kindness is weakness (jamie)

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Maxime était arrivé en retard à son cours de droit pénal, et des fois il se demandait s’il ne le faisait pas exprès pour ne pas avoir à supporter la tronche de son professeur aussi longtemps. Ou tout simplement pour l’énerver, pour se faire remarquer. Ce matin, il s’était surtout dit qu’il était sorti jusqu’à une heure trop tardive la veille et qu’il aurait donné un bras pour rester allongé dans son lit. Mais l’idée d’empirer encore plus son cas dans la matière qu’il détestait le plus avait fini par lui être assez insupportable pour le pousser à se bouger les miches. Il s’était habillé rapidement, avait à peine pris la peine de se doucher et de se peigner avant de venir s’incruster dans l’amphithéâtre. Il avait laissé la porte claquer derrière lui, comme si ça lui procurait un plaisir sans égal d’avoir l’occasion d’interrompre le cours du professeur Jefferson. Ce qui était en partie le cas. Il était allé se faxer à côté de ses amis habituels et avait sorti le bouquin qu’il était en train de lire, le calant sur ses genoux de sorte qu’il ne soit pas visible depuis l’endroit où se tenait son professeur. Malheureusement pour lui il ne lui fallut pas plus d’un quart d’heure pour le terminer et il n’avait pas pensé à en prendre un deuxième. Il n’avait vraiment pas été très bien réveillé au moment de partir de chez lui apparemment. Il lâcha un long soupir, ne cherchant pas à être particulièrement discret, avant de lancer son bouquin terminé sur la planche de bois qui était censé lui servir à prendre des notes pendant le cours ou à poser son ordi. Aujourd’hui il n’avait même pas pris la peine de le sortir de son sac, il aurait probablement dû pourtant, ne serait-ce que pour ne pas se mettre encore plus à dos son professeur. Il avait fini par réaliser qu’il allait devoir aller lui demander un service s’il ne voulait pas retaper toute son année et, si l’idée était très loin de l’enchanter, celle de se prendre une raclée de la part de son père s’il échouait l’était encore moins. Il se vautra sur le banc de l’amphithéâtre et croisa les bras sur sa poitrine, essayant vainement de se concentrer sur ce que le professeur Jefferson disait. La fatigue et son manque d’intérêt total dans la matière qu’il essayait de lui enseigner ne l’aidait pas à rester concentré. Le fait qu’il le déteste, lui et ses choix de vie, non plus d’ailleurs et il passa les dix minutes qui suivirent à lui lancer un regard noir continuel, comme s’il pouvait lui faire comprendre à quel point il le détestait uniquement grâce à ça. Il se souvenait encore de la discussion qu’il avait eue avec Erin, elle l’avait mis en garde sur le fait qu’il ne pourrait pas continuer à l’insulter comme ça sans risquer le renvoi de l’université, mais c’était tellement difficile de se retenir. Il devait serrer les dents pour s’empêcher de lui cracher son venin à la figure et le fait de savoir qu’il allait devoir se rabaisser à lui demander de l’aide ne l’aidait pas à se détendre et à se montrer plus agréable envers lui. Il s’affaissa encore plus sur le banc en entendant la sonnerie qui indiquait la fin du cours, ne se redressant que quand l’un de ses amis le bouscula pour qu’il le laisse passer. Il commença à suivre son troupeau avant de s’arrêter brusquement. Il savait qu’il allait devoir le faire un jour ou l’autre… « M’attendez pas, je vous rejoins plus tard. » Dit-il en faisant demi-tour et en redescendant les marches en direction du professeur Jefferson. Il tenta d’ignorer les sifflets suggestifs et les sous-entendus moqueurs de ses amis – qui savaient à quel point le fait que le professeur soit ouvertement gay révoltait Maxime et s’amusaient à l’emmerder avec ça dès qu’ils en avaient l’occasion – mais ils ne firent que le crisper davantage alors qu’il se rapprochait du tableau. Son sac nonchalamment posée sur son épaule et son roman à la main il attendit que le reste des étudiants ait quitté l’amphithéâtre avant de dire quoique ce soit. « Je peux vous parler ? » Lâcha-t-il comme si le simple fait d’avoir prononcé ces mots lui avait littéralement arraché la gueule. Il sentit ses doigts se resserrer autour de la couverture de son bouquin. « A propos de mes notes. » Se sentit-il obligé d’ajouter, comme s’il avait peur que son professeur ne saute à la mauvaise conclusion, il ne voulait pas qu’il croit une seule seconde que c’était une visite de courtoisie. Même s'il savait que le ton qu’il avait choisi d’employer devait assez clairement annoncer la couleur : il aurait préféré ne pas être là.

Debout devant tout un tas de visages, plus ou moins attentifs, plus ou moins tournés vers lui, Jamie se tenait à moitié assis sur son bureau. Manches de chemises relevées, jambes croisées, il parlait avec les mains, signe d'un engouement non dissimulé quant au sujet du monologue qu'il tenait. Même s'il n'était pas professeur depuis longtemps, il avait cette aisance verbale, ce truc en plus qui captivait majoritairement son oratoire. Mais évidemment, certaines personnes ont beau être de bons orateurs, si le public n'est pas intéressé par le sujet, on ne peut pas y faire grand chose. C'était d'ailleurs le cas de Maxime Holmes qui, comme de nombreuses autres fois depuis ces quelques mois qu'il l'avait en cours, était arrivé en retard et ne montrait visiblement aucune forme d'affection envers sa matière. Ni envers lui, d'ailleurs, ayant l'impression que le son même de sa voix semblait provoquer chez l'étudiant un mini-AVC tant il était arrivé à Jamie de le surprendre en train de grimacer. S'interrompant volontairement, il laissa Holmes s'installer en soupirant grossièrement, sans prendre la peine de s'excuser du dérangement. Jamie s'estima malgré tout chanceux de voir que l'étudiant semblait trop fatigué pour accompagner son retard de réflexions insolentes comme il pouvait en avoir l'habitude. Parfois, il se demandait pourquoi le jeune homme s'obstinait à participer à ses cours, tant il était facile de faire signer sa présence par quelqu'un d'autre et d'obtenir des fiches en ligne. Mais ce n'était pas le moment de se poser des questions inutiles et il continua son cours sans un regard supplémentaire vers le retardataire.

Une fois qu'il eut terminé et que les étudiants commencèrent à quitter l'amphithéâtre dans un brouhaha satisfaisant, synonyme d'une pause déjeuner bien méritée, Jamie sortit son téléphone de son sac. Il lut rapidement le sms de sa soeur lui confirmant qu'elle était bien arrivée à Donwell, qu'elle restait pour la semaine, qu'elle s'occuperait de leur mère et qu'il pouvait se reposer. Il lui en était reconnaissant. Comme s'il avait besoin qu'on l'autorise. Qu'on lui dise qu'il avait le droit de penser à lui pendant quelque jours. Il voulait dire à Isaiah qu'il allait avoir un peu plus de temps pour eux, cette semaine. Même si leur couple était tremblant, il restait la première personne avec qui il voulait partager les bonnes nouvelles, préférant toujours garder les mauvaises pour lui. Leur relation n'avait pas besoin de plus de complications. Comme un écho à ses pensées, il reçut un sms du concerné. Sourire. Il annulait. Déception, frustration, fatalisme. Il voyait le destin lui faire un doigt d'honneur. L'information eut à peine le temps de percuter son cerveau qu'on vint l'interrompre. Son téléphone toujours dans les mains, mélange de confusion et d'agacement dans le regard, il tourna sa tête pour découvrir un Maxime Holmes à l'attitude tout aussi insolente qu'à l'accoutumée. Me parler de vos notes ? il haussa un sourcil, bien étonné de le voir s'adresser à lui sans avoir glisser quelques insultes au passage. Probablement qu'il avait réalisé à quel point son cas était désespéré. Et qu'est-ce que vous voulez me dire, à ce propos ? Excepté le fait qu'elles soient médiocres, bien entendu, mais je suis déjà au courant : c'est moi qui vous les donne. C'était un prof sympa, habituellement, enfin du moins c'est l'image qu'il avait envie de faire passer, mais Holmes n'avait pas choisit le meilleur moment pour venir lui demander quelque chose.

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Maxime détestait se sentir inférieur aux autres et personne ne lui donnait plus cette impression que son professeur de droit pénal. Parce qu’il avait quelque chose d’approchable et d’intimidant à la fois, parce qu’il avait l’impression de ne pas se laisser atteindre le moins du monde par les insultes pourtant vicieuses de son étudiant mais surtout parce qu’il tenait son avenir entre ses mains. Maxime aurait préféré être à dix milles kilomètres de là, mais malheureusement pour lui, l’heure était venue d’assumer ses conneries et son manque de concentration, d’effort et de bonne volonté des derniers mois. S’il s’était efforcé de garder un visage neutre en venant aborder son professeur de droit pénal, celui-ci s’affaissa en l’entendant lui répondre et lui rappeler à quel point, de un ses notes étaient médiocres, et deux c’était de sa faute. Il dut se faire violence pour ne pas faire demi-tour en l’entendant dire ça et il s’efforça de prendre une longue inspiration, n’essayant même pas de dissimuler son agacement et son manque de patience. Après tout, à quoi bon ? Ce n’était pas parce qu’il avait fait l’effort de ne pas l’insulter publiquement aujourd’hui que le professeur ne savait pas toute la haine qu’il lui vouait. Ce n’était pas comme s’il en cachait depuis qu’il avait commencé à assister à ses cours. Il avait une envie presque irrépressible de l’envoyer chier, de se défouler sur la personne qui était devenu son punching-ball préféré pour évacuer toutes ses plus grosses frustrations, mais il savait qu’aujourd’hui ça aurait été se tirer une balle dans le pied. Un obus même, pas s’il voulait conserver le moindre espoir de valider son année et de ne pas se prendre la correction du siècle de la part de son père. Il releva les yeux vers le professeur et força un rictus sur ses lèvres, parce qu’il n’était pas capable de sourire autrement et parce qu’il avait beau vouloir faire des efforts, il y avait des choses qui étaient juste en-dehors de sa portée. Comme faire semblant de l’apprécier. « Merci de me le rappeler. Peut-être que si vous faisiez l’effort de rendre votre matière un peu plus intéressante j’en aurais de meilleures. » Lâcha-t-il d’un ton légèrement agressif, parce que s’il ne répondait pas quelque chose d’au moins un peu mesquin il avait la sensation qu’il allait imploser. Et puisque le professeur ne semblait pas se vexer facilement il profitait de l’opportunité de se défouler un peu avant de devoir totalement ravaler sa fierté. Il passa sa langue sur ses lèvres et croisa les bras sur sa poitrine, sur la défensive. Il avait trop bien conscience de ce qu’il s’apprêtait à faire et de l’injure personnelle que ça constituait pour lui. On aurait dit qu’il se préparait à recevoir physiquement un coup. Il se força à respirer à nouveau et détourna le regard, se doutant que ça lui faciliterait la tâche. C’était plus facile de se rabaisser s’il n’avait pas besoin d’affronter le regard sans doute triomphant de son professeur, il avait l’impression d’abdiquer et l’idée lui était insupportable. « Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Si je ne valide pas votre cours je vais foirer mon année et je peux pas me le permettre. » Il avait lâché ça de la manière la plus factuelle dont il était capable compte tenu de l’amertume qui faisait presque trembler sa voix. Il se sentait humilié d’en arriver là, et ce n’était rien en comparaison de ce qu’il s’apprêtait à lui demander. « Est-ce qu’il y a un moyen que vous m’aidiez à me préparer pour l’examen final ? » Demanda-t-il d’une traite, comme s’il avait peur que sa fierté l’empêche d’arriver au bout de sa phrase. Son regard était toujours détourné, faussement concentré sur le deuxième rang de l’amphithéâtre désormais vide, comme s’il s’y passait quelque chose d’anormalement passionnant.

En voyant l'expression affligée passer sur son visage lorsqu'il lui répondit de cette remarque acerbe, Jamie regretta un peu. Ce môme, parce que c'en était un, faisait apparemment un effort surhumain pour venir lui parler en privé et il avait agit comme un sale professeur aigri, grincheux, mal-aimable. Il soupira, détournant le regard de son élève et rangea son téléphone dans la poche avant de son sac en l'écoutant d'une oreille toutefois attentive. Son cours était celui qui avait tendance à plaire le plus. Beaucoup d'étudiants faisaient du droit avec des rêves d'avocats, de juriste. C'est ce qu'il avait en tête, lui-même, en empruntant ce chemin plus tôt dans sa vie. Même si le destin en avait jugé autrement, mais c'était une autre histoire. Mais le jeune Holmes disait que c'était lui, le prof, qui rendait ce cours inintéressant. Que dois-je faire pour rendre ce cours plus intéressant à vos yeux, dans ce cas, Monsieur Holmes ? lui demanda-t-il simplement, se doutant malgré tout que la raison de l'agacement du jeune homme était moins dû à sa façon de faire cours qu'à ses inclinations. D'ailleurs, il s'attendait à une réponse du style 'Ne pas être pédé' et se demandait si Holmes serait capable de lui balancer quelque chose dans ce goût là alors qu'il allait clairement lui demander un service. Jamie avait compris depuis quelques temps déjà, au détour de quelques réflexions homophobes qui lui étaient arrivées aux oreilles, que l'étudiant n'appréciait pas vraiment ses préférences pour la gente masculine. Avec des parents aussi compréhensifs et aimants comme les siens, Jamie avait encore du mal à comprendre ce mépris envers les homosexuels, à imaginer que la vie intime des uns dérangeaient celle des autres. Pourquoi ? Et surtout, pourquoi est-ce que ça avait l'air de tellement le déranger, ce jeune ? Il s'était plusieurs fois posée la question, n'ayant pas encore trouver de tournure satisfaisante pour la lui poser directement. Mais l'étudiant venait de lui dire, dans une phrase prononcée si rapidement qu'il dû presque tendre l'oreille pour la comprendre, qu'il souhaitait de l'aide. De l'aide de sa part ? Vraiment ? Bien qu'il ne prenait aucun plaisir à voir ses élèves échoués dans sa matière, c'était même plutôt l'opposé, Jamie ne pu s'empêcher de ressentir comme une pointe de satisfaction ; il avait tenu, résistant à l'envie de le virer de son cours plusieurs fois et maintenant c'est lui qui venait quémander. Jamie se mordit la lèvre discrètement, partagé entre l'envie de lui dire qu'il aurait peut-être dû penser à ça avant de passer la quasi-totalité de ses cours à lire des livres -oui, il voyait- ou à balancer des remarques., et celle d'honorer son métier : celui de transmettre, d'accompagner, de pousser vers le haut. Mais ce gamin était tellement exaspérant, est-ce qu'il aurait la patience -et dieu savait qu'il en avait, pourtant- de le supporter pour des sessions particulières ? Il ne trancha pas immédiatement, prenant un chemin transverse. Ni non, ni oui, juste une autre solution. S'asseyant à moitié sur son bureau, il croisa les jambes tout en le regardant. Pourquoi est-ce que vous ne demandez pas à d'autres élèves ? Je sais que certain de vos camarades ont de très bons résultats dans ma matière. Puis, dans un demi-sourire, il ajouta A moins que votre orgueil ne vous le permette pas ? Il connaissait l'égo de certains étudiants, et il imaginait que Maxime Holmes n'en manquait pas, étrangement. Il en avait vu par le passé, des jeunes cons arrogants n'assumant pas leur notes médiocres par fierté et préférant arrêter en cours de route avec des excuses bidons ou demander des dernières chances. Souvent des gosses de riches, des baratineurs, des gens aux chevilles plus grosses que leur cerveau. Pour autant, Maxime Holmes ne semblait pas idiot, non. Jamie était sûr qu'il n'y mettait juste absolument pas du sien. Mais pourquoi ?

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Maxime détourna légèrement les yeux et murmura une réponse entre ses dents pour s’assurer que le professeur ne pourrait pas l’entendre « Démissionner. » Siffla-t-il, cherchant à évacuer un peu de son énervement à devoir venir lui demander de l’aide sans le froisser, justement parce qu’il n’aurait pas supporté qu’il l’envoie bouler. Il l’aurait pourtant mérité, et il en avait bien conscience, mais il comptait sur la gentillesse presque exagérée de son professeur pour que ça marche. Il s’efforça de formuler sa demande de la manière la moins insultante dont il était capable compte tenu de son interlocuteur et ressentit à la fois du soulagement et de la honte quand il eut terminé. Il avait plus que jamais l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête et s’attendait à la sentir tomber sur lui à n’importe quel instant. Il pouvait presque déjà l’entendre lui rire au nez, lui faire remarquer qu’il ne manquait pas de toupet et que s’il voulait réussir à valider sa matière il n’avait qu’à réessayer l’année prochaine. Mais rien de tout ça ne vint, à la place le professeur semblait réfléchir et il finit par donner une réponse bien plus mesurée que ce à quoi s’était attendu Maxime, peut-être parce qu’il avait l’habitude qu’on ne fasse pas preuve de beaucoup de gentillesse à son égard. Il l’avait mérité dans beaucoup de cas, mais il avait quand même un peu perdu l’habitude. Il se força à croiser le regard du professeur, serrant la mâchoire en voyant son petit sourire amusé, comprenant aussitôt que la situation lui faisait plaisir et qu'il en tirait de la satisfaction. Maxime comprenait, il était humain, c’était une réaction normale vu tout ce qu’il avait pu lui balancer au cours du semestre, mais c’était suffisant aux yeux de l’étudiant pour justifier qu’il prenne un peu moins de pincettes dans ses remarques à partir de maintenant. « Ouais, c’est vrai, c’est moi qui ai un problème d’orgueil. » Répliqua-t-il un peu plus sarcastiquement encore qu’il ne l’aurait voulu, mais sa remarque l’avait piqué au vif. « Parce que vous allez essayer de me faire croire que vous êtes pas en train de profiter de ce moment parce que ça flatte votre égo peut-être ? » Ajouta-t-il d’un ton agacé avant de baisser les yeux, essayant de se forcer à se calmer. Il était venu en sachant que ça risquait d’être difficile, déjà il ne lui avait pas rit au nez et techniquement il n’avait pas dit non. Mais ne pas l’insulter demandait des efforts quasiment surhumains à Maxime et il s’efforça de respirer tranquillement pendant une dizaine de secondes avant de relever les yeux et de reprendre la parole, ne cherchant plus à éviter le regard de son professeur. Il avait eu tort tout à l’heure, il ne voulait pas lui donner encore plus de pouvoir dans cette discussion qu’il n’en avait déjà. Au fond, il avait raison, il était orgueilleux lui aussi. « Quand je leur pose des questions ils comprennent rien. » Expliqua-t-il, encore légèrement excédé, mais cette fois-ci sa frustration et son agacement étaient plutôt dirigés vers ses camarades de classe, incapable d’avoir la patience suffisante pour vraiment l’aider. A chaque fois qu’il avait essayé de demander de l'aide ça avait mal fini. « Mais si vous pensez qu’un étudiant peut faire votre boulot à votre place, c’est une bonne nouvelle, je vais aller prévenir le doyen tout de suite, je pense que personne ne pleurera votre départ. » Lança-t-il avec toute l’insolence dont il était capable avant d’aussitôt regretter d’avoir ouvert sa grande gueule. Il ferma les yeux et soupira longuement, espérant que le professeur n’était pas seulement extrêmement gentil et patient de réputation. Il allait en avoir besoin s’il espérait qu’il puisse accepter de l’aider. « Si c'était mon orgueil qui m'empêchait de demander aux autres je serais pas venu vous demander à vous... » Ajouta-t-il plus calmement, espérant probablement bêtement que cet aveu pourrait, d'une façon détournée, jouer en sa faveur. Il le détestait et pourtant il venait quand même le voir, c'était qu'il était vraiment désespéré et il priait pour que son professeur prenne ça en compte avant de l'envoyer chier.

Franchement. Il faisait des efforts, quand même. Beaucoup de professeurs lui auraient rit au nez, lui aurait simplement dit qu'ils n'avaient pas de temps à perdre avec des élèves qui ne montraient aucun soupçon de motivation, d'envie d'apprendre. Au lieu de ça, Jamie gardait son calme et essayait de comprendre. Évidemment qu'il en profitait un peu pour lui lancer quelques réflexions, pour le piquer un peu, il estimait en avoir le droit après tout ce que l'étudiant lui avait envoyer plus ou moins directement dans la tête. C'était pour le tester, connaître son but précis. Était-il vraiment motivé à sauver ses notes, sauver son année, ou n'était-ce qu'un caprice qui finirait par être vite remplacé par un autre s'il n'obtenait pas satisfaction immédiatement ? Au moins, il n'avait pas pris la fuite. Il était toujours là, insolent et méprisant certes, mais toujours là. Jamie, un problème d'orgueil ? Mon égo ? il ne put retenir un début de rire, mettant son poing sur ses lèvres pour se reprendre. Je dois admettre que je n'suis pas mécontent de voir que vous finissez par vous rendre compte que vos notes vous dirigent droit dans le mur et vu j'ose espérer que vous remettez un peu en question votre attitude de ces derniers mois. Il croisa les bras sur son torse. Mais mon égo a besoin de bien plus qu'un simple étudiant récalcitrant qui se retrouve face à ses erreurs pour être flatté, croyez-moi. Il se prenait pour qui, sérieusement, à lui parler comme ça ? Et il semblait clair que le jeune homme n'avait pas l'air d'avoir tout à fait compris qu'il était déjà en terrain miné parce que voilà qu'il surenchérissait. En être réduit à une pseudo-menace de prévenir le doyen parce qu'il l'envoyait demander de l'aide à des camarades de classe ? Franchement, c'était d'un risible. Il ne prit même pas la peine de répondre à cette deuxième attaque qui lui passa franchement au dessus, préférant se relever, soupirer en secouant la tête et commencer à ranger ses affaires dans son sac en se détournant de l'étudiant. Tant pis pour lui. Un dernier carnet dans son sac qu'il balança ensuite sur son épaule, Jamie était prêt à se retourner face à Maxime pour lui souhaiter bonne chance dans ses révisions quand les dernières cartes de Holmes le stoppèrent. Jamie regarda dans le vide droit devant lui, soupirant une nouvelle fois. Pas d'exaspération, cette fois, mais parce qu'il était à deux doigts de céder simplement parce que le jeune homme avait à demi-admit qu'il faisait un effort, qu'il comprenait dans cette phrase à quel point cette démarche lui avait coûté. C'était pour le professeur une preuve de bonne volonté et son âme indulgente de prof était touchée, même si ça ne suffisait pas totalement. Car les raisons de ces difficultés à venir lui demander de l'aide ne résidaient pas uniquement dans l'orgueil de l'étudiant, mais surtout dans le fait qu'il méprisait Jamie pour des raisons qui dépassaient son entendement, pour la personne qu'il était. Il ferma les yeux, laissant un silence s'éterniser pendant quelques longues secondes, rendant la situation peut-être gênante pour Holmes mais tout à fait maîtrisée pour Jamie. Il laissa tomber son sac sur le bureau et se tourna enfin vers lui, le dominant de sa hauteur, le regardant droit dans les yeux. Si j'accepte -et je ne dis pas que je vais accepter parce que franchement Holmes vous manquez terriblement de diplomatie et c'est quand même quelque chose de primordial quand on veut faire du droit sa carrière- je vais devoir vous demander de vous excuser pour votre comportement. Est-ce qu'il jubilait, est-ce que ça lui faisait plaisir ? Absolument pas. Mais il donnait une leçon. De savoir vivre, de respect. Il était patient, il saurait l'être encore, il avait seulement besoin de continuer à tester les motivations de son élève. Il savait que ça allait lui coûter, à Maxime, il n'était même pas sûr d'obtenir quoi que ce soit, mais c'était sa condition. Enfin, une de ces conditions. Et également, toujours si j'accepte, vous n'arriverez plus en retard à un seul de mes cours et je ne souhaite vous voir avec aucun autre livre que ceux qui sont nécessaires au droit pénal. Vous ne me parlerez plus comme à un animal de foire et si vous ne venez pas à une seule de nos sessions individuelles, vous n'aurez aucune autre chance. Il se stoppa, conservant un air sévère et froid, distant, montrant qu'il n'était prêt à aucune négociation. Alors, j'écoute ?

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Dire que Maxime avait les boules aurait été l’euphémisme du siècle. C’était bien pire que ça, voir son professeur se moquer ouvertement de lui et de son orgueil lui foutait un sacré coup et il dut se faire violence pour ne pas juste faire demi-tour et abandonner l’idée de faire un jour carrière dans le droit. Après tout ce n’était même pas ce qu’il voulait, il ne savait pas ce qu’il voulait mais ce qu’il savait c’était qu’il ne voulait pas suivre la carrière toute tracée par son père, alors s’il faisait des efforts aujourd’hui c’était uniquement pour ne pas se prendre une raclée en rentrant chez lui. Ses sacrifices étaient durs à maintenir alors que son professeur ne faisait aucun effort pour lui faciliter la tâche, et même si, encore une fois, Maxime comprenait ses réactions et ses réticentes, elles n’étaient pas du tout flatteuses pour lui. Il ressentait une envie irrépressible de le frapper, de tout abandonner et de retourner avec ses amis pour déjeuner et d’aller se prendre une caisse phénoménale ce soir-là, pour oublier ses problèmes, ses responsabilités, tout, mais la seule chose qui le forçait à rester, même s’il n’aurait jamais osé l’admettre, c’était la peur de son père. L’éventualité de revenir chez lui et d’annoncer à son père qu’il n’avait pas tout donné de son âme pour réussir son année lui était insupportable et ce n’était qu’à moitié sa fierté qui parlait alors qu’il réussissait à s’en convaincre. Alors il se força à ravaler encore une fois sa fierté en l’entendant dire qu’il allait falloir s’excuser, se préparant déjà mentalement à devoir s’abaisser à ça. Si c’était le genre de prof à lui demander ce genre de trucs alors c’était qu’il l’avait déjà bien jugé dès le départ, c’était qu’il ne valait pas grand-chose. Du moins c’était ce dont Maxime essayait de se convaincre en réfléchissant à des excuses qui ne lui arracheraient pas littéralement la gueule. Il ne comptait pas compromettre ses principes juste pour passer son année et il était assez convaincu que son père respecterait sa décision s’il connaissait les circonstances. Il n’était pas sûr que ça fasse honneur à sa décision, bien au contraire, mais c’était comme ça. « Donc vous voulez que je joue les faux-culs c’est ça ? » Lâcha-t-il avant de se mordre la langue, se rendant compte qu’il n’était pas en train de se rendre service. Il n’aimait pas l’idée, clairement, mais il avait su en venant demander ce service – parce que c’était bien ce dont il s’agissait et même lui ne pouvait pas se mentir là-dessus – qu’il allait devoir se rabaisser et compromettre ses principes. Il rebutait juste à le faire, c’était plus difficile alors que le professeur semblait très bien réaliser ce qu’il lui demandait. Comme s’il le faisait uniquement pour l’énerver. Mais il lui avait fait miroiter le fait d’organiser des sessions individuelles pour l’aider et Maxime était obligé de prendre sur lui. « Je ne serai plus en retard et je serai plus attentif en cours à partir de maintenant. » Concéda-t-il, autant parce qu’il savait très bien que c’était la moindre des choses s’il comptait vraiment réussir son année que parce qu’il repoussait tranquillement les excuses qu’il allait devoir lui présenter. Il ne savait même pas comment s’y prendre et il baissa à nouveau les yeux, son regard fuyant pendant quelques secondes tandis qu’il essayait de se forcer à dire quelque chose en quoi il ne croyait pas. La vérité ? C’était qu’il n’avait aucune envie de s’excuser, qu’il ne voyait pas ce qu’il avait fait de mal. De son point de vue ça aurait presque été au professeur de s’excuser pour leur imposer ses choix de vies personnels et déconcentrer Maxime de ses études. « Et je suppose que... » Il se mordit violemment la lèvre, essayant de se forcer à ne pas imploser à l’idée de dire ce qu’il allait dire. Il repensa à son père et s’efforça de trouver les ressources nécessaires pour poursuivre. « Que je n’aurais pas dû vous insulter aussi publiquement. » Termina-t-il, les dents serrées, toujours persuadé que son opinion était parfaitement valide et que le professeur profitait de sa position pour l’obliger à admettre des torts imaginaires. « C’est bon là, ça vous a suffi comme humiliation ou vous voulez que je me mette à genoux ? » Il sentit ses joues se rosir légèrement en réalisant le double-sens involontaire et s’empressa d’ajouter d’un ton plein de dédain : « C’était pas une vraie proposition, je sais que ça vous plairait trop. » Il détourna cependant les yeux, n’osant pas affronter son regard alors qu’il plaisantait là-dessus, autant parce qu’il avait peur de lui donner des idées que parce qu’il avait réussi à se gêner lui-même.

Il était peut-être à deux doigts de céder, mais il était aussi à deux doigts de refuser. Indécis, imprécis. Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendre avec Maxime Holmes et ça jouait en sa défaveur. Est-ce que l'étudiant méritait qu'il sacrifie du temps pour lui ? Un temps précieux qu'il pouvait utiliser à bien d'autres égards plus importants. Comme aller voir sa mère, prendre le temps de faire sa toilette à la place des infirmières et lui parler autant que possible, profiter de sa soeur qui était revenue car il savait qu'elle ne restait jamais bien longtemps, essayer de rafistoler son couple, ou simplement de peindre, de jouer du saxo. Faire des choses bien plus agréables que de devoir rester avec un petit orgueilleux peut-être pas si prêt que ça à donner vraiment du sien. Jamie l'observait, le surplombait et il savait que ça lui donnait des airs de supériorités. Et la première phrase qu'il entendit lui donna envie de sortir de l'amphithéâtre. Pourquoi rendait-il ça difficile ? Pourquoi jouer avec ses nerfs, sa patience ? Jamie ne comprenait pas. Il lui tendait la main, bien qu'il y mette quelques conditions et des sermons, il n'avait pas encore refusé, la balle était dans le camp de Holmes. Alors répondre si sèchement à son professeur n'était pas la meilleure des choses à faire. Jouer les hypocrites ou non, ce n'est pas là l'importance. Êtes-vous capable de ravaler votre fierté, là est tout l'intérêt de l'exercice. Et il attendait la suite, les bras croisés. Sous ses yeux couleur de l'eau, il voyait l'étudiant baisser les siens pour s'échapper à son regard, se crisper en essayant vainement de se détendre, se mordre la lèvre, réfléchir, commencer des promesses de bienséance, hésitait encore à ses prochains mots, prononçait des excuses telles des lames de rasoir semblant lui arracher la bouche. Quelques instants, Jamie se dit que peut-être il y avait un infime espoir de l'élever, ce gamin. Pas dans le sens de l'éducation, non, plutôt dans le sens de l'âme. Sa curiosité était piquée, qu'est-ce qu'il se passait dans cet esprit pourtant encore si jeune et qui semblait déjà si abîmé, si contrarié ? Non. Il avait déjà perdu des morceaux de lui-même en voulant sans cesse sauver ceux qui ne pouvaient plus l'être, qui ne voulaient pas l'être. Et comme un nouveau signe du destin lui prouvant qu'il avait raison de douter, voilà que Maxime Holmes redevenait lui-même, qu'il lui lançait une réflexion sur son homosexualité. Comme si dans son cerveau d'homme aimant les hommes, l'expression 'que je me mette à genoux' ne pouvait avoir pour seule définition 'que je vous taille une pipe'. Non, vraiment, c'était au dessus de ses forces. Tant pis. Et alors que Jamie l'avait laissé parler, comme Maxime l'avait lui-même laissé parler juste avant, il finit néanmoins par lui répondre. Vous étiez à ça, il mima un petit écart entre son index et son pouce, devant ses yeux de me convaincre. Mais vous n'êtes pas prêt, Monsieur Holmes. Pas prêt à passer au delà de vos préjugés. Pas prêt non plus, comme je le disais toute à l'heure, à mettre de côté votre fierté. Pas prêt à m'accorder la confiance nécessaire à ces sessions individuelles. Car si vous ne m'estimez pas bon professeur -et vous avez le droit, bien sûr, même si vos critères sont légèrement dépassés-, comment suis-je censé vous apprendre ? Vous passerez votre temps à me contredire, me contrarier. Je le sais, vous le faites déjà si bien au quotidien. Et je ne suis pas prêt, de mon côté, à vous faire confiance. Jamie fit un mou déçu, presque désolé de devoir refuser et en même temps persuadé qu'il n'était pas en mesure de l'aider, pour l'instant, que Maxime allait devoir faire un pas plus grand vers lui, avant de mériter son aide, et tant pis pour lui s'il ne le faisait pas. En son fort intérieur, une étincelle lui disait d'y aller, de tenter le coup, qu'il n'avait rien à perdre et tout à y gagner, que le garçon méritait son intérêt, qu'il y a quelque chose à savoir, à comprendre, qu'il aimerait craqueler cette carapace, qu'il en tirerait la plus grande des satisfactions si il réussissait à percer le mystère du cerveau de Maxime Holmes. Avait-il subit des agressions ? Était-il simplement un enfant éduqué par des valeurs ancestrales ? Il en connaissait, des homophobes, plus ou moins jeunes, plus ou moins virulents. Mais jamais il n'avait eu affaire à un étudiant aussi expansifs sur son dégoût profond pour ces 'choix' de vie, en public, tentant sans cesse de le décrédibiliser. Y avait-il autre chose ? Quelque chose de plus pernicieux ? Mais il chassa ces interrogations, ces sentiments qu'il n'avait pas envie de comprendre pour l'instant, qu'il n'avait pas le temps de comprendre. Il déglutit, se retourna et prit son sac qu'il passa sur son épaule. L'étincelle de curiosité tambourinait dans ses tempes, le forçant à prendre son temps quand il se dirigea vers les quelques marches de l'estrade afin d'en descendre pour partir. Prouve moi, bordel, prouve moi que j'ai tort.

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Ravaler sa fierté. Ce n’était pas quelque chose que Maxime aimait faire et son professeur devait bien s’en douter vu son attitude envers lui. Même alors qu’il essayait de lui demander un service il ne pouvait pas s’empêcher de l’insulter, de se montrer insolent et agressif et tout ça par fierté justement. Il avait essayé de faire des efforts pourtant, le simple fait qu’il se tienne face à lui et ait osé lui demander de l’aide avait été un affront à son orgueil et ça ne l’aidait pas à se montrer plus agréable. Il avait l’impression d’être à fond là, de ne pas pouvoir faire mieux pour convaincre son professeur d’accepter, de ne pas savoir plus tenir sa langue que ça. Peut-être qu’au fond c’était qu’il voulait le voir refuser, peut-être qu’il n’attendait que cette excuse pour foirer officiellement son année. Comme ça il pourrait injustement le blâmer, expliquer que s’il avait échoué ça avait été à cause de son professeur trop fier pour accepter de l’aider. Il n’y croyait pas lui-même, il savait qu’il ne faisait quasiment aucun effort et que son professeur avait toutes les raisons de refuser, il le sentit encore plus en voyant sa réaction à ses propos. Il les regretta d’ailleurs aussitôt, mais encore trop fier pour les retirer dans la foulée, il préféra la fermer pour changer et attendre le verdict. Ou plutôt la sentence. Il sentit son estomac se nouer en comprenant que le professeur n’allait pas l’aider et il sentit ses épaules s’affaisser, déçu presque malgré lui. Il aurait dû être au moins un peu soulagé de ne pas avoir à le supporter lors de sessions individuelles mais la menace de son père au-dessus de sa tête l’empêchait de ressentir autre chose que de la peur. Même sa remarque sur le fait qu’il soit incapable de ravaler sa fierté ne lui fit plus aucun effet. Visiblement il n’avait pas secrètement espéré qu’il lui dise non, il avait juste été trop con pour savoir se montrer plus aimable. Il le regarda passer son sac sur son épaule et s’éloigner lentement, se demandant s’il le faisait pour lui faire du mal ou pour lui laisser l’opportunité de le rattraper. Maxime serra brièvement les poings en se rendant compte que sa décision était déjà prise et qu’elle était loin de lui plaire. Mais il n’avait pas vraiment le choix, si ? Il desserra les poings et s’élança vers le bout de l’estrade, assez haut encore pour pouvoir poser brièvement sa main sur l’épaule de son professeur. « S’il-vous-plaît. » Lança-t-il, détestant la touche de désespoir qu’il pouvait détecter dans le ton de sa voix, détestant le fait de devoir se rabaisser à ce point là. Il laissa retomber sa main le long de son corps, espérant que ça avait été suffisant pour au moins le forcer à rester et à continuer un peu cette discussion. Il fallait qu’il réussisse à le faire changer d’avis. Il se redressa, profitant du fait qu’il soit encore sur l’estrade alors que son professeur en était déjà descendu pour se mettre un peu plus à sa hauteur. « Je ferai des efforts, je le jure. » Il avait l’étrange sensation d’être retombé en enfance et de s’entendre lâcher un promis, juré, craché dans la cour de recré, encore une fois c’était très loin de lui plaire, mais il espérait au moins que son professeur saurait comprendre qu’il était sincère cette fois-ci. Il avait perdu son sourire provocateur et son ton n’avait plus rien d’agressif. « Je peux mettre mes… sentiments personnels de côté et je peux ravaler ma fierté. » Il était en train de le faire là après tout, seulement parce qu’il était au pied du mur mais ça prouvait bien qu’il en était capable. Comme pour appuyer ses dires il descendit à son tour de l’estrade, de nouveau forcé à lever la tête pour pouvoir affronter le regard de son professeur. « J’ai vraiment besoin de réussir mon année. Qu’est-ce que je peux faire pour vous prouver que je suis sérieux ? » Il avait sentit sa mâchoire se crisper légèrement après avoir lancé ça, parce qu’il avait beau faire des efforts ça ne lui plaisait pas davantage de devoir mettre son orgueil de côté. Il s’en voulait de s’être montré aussi têtu tout le semestre, s’il avait fait un peu plus d’effort avant ça il aurait pu arracher la moyenne et se serait épargné cette humiliation.

Descendu de l'estrade, son sac sur l'épaule, une main dans une poche, Jamie se voulait nonchalant, feignant l'indifférence de son propre refus. Mais il n'en était rien. Il se battait un peu avec lui-même, pour lui laisser une dernière chance. Il marchait doucement, prenant le temps de chaque seconde. 10. Allez Maxime, je sais que tu vaut mieux que tout ça. 9. Tu es intelligent, je le vois bien quand je regarde dans tes yeux. 8. Fais un pas vers moi, je veux t'aider au fond, je sais que tu le sais. 7. Fais l'effort d'être prêt pour apprendre. 6. Fait l'effort d'outrepasser tes principes ou tes complexes. 5. Laisse moi comprendre si c'est l'un ou l'autre, je veux savoir. 4. Je vais partir, ça sera trop tard, qu'est-ce que t'attends putain. 3. T'en as mis du temps. Jamie sentit la main de l'étudiant sur son épaule, implorant presque un 's'il vous plaît' qui n'avait rien plus rien de fabriqué, et il ferma les yeux juste une seconde ou deux, comme soulagé. Au fond de lui-même, peut-être que si Holmes l'avait laissé s'en aller, il aurait eu des remords et il serait venu lui dire qu'il avait changé d'avis. Il aurait probablement demandé à nouveau des excuses, imposé des conditions. Mais il serait revenu. Parce qu'il savait, inconsciemment, qu'il était du genre à pardonner si ça voulait dire être capable d'aider. Même si c'était sa perte quand il se rendait compte qu'il avait parfois beau faire tout ce qu'il fallait, aider et accompagner au mieux, le destin pouvait en décider autrement et lui tourner le dos. Il expliquait à ses étudiants la justice alors qu'il vivait quotidiennement dans l'opposé. L'injustice même de vouloir sauver sa mère qui, malgré tous ses efforts et ceux de tant d'autres, allait fatalement s'éteindre bien trop tôt. Et pendant que son esprit attristé vagabondait vers des pensées sinistres, il écoutait Maxime Holmes faire des efforts, se repentir, s'adoucir presque. Et Jamie était ravi de l'avoir dans son dos, parce qu'il aurait pu voir si facilement dans ses yeux à quel point il était affecté. Reprenant contenance, alors qu'il entendait l'étudiant descendre quelques marches, le professeur se retourna pour lui faire face, soutenant simplement son regard qui était à sa hauteur, ne l'obligeant pas à baisser les yeux vers lui. Jamie trouvait ça approprié, voilà qu'ils étaient au même niveau. L'un ayant prouvé à l'autre sa bonne volonté et l'autre ayant envie de montrer à l'un que finalement il était prêt à faire confiance. Il soupira avec une pointe d'exagération, comme pour faire semblant d'abdiquer malgré lui, alors que sa reddition était parfaitement volontaire. Sans dire un mot, il sortit son téléphone de son sac. Donnez-moi votre numéro. dit-il simplement, calmement, au bout d'un silence qui avait semblé s'étirer dans le temps. Il n'observa pas la réaction de Maxime, ayant sûrement la crainte d'y lire encore ce dégoût qui lui donnerait envie de tourner les talons alors qu'il en avait décidé autrement, puis il nota les chiffres un à un, annotant ensuite le contact d'un 'Holmes' avant d'envoyer un sms disant simplement 'Professeur Jefferson' pour que le jeune homme ait également ses coordonnées. Samedi de la semaine prochaine, 20h, ici même. ajouta-t-il en levant de nouveau son regard vers Maxime -qui était toujours sur les marches- et en pointant son index vers le bas, entre leur deux corps. Déjà, il testait sa motivation en l'obligeant à venir en week-end et en soirée. On se rejoindra devant l'entrée du bâtiment, vous ne pourrez pas rentrer sans moi. Puis il se mordit imperceptiblement la lèvre inférieure, hésitant une seconde. Finalement, c'est dans un geste franc qu'il lui tendit une main ouverte. Prouvez-moi juste que je n'suis pas en train de me tromper, Holmes. il n'avait pas dit 'monsieur', il ne savait pas trop pourquoi, mais il ne l'avait pas dit.

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Maxime aurait menti en disant qu’il n’avait pas un peu regretté d’avoir fait des efforts. Il savait que c’était nécessaire, et il savait que l’alternative était pire, mais il avait peur que ça ne suffise pas à convaincre son professeur et qu’il se soit rabaissé pour rien. Il fit craquer nerveusement ses phalanges en attendant une réaction, quelque chose qui pourrait lui faire comprendre s’il avait bien fait de se lancer ou s’il aurait mieux fait de tenter de sauver son honneur et de partir en claquant la porte. Finalement son professeur se retourna et lâcha un long soupir que Maxime se permit d’interpréter comme un signe positif. Il était en train de changer d’avis, l’étudiant pouvait le sentir, il se raidit néanmoins en l’entendant lui demander abruptement de lui donner son numéro de téléphone. Il faillit demander instinctivement pourquoi, parce qu’il aurait préféré qu’il ne connaisse aucune information personnelle sur lui, mais il savait qu’il n’était pas non plus en position de faire la fine bouche. Il soupira donc à son tour et dicta les chiffres composant son numéro, ne réussissant pas à s’empêcher de jeter un coup d’oeil au téléphone du professeur pour voir sous quel nom il l’enregistrait. Il n’était apparemment pas assez inventif pour utiliser autre chose que son véritable nom et Maxime n’était pas sûr de savoir si ça le rassurait ou si ça l’attristait un peu. Il sortit son propre téléphone de sa poche en le sentant vibrer et enregistra le numéro du professeur sous le nom arrogant fucker, s’assurant que lui seul était capable de le lire avant de remettre son téléphone dans sa poche, fier de sa bêtise. C’était mesquin et puéril mais ça l’aidait un peu à accepter sa reddition alors ça valait le coup selon lui. « Samedi soir ? » Répéta-t-il, sincèrement choqué que ce soit l’horaire proposé par le professeur. Il était sur le point de lui faire remarquer qu’il avait une vie contrairement à lui et qu’il passait généralement ses samedis soir au bar avec ses potes quand il se rappela qu’il valait mieux ne pas recommencer à l’insulter. Il se retint donc de commenter à la dernière seconde et se contenta de hocher la tête et d’accepter qu’il n’avait pas son mot à dire dans la décision. « Parfait. » Lâcha-t-il d’un ton légèrement sarcastique mais aussi résigné. Si c’était ce qu’il fallait faire pour réussir son année il était prêt à sacrifier quelques soirées dans les semaines à venir, et il supposait que c’était pour savoir s’il en était capable que le professeur avait justement choisi cet horaire. Il haussa un sourcil en le voyant lui tendre la main, à la fois surpris et soulagé que le professeur semble proposer une trêve. Pour être honnête Maxime ne savait pas combien de temps il allait réussir à s'y tenir mais ça il comptait bien ne pas lui dire. Il se débrouillerait en temps et en heure pour se faire pardonner, pour l’instant il allait faire au mieux pour ne pas s’énerver. Il sentit tout de même son corps se raidir et il fixa la main tendue de son professeur pendant quelques secondes avant de venir y glisser la sienne, sentant un léger frisson venir parcourir son échine, comme si ce simple contact le dégoûtait. « Je vais essayer. » Répondit-il sincèrement, parce qu’il n’avait pas fait tout ça pour que le professeur abandonne au bout d’une heure. Il savait que le plus dur était encore devant lui mais le soulagement qu’il avait ressenti en comprenant qu’il acceptait de l’aider était suffisant pour le remotiver. Il détacha rapidement sa main de celle de son professeur et l’enfouit dans la poche de son jean avant de s’éloigner, choisissant de sortir de la salle par la porte en haut de l’amphi plutôt que de suivre le professeur. Il l’avait assez vu pour aujourd’hui. Il hésita à le remercier, allant même jusqu’à ouvrir la bouche mais se ravisant au dernier moment. Il le remercierait quand il aurait réussi à lui faire valider son année. Il remonta les marches trois à trois avant de sortir de l’amphi, ressentant aussitôt un mélange de soulagement et d’angoisse. Il savait qu’il avait fait le seul choix cohérent qui s'offrait à lui mais il se dégoûtait lui-même et il ne savait pas comment il allait réussir à supporter son professeur jusqu’à la fin de l’année.

Jamie avait bien remarqué le ton surpris, et peut-être un peu méprisant aussi, de l'étudiant lorsqu'il lui annonça qu'ils se verraient un samedi soir. Un sourcil levé, le professeur avait néanmoins espéré que Holmes ne le décevrait pas si rapidement en refusant ce créneau. Mais il n'en fit rien. A la place, il répondit que c'était parfait, même si Jamie était sûr qu'il aurait préféré répondre 'jamais'. Bien. Il apprenait, déjà. Conciliation. Et lorsque, la main tendue vers son étudiant -parce qu'il pouvait bien dire qu'il était le sien, maintenant qu'il allait prendre du temps pour lui, du temps précieux qu'il ne manquerait pas de lui faire remarquer qu'il perdait à chaque seconde où il n'écoutait pas, parce qu'il savait que ce genre de choses arriveraient- ce dernier la lui tendue également, en signe d'un accord tacite, Jamie ne pu réprimer un sourire. Un peu victorieux, un peu sincère, un peu curieux. Parce qu'il était en même temps satisfait de voir qu'il avait peut-être un peu gagné cette bataille, d'avoir su le remettre un peu à sa place d'élève et lui de professeur. En même temps sincère parce qu'il voyait que Maxime Holmes l'était aussi en lui disant qu'il allait essayer de lui prouver qu'il ne s'était pas trompé, ne faisant aucune promesse qu'il ne saurait tenir, juste la vérité, celle qui allait effectivement faire de son mieux, et c'était déjà ça. En même temps curieux, parce que Jamie était certain qu'il allait aussi apprendre de ce jeune impétueux, parce qu'il savait qu'on apprenait toujours des autres et qu'il était persuadé qu'autre chose se cachait derrière ces yeux parfois fuyants, parfois méprisants. Et même si il sentait déjà la déception d'Isaiah lorsqu'il lui dirait 'non, pas ce soir' après une proposition de sortie le week-end suivant, il comprenait aussi que ça lui servirait d'excuse. Alors, quand l'élève sortit de l’amphithéâtre sans un regard ou aucun signe de gratitude, Jamie secoua la tête et haussa les épaules, ne répondant même pas, sachant très bien qu'en acceptant de l'aider il acceptait aussi ce genre d'attitude. Puis il se se demanda : avait-il choisit ce créneau uniquement pour tester la motivation du jeune homme ou, inconsciemment, avait-il trouvé un autre échappatoire ? À ses obligations de fils -et il s'en voulait, se détestait même, d'associer sa mère à des obligations... Il irait la voir, ce soir, pour se faire pardonner de penser ça. Oui, pardon. Pardon-. Ou à cette relation qu'il voyait dépérir et qu'il n'avait pas envie de sauver, alors qu'il était prêt à essayer de sauver l'année d'un simple étudiant. Parce qu'il savait qu'il était rendu à ce point. Ce point de non-retour, qui était arrivé peut-être un peu plus tard que les autres relations qu'il avait eu, mais où il n'était plus prêt pour aller plus loin, parce que ça voulait dire partager encore plus de lui-même et s'abandonner. Et pourquoi ? Pour finir par rompre, comme n'importe quelle autre couple, marié ou non ? Et comme le lâche qu'il estimait être, il laisserait Isaiah partir quand il en aurait marre, il laisserait le destin faire le travail à sa place, comme il avait l'impression qu'il l'avait toujours fait. Il se sentait horrible d'agir comme ça, sale. Il aurait aimé revenir au début, quand ça allait bien, quand ils allaient mieux. Mais non. Il soupira. Remis une énième fois son sac sur l'épaule, pour s'en aller pour de bon, cette fois-ci, en essayant de diriger ses pensées ailleurs. Et elles allèrent vers ce Holmes, le forçant à se demander encore une fois si il avait fait le bon choix. Mais ça, il le saurait probablement bien assez vite.