Death is the easy part.

Assis sur le lit, la jambe prise de spasmes réguliers, Finneas fixait le mur. Ses doigts, crispés, se fermaient et s’ouvraient sur le bout de papier plastifié qui emprisonnait son poignet. Un malaise. Un simple malaise et il se retrouvait ici, à l’hôpital. Un simple contrôle, pour s’assurer que tout allait bien. Ses lèvres s’étirèrent en un mince sourire moqueur. Là était tout l’absurde de la situation : Rien n’allait bien. Sinon, il ne se serait pas retrouvé à terre, entre deux fauteuils, alors qu’il nettoyait quelques pop-corn égarés. Sinon, il ne serait pas retrouvé dans cette chambre, à attendre des résultats qu’il savait de toute façon peu réjouissants. Et puis, un mois qu’il était employé du cinéma et déjà un brancard s’était invité sur son lieu de travail. Quelle image cela donnait de lui à  ses collègues ? Ses poings venaient de se fermés, et ses sourcils s’étaient froncés. Une perte de temps. Tout cela n’était qu’une perte de temps. Des heures qui s’envolaient, sans but. Des heures qui mourraient, dans l’ennui et dans l’attente. Des heures qui s’échappaient de ses mains closes, et qu’il voyait filer dans les airs, incapable de les arrêter. Des heures, des grains de poussière dans toute une vie, disaient les ignorants. Mais des grains de poussières qui remplissaient toujours plus un sablier bien trop petit.

Finalement l’infirmier s’était représenté à lui, une enveloppe bleutée entre les doigts qu’il tendit en direction du patient. Finneas s’en saisit, le remercia, et quitta la petite salle, radios et ordonnances sous le bras. Son temps ici était fini, et il ne lui restait plus qu’à signer son autorisation de sortie pour retrouver la jungle de Brighton et saisir le premier bus en direction de Donwell. Une demi-heure, peut-être un peu plus avec le trafic, et il serait chez lui. Une journée de perdue qui voyait une fin un peu plus réjouissante que les murs trop blancs de ce lieu maudit. Un plan se dessinait déjà dans sa tête quant à la manière dont il occuperait le reste de l’après-midi, efficacement. Un plan qui s’évanouit lorsque ses iris croisèrent une silhouette trop familière au détour d’un couloir. Charlie Fischer. Trente-neuf ans, bientôt quarante. Médecin. La silhouette collait parfaitement avec l’environnement et pourtant elle s’annonçait à lui comme une erreur. Quelque chose n’allait pas, chez lui aussi. A croire que la vie s’était montrée un peu trop généreuse aujourd’hui. Et sans qu’il ne s’en rende complètement compte, ses pas s’étaient accordés sur la trajectoire de l’homme, gardant toute fois une distance plus que raisonnable avec ce dernier. Il avait disparu derrière une porte non fermée. Une salle d’attente, comme il y en avait des tas. Des chaises, vides, si ce n’est celle que le docteur occupait. Toujours à l’extérieur, hors de portée, il le fixait. Avec ses propres informations, il cherchait à analyser la scène qui se déroulait devant lui. Supposant le meilleur, mais surtout le pire.

Était-il là pour sa femme ? Pour sa fille ? Pour lui-même ? Une curiosité apparentée au voyeurisme s’était emparée de lui. Une lueur nouvelle était venue teinter le fond de ses pupilles trop ternes. Décidément, l’homme trouvait toujours une nouvelle façon de le surprendre, quelque chose pour attiser son attention, pour nourrir son imagination. Était-ce égoïste de se nourrir ainsi, du malheur des gens ? Certainement, et pourtant il y avait cette frontière purement fictive sur laquelle Finneas se basait qui lui soufflait que non, il ne faisait rien de mal. Il posait des questions, ou plutôt il créait des situations qui appelaient des réponses. Rien de plus.
Les bras maintenant croisés, il ne s’était pas avancé toute fois, préférant laisser au médecin le confort du vide. A sa place, il restait dans l’entrebâillement de la porte, son épaule épousant le pourtour de l’entrée, l’observant, silencieux. Positionné ainsi, il lui faisait presque barrière, coupant la possibilité de toute fuite si l’idée venait effleurer l’esprit du médecin.  Était-ce de l’inquiétude qu’il percevait dans son attitude ? De l’impatience ? De la fatigue ? De la lassitude ? Dernière inspiration, alors qu’il s’apprêtait à rompre le calme trop religieux de l’endroit, pour se révéler à l’autre. « Tu t’es trompé, doc’. Votre salle de pause, ce n’est pas ici. » Le ton était enjoué et pourtant son visage restait fermé. Il ne souriait pas, comme s’il se doutait que la présence du docteur Fischer dans ce coin de l’hôpital n’était ni une erreur, ni une bonne chose. Comme s’il sentait que le moindre rictus apparaîtrait comme déplacé.

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Charlie attendait encore inlassablement des nouvelles de Jade, de sa future ex-femme comme il ne pouvait s'empêcher de l'appeler désormais quand il pensait à elle, parce que de toute évidence il aimait se faire du mal mais aussi parce que ça l'aidait à réaliser et à assumer la décision qu'ils avaient prise. Ou plutôt qu'il avait prise. Il n'arrivait pas à oublier que Jade avait été prête à se battre, tout du moins en apparence, et ce sentiment ne l'aidait absolument pas à se sentir moins coupable. Est-ce qu'elle allait le jeter sous le bus quand il serait temps d'en parler à Aaliyah ? Est-ce qu'elle lui dirait qu'elle avait tout fait pour sauver leur mariage et que c'était lui qui avait baissé les bras ? Il n'avait pas le cœur d'y penser et pourtant c'était les seules pensées qui traversaient son esprit, toute la journée, dès qu'il n'était pas activement en train de s'occuper à faire autre chose. Aujourd'hui il était presque soulagé de devoir aller à l'hôpital pour poursuivre sa chimiothérapie et passer quelques examens pour vérifier son état. Il avait pris la voiture pour aller jusqu'à Brighton et avait salué poliment les collègues qu'il avait reconnus dans les couloirs, se souvenant de ce que Lily lui avait avoué quand ils en avaient discuté et se sentant soulagé que tout le monde ne soit pas encore au courant des raisons de son congé sabbatique. Il alla ensuite saluer Callum et discuta de tout et n'importe quoi pendant qu'il le laissait l'emmener vers tel ou tel service pour compléter les examens de routine. On lui avait ensuite posé l'intraveineuse habituelle dès qu'il venait suivre son traitement à l'hôpital et Charlie avait tenté de lire un peu en attendant de pouvoir rentrer chez lui. Les sessions n'étaient généralement pas longues, maximum une heure, mais il se sentait toujours exténué après, sans compter les nausées qui le prenaient quasi-systématiquement. Alors une fois la perfusion retirée au lieu de grimper dans sa voiture et de rentrer chez lui, il alla s'installer dans la première salle d'attente qu'il croisa. Il salua la réceptionniste rapidement, qui avait fini par prendre l'habitude de le voir s'installer ici, avant d'aller s'asseoir sur l'un des sièges. Il ferma les yeux brièvement pour essayer de faire passer la nausée et se laissa absorber par ses pensées, essayant de donner du sens à tout ce qui était en train de se passer dans sa vie. Il fut finalement interrompu par une voix qui ne lui était que trop familière. Il releva les yeux vers Finneas, fronçant les sourcils. « Ah vraiment ? Merde alors, heureusement que vous êtes là pour me le faire remarquer. » Répondit-il, son ton clairement ironique et légèrement agacé, son humeur n'était pas aidée par le contrecoup de sa chimiothérapie. Il passa une main sur son visage pour essayer de remettre de l'ordre dans ses idées. « Je ne pensais plus vous recroiser ici. » Commenta-t-il un peu plus doucement, un mélange de surprise et d'espoir audible dans sa voix. Il baissa les yeux sur les radios et différents résultats d'examen posés sous le bras de Finneas et perdit quasiment aussitôt le peu d'espoir qu'il avait eu. « Je suppose que vous n'avez pas changé d'avis et que vous n'êtes pas là pour tenter le nouveau traitement dont on avait parlé ? » Demanda-t-il en désignant les fameux dossiers d'un geste du menton. Il avait souvent essayé de comprendre sa décision, et à quelques moments il avait cru en comprendre au moins une partie, mais il n'avait jamais totalement réussi à l'accepter. C'était plus fort que lui, il avait envie de sauver tout le monde.