learn my lesson (jethro)

---

Si Jade pensait que Charlie avait été distant ces derniers mois, ce n’était rien en comparaison de la distance qu’il avait mis entre eux depuis quelques jours. Il était allé boire une bière avec Jethro la semaine dernière et depuis il passait encore plus de temps à l’hôpital que d’habitude, essayant à tout pris d’éviter son beau-frère. Par je-ne-sais quel miracle il ne semblait pas avoir parlé de leur arrêt sur le bord de la route à sa sœur, mais Charlie était persuadé que ce n’était que pour mieux le torturer plus tard. Il avait l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête en permanence. A chaque fois qu’il recevait un appel ou un texto de sa femme il se préparait au pire, à la confrontation, mais à chaque fois ce n’était qu’une discussion anodine. Il n’en pouvait déjà plus, il n’avait pas réussi à bien dormir depuis ce soir là et il sentait son estomac se nouer dès qu’il croisait le regard de sa femme. Elle lui souriait, comme à son habitude, elle semblait continuer à vivre sa vie comme si rien n’était arrivé, mais Charlie lui avait l’impression que la sienne avait basculé. Il ne se reconnaissait plus. Il avait intensifié un peu ses traitements à l’hôpital, insistant pour faire plus de séances de chimio que de prise de médicaments quand il le pouvait, réussissant à se convaincre qu’il faisait une bonne action en sacrifiant ainsi son temps et son énergie. Plus vite il aurait réussi à réduire la tumeur et plus vite il pourrait se faire opérer. Plus vite il pourrait se faire opérer et plus vite il pourrait reprendre le cours de sa vie, là où elle s’était arrêtée quand on l’avait diagnostiqué. Quand sa vie avait commencé à partir en vrille en somme. Il sursautait constamment quand il était à la maison, essayait de prédire les mouvements de Jethro pour éviter de le croiser. C’était comme ça que tout avait commencé, il avait été en train de lire un bouquin sur le canapé et l’instant d’après il était en train de l’embrasser sur le bord de la route. Plus il y repensait et plus cette soirée lui paraissait totalement surréaliste. Il était incapable d’expliquer exactement comment il en était arrivé là. Il avait bu, mais pas assez pour justifier de faire n’importe quoi comme ça. Il s’était laissé embarquer dans le délire de Jethro, il avait juste fait ça par curiosité, par orgueil, par ennui. Toutes les excuses étaient bonnes pour ne pas devoir avouer qu’il l’avait fait pour une raison beaucoup plus simple que ça : parce qu’il en avait eu envie. Mais il avait beau faire de son mieux pour éviter de recroiser Jethro il savait que ça ne pouvait pas durer éternellement. Jade n’était pas prête à le foutre à la porte, loin de là même, et même lui commençait à se demander si c’était une si bonne idée. Il ne pouvait plus franchement le menacer, pas alors qu'il pouvait faire imploser son mariage au moindre mot de travers. Il n’y avait pas à dire, il avait vraiment merdé. Il avait passé la nuit dernière à travailler et son patron avait fini par le renvoyer de force chez lui pour qu’il puisse se reposer. Il avait insisté pour prendre un lit dans la salle de repos, prétextant qu’on pourrait avoir besoin de lui – l’hôpital n’avait pas assez de personnel médical donc il avait cru pendant un instant que ça suffirait à le convaincre – mais il n’avait rien voulu entendre. Charlie n’avait jamais mis autant de temps pour faire le retour de Brighton dans toute sa vie. Il savait qu’il y avait toutes les chances pour que Jethro soit chez eux. Aaliyah serait à l’école, Jade au boulot. Ça lui rappelait de mauvais souvenirs. Il rentra dans la maison le plus discrètement possible. Pas un bruit, peut-être que Jethro n’était pas là. Le soulagement fut immédiat et il décida de se réfugier dans le jardin, un endroit où il n’allait quasiment jamais. Les températures avaient commencé à remonter mais pas assez pour encore réellement profiter de l’extérieur. Il se figea en arrivant dehors, bien sûr, Jethro était là. Il essaya de faire demi-tour discrètement mais de toute évidence son beau-frère l’avait déjà vu.

throwback wednesday:

---

Il avait choisi de sortir parce que c’était de toute la maison là où l’on risquait le moins de le trouver, parce qu’il avait pensé peut-être faire une sieste sur l’un de leurs transat, parce qu’il avait grand besoin d’une cigarette, mais surtout, surtout parce qu’il ne s’était pas attendu à y trouver Jethro. Autant dire que son super plan était très vite tombé à l’eau et il serra les dents malgré lui en voyant le sourire affiché par son beau-frère. Non pas qu’il était énervé, juste extrêmement mal à l’aise, comme rarement il l’avait été même. Il esquiva aussitôt son regard et haussa les épaules, ne sachant pas trop si sa meilleure option était de battre en retraite sans la moindre subtilité, de rester planté là jusqu’à ce que Jethro se lasse de sa présence ou bien de répondre le plus poliment du monde, comme si de rien n’était. « Je suis de repos. » Répondit-il finalement en toute simplicité, se gardant bien de lui expliquer que son patron l’avait forcé à rentrer chez lui. Sa fierté lui dictait de faire semblant autant qu’il le pouvait, de ne pas lui montrer à quel point il n’avait pas envie d’être en sa présence, au quand bien même il savait que ce serait inutile. C’était de toute façon probablement la meilleure stratégie à adopter, il ne devait pas se le mettre totalement à dos s’il ne voulait pas qu’il aille révéler « leur petit secret » à Jade. De savoir que Jethro avait un moyen de pression aussi énorme sur lui ne lui plaisait, mais alors pas du tout et son instinct lui disait de fuir, de ne pas se laisser embarquer dans le prochain jeu de son beau-frère. Qui sait ce qu’il avait désormais en tête ? Il devait s’ennuyer ici et Charlie commençait à comprendre qu’il était devenu sa distraction préférée. Cette réalisation ne lui faisait pas franchement plaisir, elle n’était pas très flatteuse, même s’il savait qu’il aurait dû s’en foutre. Il sursauta malgré lui en sentant la main de Jethro sur ses fesses et ferma les yeux, c’était tellement humiliant pour lui, il avait l’impression de ne rien pouvoir dire sans risquer de foutre en l’air toute sa vie. Pour au moins la centième fois depuis la semaine passée, il se maudit d’avoir été aussi con au bar et sur le chemin du retour. Il sentait qu’il allait le regretter toute sa vie. Il fut soulagé l’espace d’un instant en voyant Jethro rentrer dans la maison, mais ce sentiment fut de très courte durée. Bien loin de s’en aller il était allé lui chercher une chaise et il la plaça à côté de la sienne. Charlie leva les yeux au ciel sans même s’en rendre compte, bien sûr qu’il avait sorti les chaises de la cuisine au lieu de se servir de celles qui étaient dans la cabane au fond du jardin et qui étaient faites pour ça. Il se rapprocha des chaises et attrapa celle que Jethro venait de ramener pour l’éloigner, juste histoire de garder une distance de sécurité. Il ne s’y assit pourtant même pas et sortit à la place un paquet de cigarette de sa poche. Le même que le jour où ils étaient allés à Brighton. Il glissa une cigarette entre ses lèvres et rangea le paquet. « Je ne vais pas te déranger longtemps, je voulais juste prendre l’air cinq minutes. » Expliqua-t-il avant d’allumer sa cigarette. Il avait une drôle de façon de prendre l’air, mais maintenant qu’il avait vu que Jethro était là il ne comptait pas s’éterniser. Il n’avait pourtant pas pu se résoudre à rentrer aussitôt, il avait trop besoin d’une clope. Sans compter qu’il supposait que Jethro n’aurait pas hésité une seule seconde à le poursuivre. Il s'éloigna encore, marchant sans but vers le fond du jardin, ça lui permettrait de tourner le dos à son beau-frère au lieu de devoir affronter son regard.

---

Charlie préférait ne pas répondre, sachant très bien qu’il cherchait juste à le faire réagir, à l’engager dans une discussion. C’était comme ça que ses problèmes avaient commencé la dernière fois. Il ne dit donc rien en entendant la provocation de Jethro, ignorant la moquerie, oui il comptait bien fuir, et il s’en était même assez bien sorti jusqu’à présent, merci bien. Il savait que ça ne pouvait pas durer éternellement et il savait aussi que ce n’était pas franchement mature de sa part, mais quand il avait essayé de faire des efforts et de prendre sur lui pour supporter Jethro la dernière fois ça avait plutôt mal tourné. Il avait peur que ça se retourne encore contre lui. De toute façon il ne pouvait pas vraiment discuter avec lui, persuadé que son beau-frère voulait juste s’amuser avec lui, s’amuser à lui scier les nerfs et à le faire tourner en bourrique. Il en avait bien la preuve à la façon dont il avait décidé d’agir à l’instant présent. Charlie s’était figé subitement en sentant la main de Jethro dans la poche de son jean, il faisait un peu trop comme chez lui à son goût là. Il le savait pourtant qu’il le faisait juste pour le pousser à réagir, à dire quelque chose, et malheureusement pour le médecin ça avait l’air de continuer à marcher, malgré ses résolutions. « Te gêne pas surtout. » Lâcha-t-il d’un ton sec avant d’avoir pu s’en empêcher. Qu’est-ce qu’il venait de dire ? Qu’il ne fallait pas répondre, pas rentrer dans son jeu, et surtout ne pas se le mettre à dos. Et qu’est-ce qu’il faisait à la place ? Tout l’inverse bien entendu ! Il se mordit la lèvre, comme pour essayer de s’empêcher de l’ouvrir à nouveau. Il n’allait jamais s’en sortir s’il n’était même pas capable de ne pas répondre à une provocation aussi basse. Il se tourna à nouveau vers Jethro quand ce dernier lui demanda d’allumer sa cigarette. Il croisa son regard l’espace d’une seconde et le détourna aussitôt. Non, il n’y avait pas à dire, c’était toujours extrêmement gênant pour lui comme situation et il n’était pas sûr de pouvoir un jour à nouveau le regarder dans les yeux. Il ressortit son briquet et le tendit à Jethro, se forçant à regarder ailleurs, faisant semblant d’admirer le cerisier des voisins. Ah tiens ? Des fleurs commençaient à y bourgeonner, c’était passionnant, vraiment. Il savait que Jethro essayait de le forcer à garder son attention sur lui, il était comme un gamin en constant manque d’affection, à se rouler par terre juste pour recevoir l’attention de sa famille. Il avait juste choisi une approche légèrement différente. « Tiens. » Dit-il sobrement pour lui faire comprendre qu’il ne comptait pas rentrer dans son jeu cette fois-ci et que s’il tenait vraiment à s’allumer une clope il était assez grand pour le faire lui-même. Il tira longuement sur la sienne, il en avait rêvé toute la journée mais la présence de Jethro à ses côtés avait tendance à gâcher ce moment qui aurait dû être relaxant. Là c’était tout l’inverse, il avait l’impression de ne pas avoir été aussi tendu depuis des années. Ou en tout cas pas depuis le chemin du retour de l’autre fois. Il fallait qu’il arrête d’y penser, peut-être que s’il n’y pensait plus il finirait par oublier complètement. C’était naïf, il le savait, il avait l’impression d’agir comme Jade, à refuser de voir la vérité en face, à refuser d’avoir une discussion difficile mais nécessaire. Cette réalisation le piqua au vif, il avait beau reprocher à sa femme de ne pas vouloir parler de la fausse couche et d’être aveuglé sur le sujet Jethro, lui n’était pas mieux. Il aurait dû tenter de crever l’abcès au lieu de foutre la tête dans le sable. Il se tourna finalement à nouveau vers son beau-frère, ouvrant la bouche pour poser une question sans qu’aucun son ne réussisse pourtant à en sortir. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’il n’avait rien dit ? C’était ça que Charlie voulait savoir, même s’il avait déjà une petite idée de la réponse. Mais il n’osait pas demander, alors il referma la bouche, se sentant encore plus con qu’avant. Il écrasa sa cigarette dans l’herbe et se dirigea vers la maison. Il s’arrêta cependant quelques mètres plus loin, partagé entre sa fierté qui lui ordonnait de poursuivre son chemin et sa curiosité. La dernière finit par l’emporter, mais ce fut à contrecœur qu’il demanda : « Pourquoi tu lui as pas dit ? » Il avait posé la question presque timidement, sa voix manquant clairement d’assurance, comme s’il avait déjà peur à l’idée d’entendre la réponse. Il s’était tourné mais regardait obstinément le sol à côté de Jethro au lieu d’affronter son regard.

---

Charlie était probablement en train de vivre les moments les plus gênants de sa vie, sur sa liste de trucs dont il avait honte avoir embrassé son beau-frère était bien plus haut que toutes les autres conneries qu’il avait pu faire quand il était plus jeune. Il aurait aimé que cette situation n’amuse pas autant Jethro, mais bien sûr ça aurait été trop lui en demander, et de toute façon le médecin était persuadé qu’il ne méritait pas mieux. Il avait déconné, et même si son beau-frère n’était pas non plus blanc comme neige dans l’histoire c’était quand même moins pire. Il aurait pu rire de la réponse de Jethro si le simple fait d’avoir cette conversation ne lui avait pas autant retourné l’estomac. Mais non, décidément, il n’avait pas envie de rire, et il espérait que Jethro n’allait pas faire semblant de ne pas comprendre, juste pour le forcer à expliciter ses propos. Dieu sait qu’il en aurait été capable, juste pour l’emmerder. Heureusement il reprit son sérieux assez vite, presque à la surprise de Charlie. Avec un peu de chance ils allaient pouvoir en discuter comme deux adultes et l’histoire serait pliée en moins de cinq minutes. Il pouvait toujours rêver, mais de toute façon il ne lui restait plus que ça. Il laissa échapper un petit soupir amusé, se demandant si Jethro ne sous-estimait pas un peu l’amour que lui portait sa grande sœur. Et son aveuglement surtout. Que lui finisse à la porte, ça il n’en doutait pas, mais Jethro ? Elle aurait été capable de lui pardonner. Peut-être ? Il n’en savait rien après tout, et il espérait sincèrement ne jamais avoir le fin mot de l’histoire. Il hocha la tête, laissant Jethro finir de dire ce qu’il avait à dire. Rien à y gagner, ça dépendait. Comment est-ce que Charlie était censé le savoir ça ? Il ne comprenait pas franchement ce qu’il avait eu à y gagner non plus à le chercher comme ça et ça ne l’avait pas empêché de le faire. Il l’aurait cru capable de tout pourvu que ça l’amuse un tant soit peu, mais peut-être que l’idée de détruire le mariage de sa sœur ne l’amusait pas. Alors pourquoi est-ce qu’il se donnait autant de peine pour le draguer ? Charlie enfouit ses mains dans ses poches, se forçant à relever les yeux vers Jethro quand il lui demanda pourquoi lui n’avait rien dit. C’était une très bonne question, il n’en savait rien. Il avait tellement pris l’habitude de ne plus parler de rien avec Jade que l’idée ne lui avait même pas traversé l’esprit. Il n’avait pas totalement tort pourtant, la culpabilité était en train de le ronger petit à petit et il aurait très bien pu aller lui en parler, assumer et en subir les conséquences au lieu de se torturer comme ça. Il aurait même pu en profiter pour lui annoncer qu’il avait le cancer tiens, comme ça il n’aurait plus rien eu à lui cacher. « Je sais pas. » Répondit-il de manière totalement candide, se rendant compte qu’il était stupide de ne pas y avoir réfléchi avant. On aurait dit que c’était devenu une seconde nature pour lui de mentir à sa femme. Mais non, maintenant qu’il y pensait l’idée d’aller tout lui dire… C’était impensable. Il avait trop honte, il ne voulait pas attirer d’ennuis à Jethro, il ne voulait pas détruire son mariage s’il y avait encore une chance qu’elle n’apprenne rien. Tout ça, c’étaient les excuses qui lui venaient en tête quand il se demandait pourquoi il avait choisi de ne rien dire, mais une autre raison, une qu’il ne voulait pas admettre, l’empêchait aussi d’être honnête. Quelque part, c’était leur petit secret, et il ne se sentait pas prêt à le partager. C’était sa connerie à lui, rien qu’à lui, celle qui l’avait fait se sentir plus vivant qu’il ne l’avait été depuis des années. Il ne voulait pas détruire ça, bien au contraire même, il avait envie de continuer, de voir jusqu’où il pourrait foutre sa vie en l’air avant que quelqu’un ne s’en aperçoive. En tout cas il n’aimait pas le regard critique que Jethro posait sur lui, il était vraiment en train de le juger là ? Il pouvait supporter ça de la part de quelqu’un d’autre, mais pas de la sienne. « Je vois pas comment tu peux faire comme si de rien n’était comme ça. » Il avait baissé la voix, comme par peur que les voisins ne les entendent, mais son ton était réprobateur cette fois-ci. Comme si l’attitude de Jethro était ce qui l’énervait vraiment, comme si c'était ça qui l'empêchait de dormir la nuit.

---

Charlie ressentait le besoin de passer ses nerfs, et malheureusement pour Jethro il était la cible idéale. Parce qu’il était en partie responsable de ses problèmes déjà, et parce qu’il donnait l’impression de vouloir en rajouter une couche en plus. Et puis s’énerver c’était toujours plus facile que de laisser la culpabilité le ronger ou que de réfléchir à pourquoi il était en train de ressentir ce qu’il ressentait. C’était le meilleur moyen qu’il avait trouvé pour éviter de se poser toutes les questions qu’il n’avait pas envie de se poser. Jethro, par contre, ne semblait pas d’humeur à se battre, il avait l’air de prendre sa question avec autant de nonchalance que d’habitude. N’y avait-il donc rien qui soit capable de le faire réagir ? De le faire culpabiliser ? Charlie avait envie de lui hurler que, oui, c’était exactement ce qu’il voulait qu’il fasse. Qu’il panique, qu’il culpabilise, qu’il arrête de faire comme si tout était parfaitement normal, comme si ça avait été parfaitement anodin ! Il se souvenait assez de l’énervement qu’il avait ressenti avant de le forcer à s’arrêter sur le bord de la route, il ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il en avait quelque chose à foutre, même s’il s’efforçait de le cacher. Mais Charlie lui il avait envie qu’on l’accompagne dans sa descente aux enfers, il avait envie d’un compagnon de jeu dans sa spirale de la honte, il avait envie que Jethro ravale sa fierté et pète au moins un tout petit peu un câble. Pas autant que Charlie, non, juste un peu. C’était vraiment tant demander que ça ? Visiblement oui au vu de la réaction de son beau-frère. Charlie lâcha un soupir et sortit les mains de ses poches pour venir se frotter le visage. C’était peine perdu, il ne savait même pas pourquoi il avait lancé cette conversation. Il aurait mieux fait de continuer à jouer l’autruche et d’aller s’enfermer dans sa chambre tiens. Mais quelque part, il pouvait comprendre que ça n’ait pas autant d’effet sur Jethro. Ce n’était pas aussi grave pour lui, il n’était pas marié et contrairement à Charlie – en tout cas il ne pouvait que le supposer – il ne s’était pas imaginé hétéro jusqu’à très récemment. Sans compter qu’il avait un peu raison dans le fond, ce n’était qu’un baiser. Assez pour forcer Charlie à remettre l’entièreté de sa vie adulte en question, mais ça aurait pu être pire. Dans le genre tromperie ça restait assez innocent. C’était normal que ça ne l’affecte pas autant, et il avait presque réussi à convaincre Charlie que c’était sa réaction qui était démesurée. Seulement il ne put s’empêcher de poursuivre et d’en rajouter, encore une fois. Le médecin fronça les sourcils, son énervement à présent loin derrière lui. Ah vraiment ? Il n’avait pas eu l’impression d’être si mauvais que ça sur le moment pourtant, et il avait comme l’impression que Jethro disait ça uniquement pour le vexer. Il l’était, un peu, il n’allait pas mentir. Une petite partie de lui ne pouvait s’empêcher de se dire que c’était peut-être vrai, après tout, ce n’était pas comme s’il avait beaucoup d’autres références masculines pour contredire les dires de Jethro. Mais si son beau-frère avait juste dit ça pour le faire réagir, il avait raté son coup. Oublier ? Il ne rêvait que de ça, du moins c’était qu’il se forçait à croire. Il n’allait pas laisser passer une occasion comme celle-là ! « Ah mais je ne demande pas mieux ! » Lança-t-il comme si c'était ce qu'il avait rêvé d'entendre depuis le début. « Oublie, c’est parfait. Je vais faire pareil de mon côté et on aura plus jamais besoin d’en reparler. » Très franchement cette option était particulièrement tentante. Une petite voix dans sa tête avait beau lui répéter qu’il ne saurait pas s’en satisfaire, qu’il n’avait pas envie d’oublier, de faire comme si rien ne s’était passé, il ne voulait pas l’écouter. Oublier ? Mais c’était parfait, il allait pouvoir reprendre sa vie là où il l’avait laissée, dès qu'il aurait réussi à faire taire sa culpabilité. Mais quelque chose lui disait que si Jethro laissait vraiment tomber le sujet ça allait finir par arriver, il serait capable de se pardonner. Il doutait cependant sincèrement que Jethro soit capable de ne jamais s’en resservir contre lui, mais il s’en occuperait le moment venu. Il haussa les épaules et fit demi-tour pour rentrer dans la maison, se sentant déjà un peu plus léger. Peut-être qu’il avait bien fait de lui en parler tout compte fait.

---

Charlie n’avait pas réellement cru que Jethro allait lui foutre la paix et laisser tomber, mais il ne s’était pas non plus imaginé qu’il réagirait aussi… violemment. Il avait pensé que ça le ferait sourire et qu’il reviendrait peut-être à l’assaut quand il commencerait à vraiment se faire chier, ou quand il aurait besoin de quelque chose venant de lui. Il ne s’était en aucun cas attendu à ce que la réponse soit aussi immédiate. Il l’avait entendu arriver dans son dos mais avait quand même été surpris en sentant sa main se resserrer sur son bras et il se laissa faire, ne tardant pas à se retrouver de nouveau face à son beau-frère. Il avait l’air énervé, à peu près autant que la semaine dernière en rentrant de Brighton. Ce n’était pas bon signe, ça rappelait à Charlie de mauvais – ou très bons – souvenirs. Il n’y comprenait plus rien. Il avait bien supposé que Jethro avait dit ça juste pour le vexer ou le faire réagir, mais il ne s’était vraiment pas attendu à ce que ça le touche autant. Clairement c’était son égo à lui qui en avait pris un coup et Charlie se sentait presque désolé pour lui d’avoir réagi comme ça. Il n’avait même pas cherché à l’énerver ou à le vexer pour une fois, il avait juste sauté sur l’opportunité qui lui était offerte d’alléger un peu la culpabilité qu’il ressentait. Mais une petite partie de lui ne pouvait s’empêcher d’être soulagé, voire même un peu flatté, de voir la réaction de Jethro. Quelque part, même s’il n’aurait jamais osé l’admettre, il était content qu’il l’ait retenu, que la discussion ne s’arrête pas là, ne serait-ce que parce qu’il n’avait pas envie d’être complètement seul dans le chamboulement qu’il était en train de vivre. Il fronça les sourcils en l’entendant le menacer d’aller hurler ce qui s’était passé dans le jardin et il dégagea violemment son bras de l’étreinte de Jethro. « Tais-toi. » Ordonna-t-il sèchement avant de vérifier à droite et à gauche que personne ne les espionnait. Leurs voisins étaient gentils mais ils avaient aussi tendance à se mêler de ce qui ne les regardaient pas et c’était bien la dernière chose dont Charlie avait besoin : des ragots sur ce qu’il se passait sous le toit des Fischer. Sa vie était assez compliquée comme ça. En tout cas il avait déjà vu Jethro à l’oeuvre, quand il avait décidé de faire une scène il n’y allait pas avec le dos de cuillère, alors autant dire qu’il ne prenait pas la menace à la légère. « Arrête un peu, tu veux quoi à la fin ? C’est toi qui me dit qu’on peut passer à autre chose. » Maintenant qu’il avait bien conscience du fait que ce que Jethro avait dit n’avait été qu’un simple coup de bluff, il était à nouveau agacé. Il avait juste dit ça pour le faire réagir, c’était vraiment un petit merdeux. Sans compter qu’il n’avait pas l’air d’avoir peur d’utiliser leur petite histoire pour le faire chanter. Ça n’avait pas pris bien longtemps en tout cas ! Au moins ce n’était pas surprenant, c’était exactement ce à quoi Charlie s’était attendu quand il avait réalisé les armes qu’il avait données à Jethro. « Et comment ça tu vas pas me laisser m’en tirer comme ça ? Tu attends quoi de moi au juste ? » Il avait peur de savoir ce qu’il avait en tête pour lui, mais de toute évidence il n’avait pas fini de jouer avec lui et avec ses nerfs. En tout cas il n’aimait pas se sentir menacé et il n’avait aucunement l’intention de laisser Jethro se servir de ça contre lui, pas s’il pouvait l’en empêcher. « J’ai pas envie de jouer, si t’as quelque chose à dire, dis-le et vite. »

---

Jethro avait eu l’air de se calmer à peu près aussi rapidement que Charlie s’était énervé, et ça finissait par devenir frustrant. C’était comme si tous ses gestes étaient calculés, comme s’il faisait tout pour le faire sortir de ses gonds. Et le fait qu’il y arrivait à chaque fois n’aidait pas du tout le médecin à le vivre mieux, bien au contraire. Il en avait marre de rentrer dans son jeu, de le laisser contrôler la façon dont les choses se passaient, il avait envie que sa vie reprenne son cours normal. Il avait envie d’oublier que Jethro y était un jour entré. Du moins, c’était le genre de pensées qui lui traversaient l’esprit maintenant qu’il était en colère. Il avait risqué de foutre toute sa vie en l’air pour quasiment rien et il ne faisait absolument pas confiance à Jethro pour garder son secret. Surtout vu le sourire en coin qu’il était en train de lui lancer. Il prenait de toute évidence un malin plaisir à le torturer et Charlie n’aimait pas, mais alors pas ça du tout. Il leva les yeux au ciel, se retenant de lui expliquer en détail à quel point il était loin d’en avoir rien à foutre. Il ne faisait pas exprès de se torturer et de culpabiliser parce que ça l’amusait, loin de là. Mais il ne pensait pas que c’était stupide de sa part de vouloir mettre ça derrière lui et de passer à autre. Ça ne voulait pas dire qu’il s’en fichait ou que ça ne l’avait pas affecté, il pensait que c’était assez évident que ça l’avait bouleversé. Son seul réconfort était de voir que Jethro n’était pas aussi confiant qu’il avait pu l’être dans d’autres circonstances, il ne savait pas si c’était lui qui avait réussi à toucher un point sensible ou à le faire réfléchir, mais il manquait un peu de son insolence habituelle. Du moins il en avait manqué pendant un moment, et ça n’avait pas eu l’air de durer bien longtemps. Son sourire malicieux aux lèvres, il laissa son regard glisser sur les lèvres de Charlie, lui faisant comprendre exactement ce qu’il avait en tête. Charlie sentit le rose lui monter aux joues en sentant son regard perçant sur lui et il ne put empêcher son coeur d’accélérer ses battements. Le stress probablement. Charlie se força à soutenir son regard quand il poursuivit son petit jeu, se surprenant à baisser rapidement les yeux vers les lèvres de Jethro avant de se reprendre et de les remonter pour le regarder en face. Il ne fallait pas qu’il l’encourage ou qu’il lui donne des idées supplémentaires, c’était déjà assez compliqué comme ça comme situation. Il pouvait sentir l’odeur de Jethro et ça ne l’aidait pas à se concentrer, les souvenirs de leur soirée de la semaine passée remontaient sans qu’il puisse y faire quoique ce soit. Heureusement pour lui il n’avait pas bu cette fois-ci et son cerveau était en pleine possession de ses moyens. Assez en tout cas pour lui dicter la conduite raisonnable qu’il était censé avoir. « Alors tu peux tout de suite oublier l’idée. » Répliqua-t-il, se forçant à garder contenance. Il n’était jamais bien à l’aise quand Jethro essayait de le séduire comme ça, et encore moins depuis l’autre fois, il commençait à s’en rendre compte. Il savait de quoi il était capable maintenant, il savait ce qu’il pourrait faire s’il ne faisait pas un peu plus attention. Mais c’était important qu’il soit ferme, qu’il lui fasse comprendre que ça n’arriverait plus. « C’était une connerie. Ce qu’il s’est passé l’autre soir. » Ajouta-t-il, comme s’il se sentait obligé d’expliquer de quoi il parlait, comme si ce n’était pas évident. Il ne pouvait pourtant pas se résoudre à appeler un chat un chat et il aurait probablement préféré se tirer une balle dans le pied que de dire clairement qu’il l’avait embrassé. « J’apprécie que t’ai gardé ça pour toi. Ça n’arrivera plus. » Son ton était devenu de moins en moins ferme et autoritaire au fur et à mesure qu’il parlait, peut-être parce qu’il n’avait pas envie de provoquer Jethro, ou peut-être parce qu’il n’y croyait pas vraiment lui-même. Il fit instinctivement un pas en arrière, comme pour prouver qu’il était sérieux quand il disait que ça n’allait plus arriver, mais aussi pour se protéger. Il ne se faisait pas confiance et plus il le tiendrait écarté, moins il aurait de chance de déraper à nouveau.

---

Charlie n’aimait pas du tout l’attitude de Jethro, quand il n’était pas en train de lui lancer son sourire narquois et provocateur, il tentait de le menacer. Le problème, c’est que ça marchait un peu trop bien. Le médecin avait très bien conscience des moyens de pression qu’il avait sur lui et même si Jethro avait lui même avoué n’avoir rien à gagner à aller tout raconter à sa grande sœur, Charlie n’était pas totalement convaincu. Et il n’était surtout pas sûr d’avoir envie de prendre le risque. Ce dont il était sûr en revanche, c’était qu’il ne se permettrait pas de céder au chantage de son beau-frère, il préférerait encore aller tout avouer à Jade plutôt que de tomber là-dedans, il était beaucoup trop fier pour ça. Sans compter que c’était une boucle infinie, il aurait toujours cette information sur lui, il pourrait toujours choisir de s’en servir. S’il décidait de s’en servir sérieusement, Charlie n’aurait plus le choix, il serait obligé d’aller tout confesser. Dieu sait que la perspective n’était pas réjouissante mais ça lui donnait au moins l’illusion du contrôle, quelque part il pouvait couper court au jeu dès qu’il en avait envie, et dès qu’il en aurait trouvé le courage. Pas encore, il n’était pas prêt. Il détourna les yeux en l’entendant poursuivre, il n’était pas le seul à décider mais s’il choisissait d’arrêter Jethro ne pourrait rien y faire non plus. Il ne pouvait pas le forcer à retomber dans ses bras, ce n’était pas comme ça que ça marchait. Et le chantage ne marcherait définitivement pas sur lui là-dessus. « Eh bah je te souhaite bien du courage. » Tenta-t-il de répliquer quand Jethro exposa son plan de génie : le séduire une deuxième fois. Mais il n’y croyait pas lui-même, il savait à quel point il était vulnérable en ce moment et pour être honnête ça n’avait pas demandé tant d’efforts que ça à Jethro pour le faire craquer la première fois. Même s’il n’aurait jamais osé l’admettre à haute voix. Il le savait et son beau-frère aussi le savait. C’était d’ailleurs sûrement pour ça qu’il semblait avoir autant confiance en lui, il paraissait certain d’arriver à ses fins et Charlie commençait à se sentir pris au piège. Il avait parfois peur que son beau-frère ne le comprenne mieux qu’il ne se comprenait lui-même. Il fallait dire qu’en ce moment il se comportait de manière étrange, même à ses propres yeux. Il avait parfois la sensation de vivre la vie de quelqu’un d’autre, et le baiser de la dernière fois n’avait fait qu’aggraver cette sensation. Il tenta de faire un nouveau pas en arrière quand Jethro se rapprocha mais se rendit compte que la table du jardin était derrière lui. Il était bloqué. Super. Il tenta de reprendre contenance après l’échec cuisant de sa tentative de distanciation. Tout allait bien, il n’allait pas perdre le contrôle. Il était encore maître de ses mouvements aux dernières nouvelles non ? Et ce n’était pas bien compliqué, il lui suffisait de garder ses lèvres loin de celles de son beau-frère. Dit comme ça ça paraissait d’une facilité enfantine, mais c’était tout de suite plus difficile quand Jethro le regardait avec ces yeux là. Il se força à soutenir son regard, décidant d’adopter une stratégie totalement différente. Il allait tenter un coup de poker. « D’accord, alors c’est moi qui irait en parler à Jade. » Expliqua-t-il, se demandant si Jethro allait croire qu’il en était capable. Il n’était pas sûr lui-même que ce soit le cas. C’était sa porte de secours, à tout moment il pouvait aller la voir, le forcer à tout arrêter. La question c’était de savoir s’il en avait vraiment envie. Mais ça, Jethro n’était pas obligé de le savoir. « C’est pas là où je voulais en arriver mais tu me laisses pas vraiment le choix. J’irai lui raconter ce que j’ai fait quand elle sera rentrée. » Il avait volontairement parlé de ce qu’il avait fait et pas de ce qu’ils avaient fait ensemble. Il avait parlé avec assurance, essayant de convaincre Jethro que sa décision était prise et qu’il n’hésiterait pas à le faire. Après tout, Jethro l’avait avoué lui-même, il n’avait rien à gagner à ce que Jade le sache. Il semblait aussi penser qu’il avait quelque chose à perdre, comme un toit au-dessus de la tête. Charlie, lui, n’en était pas si sûr, mais ce n’était pas important, le plus important c’était ce que Jethro croyait. « Et maintenant ? T’as prévu de t’arrêter ? » Le provoqua-t-il. C’était stupide, il aurait très bien pu s’en tenir là, mais le sourire narquois de Jethro avait tendance à lui faire faire et dire des choses qu’il ne contrôlait pas nécessairement.