But to feel nothing so as not to feel anything, what a waste. (Jamie Jefferson)

Il est né à Brighton après que ses parents aient décidé de s'y installer pour agrandir leur famille. Auparavant, ils vivaient à Londres mais la vie en bord de mer les tentaient beaucoup trop. Enfant du milieu entouré d'une grande soeur et d'un petit frère, il a grandit dans une famille relativement équilibrée malgré le divorce de ses parents lorsqu'il était adolescent. + Sa mère, violoniste de grand talent diplômée du conservatoire, se dirigeait vers une carrière de soliste à l’international. Elle préféra choisir de rester à Londres, par amour pour celui qui serait son futur mari. Ce choix, il lui est arrivée de le regretter à différents moments de sa vie, surtout lorsqu'elle et son mari se séparèrent. Mais elle se ravisait le plus souvent en pensant à ses enfants qu'elle n'aurait jamais eu autrement. + Son père, quant à lui, embrassait une carrière dans le commerce lorsqu'il rencontra sa future femme. Au fil des années, il avait réussi à monter un petit business et avait plusieurs implantations, dont une à Brighton, là où le couple décida de s'installer par la suite. + Lorsque Jamie eut 15 ans, ses parents se séparèrent. C'était quelque chose qui parraissait évident pour eux deux et en même temps qui affecta beaucoup Jamie. Ses parents semblaient s'aimer, rien n'indiquait le contraire aux yeux de l'adolescent qu'il était et pourtant, la vérité était ailleurs. C'était quoi, l'amour, dans ce cas ? + Depuis leur divorce, les quelques histoires de coeur de Jamie finissaient toujours de la même manière. Arrivant à un certain stade, il s'en allait, par peur de l'illusion, de la déception. Comme si, même si tout semblait aller bien, il y avait ce quelque chose qui le faisait douter, se demandant si l'amour ressemblait vraiment à ça, préférant ne pas savoir. + En parlant de relation, Jamie a su très tôt qu'il aimait les hommes. Ses parents étant des personnes très ouvertes, il leur en a parlé dès l'adolescence et leur réaction fut tout ce qu'il y avait de plus bienveillante. Il sait encore aujourd'hui que c'est grâce à eux qu'il a pu assumer son homosexualité très tôt, réussissant par la même occasion à apprendre à se foutre de ceux qui avaient un problème avec l'orientation sexuelle des autres. Tout ça lui donna une personnalité appuyée, quelqu'un de fier de qui il est, ayant confiance en lui, n'ayant pas peur de prendre la parole et défendre ceux qui n'avaient pas eu la chance d'avoir un entourage compréhensif. + Il se dirigea naturellement vers des études de droit, s'imaginant déjà dans une carrière d'avocat. Malheureusement, on diagnostiqua à sa mère une maladie neurodégénérative à peu près au moment où il dû aurait pu passer le barreau. Avec sa soeur qui excellait dans une carrière artistique et son petit frère qui était parti à l'étranger, il fit le choix de poursuivre un cursus universitaire pour passer un doctorat et devenir professeur. Le rythme était moins élevé, il allait avoir bien plus de temps libre pour s'occuper de sa mère qui vivait très mal sa maladie, qui n'avait pas refait sa vie et qui s'était installée à Donwell. Elle avait déclaré des symptômes un peu plus tôt (perte de mobilité dans les mains, des difficultés à articuler, parfois à plier le bras...) ce qui l'avait contrainte à quitter l'orchestre et se diriger vers l'enseignement musical. + Son doctorat en poche, l'état de sa mère se dégradant d'années en années, l'obligeant à arrêter toute activité professionnelle et nécessitant une aide infirmière quotidienne pour les tâches les plus basiques, Jamie décida de s'installer à Donwell pour être plus présent, sa soeur venant elle aussi de temps à autre. La maison avait été pensée pour elle, tout était médicalisé, sa mère ayant fait le souhait de ne pas être hospitalisée. + Sa mère, qui en voulait déjà à Jamie d'avoir abandonné ses rêves d'avocat pour rester près d'elle et estimant que les infirmiers qui venaient quotidiennement suffisaient, devenait parfois un peu irascible envers lui mais ça n'affectait en rien la dévotion de son fils. + Inconsciemment, il mit de côté sa vie amoureuse, préférant s'adonner à quelques plaisirs éphémères, se justifiant à lui-même que c'était parce qu'il n'avait pas le temps pour ça. + Quand sa mère se stabilisa, il y a environ un an, il se rendit compte à quel point il avait vécu pour elle. Uniquement pour elle. Alors il se mit à culpabiliser de ressentir comme un trou béant dans sa vie. Une occasion manquée de faire un métier qu'il aimait. Il culpabilisait de lui en vouloir, de ne pas sembler reconnaissante de tout ce qu'il avait fait pour elle. Il culpabilisait aussi d'en vouloir à sa soeur, qui n'avait pas mis ses rêves entre parenthèse. + Et il rencontra Isaiah à peu près au même moment. Sa fougue, sa folie, ses rêves, son insouciance lui permirent d'oublier un peu son quotidien. Il s'était laissé emporter par une vague de fraîcheur qui les emmenèrent tous les deux vers plusieurs doux mois de relation. Mais était venu le temps des retrouvailles avec la maladie. Injuste et sévère. Violente et mesquine. Isaiah savait pour sa mère. Mais Jamie n'avait pas eu envie de lui faire subir sa propre descente aux enfers quand elle perdit l'usage de la parole, qu'elle n'était plus capable de bouger. Il était fatigué, ne comprenait pas pourquoi Isa' passait son temps à sortir, parfois venait toquer chez lui à l'improviste pour  lui proposer des week-end imprévus que Jamie refusait quasi systématiquement. Il n'avait plus goût à rien, ne trouvait plus aucun sens logique à leur relation mais restait quand même, peut-être parce que parfois ça lui faisait du bien, la routine le rassurait un peu, donnant une certaine sensation de stabilité quand ailleurs tout s'écroulait. Et parfois ils s'engueulaient. Enfin, Isaiah gueulait. Lui, laissait couler, sachant pertinemment qu'à un moment, ça ne suffirait plus. + Et à côté de tout ça, il se réfugiait dans son boulot. Voir des étudiants et ses collègues toute la journée lui changeait les idées, parler pendant des heures de sujets qui le passionnaient lui permettait de ne penser à rien d'autre qu'à son oratoire et au savoir qu'il transmettait. Bien que, il fallait l'avouer, il lui arrivait de croiser la route de certains élèves qui avaient décidé de lui donné du fil à retordre. Tout ça lui permettait d'oublier que sa relation ne tenait plus debout, que sa mère ne serait bientôt plus là. Il le savait, c'était une fatalité. Ne restait plus qu'à espérer que le reste suffise au sens de sa vie.+