle devait probablement avoir d’autres soucis que ça dans sa vie, il n’avait pas tort sur ce point. Elle avait passé l’âge de tout lui dire depuis un moment. « Arrête de dire des bêtises, tu sais très bien qu’il passe quand il veut. Ça fera plaisir à Aaliyah de voir son grand cousin je pense. » Il n’avait pas besoin d’attendre une quelconque permission et à vrai dire Charlie avait même du mal à comprendre d’où venait cette blague de la part de sa cousine. Peut-être qu’il avait raté quelque chose, ça n’aurait pas été une première après tout. Il termina sa viennoiserie et s’essuya les mains comme il put avant de terminer son café. « Peut-être qu’elle pourrait en discuter avec lui, c’est une bonne idée. Elle arrive à un âge où elle veut que ses parents en sachent le moins possible sur sa vie privée. » Il soupira, il avait toujours du mal à l’accepter ça, mais il savait bien que c’était naturel, qu’il avait fait la même chose à ses parents à l’époque. C’était juste une pilule dure à avaler, sa fille il y tenait comme à la prunelle de ses yeux et lâcher le contrôle n’avait jamais fait partie de ses spécialités.

Winnie sent que Charlie arrive à la limite de ses remarques désagréables. Elle ne prend pas de pincettes, il est vrai, mais au moins, elle sait qu’elle est la seule à avoir un minimum d’honnêteté avec lui. La seule à lui parler franchement dans cette famille. Ça l’a toujours été, même si, c’est déstabilisant parfois. Elle est franche Winnie, elle ne prend pas de détour, elle n’y arrive pas. Adolescente, elle avait au moins l’excuse d’aimer faire de grands discours sur les choses où elle n’arrivait pas à mettre des mots ; se sentant obligée de détailler au maximum pour qu’on la comprenne. Maintenant, c’est différent. Il existe des exceptions avec qui elle continue de faire de longues tirades, mais elle s’abstient, la plupart du temps. Elle acquiesce simplement en voyant qu’il la suit, lorsqu’elle change de sujet. Sans doute plus prudent de procéder ainsi. « Je ne sais pas Charlie, c’est quand même ta fille ! Surement l’adolescence qui la travaille, va savoir. » Elle hausse les épaules, un peu parce qu’elle s’en moque, mais surtout parce qu’elle comprend qu’il vient de se refermer totalement. Peu importe le sujet à dire vrai. « Je crois que Rhys te craint. Ça ne lui ressemble pas mais il devient plus respectueux avec l’âge. Lui aussi a tellement grandi tu sais ? » Cette fois, elle rit doucement en laissant s’échapper un soupir las à la fin. Rhys avait grandi si vite, le temps passait et filait à toute allure. Elle n’osait pas songer au fait qu’un jour, elle aurait un enfant, qu’elle voudrait garder longtemps petit, près d’elle. Même si Winnie n’est pas encore prête pour ça, l’idée demeure quelque part, dans un coin de son esprit. Stairs et Rosie se l’étaient promis, qu’un jour, ils en auraient. Ils ont même songé aux prénoms si c’était une fille ou un garçon. L’envie est morte avec son abandon, cruellement, douloureusement, persuadée au fond d’elle qu’elle ne pourra jamais connaître ça. « Rhys m’a dit qu’ils en discutaient souvent tous les deux. Je pense qu’elle n’ose pas parce que c’est une adolescente et comme vous êtes ses parents, c’est délicat ? Ce que je peux comprendre. » Elle se reprend, douloureusement. Le souvenir fugace de son adolescence la brise un peu et son bras gauche se met à trembler. Une crise, encore. Même si son cousin est médecin, la jeune femme préfère éviter qu’il sache. Ewan reste le seul à savoir et cela lui suffit amplement. Après tout, personne ne s’est jamais réellement intéressé dans sa famille, à savoir comment c’était l’armée, si elle s’en sort, si ça va. Juste savoir si ça va. Non, jamais. Et parfois, Winnie leur en veut de ne même pas y faire attention, alors qu’elle cache ça derrière un simple sourire, de simples remarques piquantes. Sa façon à elle de faire comme si tout allait bien, alors que, finalement, rien ne va vraiment. « Je vais y aller de toute façon. L’heure tourne et je ne vais pas tarder à ouvrir le cabinet ! Hazel va encore me tuer si j’arrive en retard ! » Elle se lève pour prendre ses affaires et son sac sur l’épaule, fuyant un peu le regard de Charlie. Plus par tristesse que par peur avec un faux sourire collé au visage. « Je passerais le message à Rhys et garde les viennoiseries ! Je t’en ramènerai d’autres mercredi prochain, promis. En attendant… prends soin de toi Charlie. » Qu’elle fait sincère, avant de disparaître.

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