No feeling involved • Elizabeth P. Harding

Lizzie avait somnolé pendant la majorité de la journée, allant de cours en cours sans en écouter la moitié, et sans prendre de notes. Même les discussions avec le reste de son groupe n’avaient pas réussi à la passionner plus de 5 minutes, si bien qu’elle avait été particulièrement soulagée quand leur dernier cours de la journée avait pris fin. Il n’y avait pas à dire, les journées sans cours de droit international n’avaient pas grand intérêt. Alicia lui avait proposé d’aller boire un verre avec eux, mais la seule idée de devoir encore faire semblant de les écouter pendant deux, voire trois heures de plus lui avait semblé insupportable. Alors elle avait trouvé une excuse, leur avait promis de les retrouver le lendemain pour trainer et aller boire des verres. Ted avait fait la tête, et Lizzie avait fait semblant de ne pas le voir. Alicia l’avait prise à part pour lui demander si elle allait retrouver son homme marié, et Lizzie n’avait pas répondu, préférant lui lancer un sourire assez équivoque pour répondre à sa question. Ce n’était pas comme si elle pouvait en douter. Si Lizzie n’était pas au pub avec son clan, elle était presque toujours avec Matthew. Elle n’allait pas non plus passer du temps avec ses parents, il n’aurait manqué que ça. Elle avait passé une semaine épuisante, entre le retour de Connor et l’arrivée soudaine d’Emma, et elle avait bien besoin de se détendre. Matthew était exactement ce dont elle avait besoin.

Elle traversa les quelques rues qui séparaient la fac de son appartement, se retournant régulièrement pour vérifier que personne ne la suivait. Depuis l’arrivée d’Emma, elle avait commencé à devenir un peu parano… ou réaliste. Était-ce de la paranoïa si on avait raison de se méfier ? Mais même sans Emma, elle commençait à soupçonner Ted de s’attacher un peu trop à elle, et elle préférait éviter qu’il n’apprenne qu’elle sortait avec un prof. Cet idiot irait le crier sur tous les toits, et ça la forcerait à s’éloigner de Matthew. En ce moment, ça aurait été trop lui demander. Elle grimpa les marches de son immeuble pour aller frapper à sa porte, se retenant à peine de sourire en le voyant lui ouvrir en serviette. Il s’empressa de la faire entrer, un geste dont elle avait l’habitude mais auquel elle s’efforçait de ne pas trop penser. C’était normal qu’il préfère ne pas l’exhiber devant ses voisins après tout, ça ne voulait pas dire grand chose. De toute façon elle s’en fichait. Elle laissa tomber son sac sur le parquet avant d’attraper le regard de son professeur. ”De toute évidence, je ne viens pas pour les cours.” Elle s’approcha, lentement, sans le quitter des yeux. Lizzie passa un doigt sous sa serviette, mais sans l’enlever, avant de se hisser sur la pointe des pieds pour l’embrasser. ”Tu as le temps de prendre un verre ?” Elle haussa les épaules, se rappelant qu’il valait mieux ne pas lui mettre trop de pression. Ça ne lui avait pas réussi par le passé, elle avait appris qu’il valait mieux la jouer cool. Elle mourrait d’envie de pouvoir passer un peu de temps avec lui après la semaine qu’elle venait de se taper, mais il était hors de question de le lui faire comprendre. Pas de manière claire en tout cas.

Lizzie ferma les yeux pour masquer son soulagement en entendant Matthew lui annoncer qu’il allait bien pouvoir prendre un peu de temps pour elle. Ce n’était pas toujours le cas, entre l’école, sa femme et sa fille, il était souvent occupé. Il préférait maîtriser leur emploi du temps, pour des raisons évidentes, mais ce soir Lizzie avait eu envie de le voir. Elle était soulagée de voir qu’elle n’avait pas fait le déplacement pour rien. Elle sentit Matthew revenir dans son dos, commencer à la caresser. Ses gestes étaient toujours doux, aimants, et elle ne pouvait pas s’empêcher de fondre sous ses doigts. Les autres hommes avec qui elle avait avait pu avoir une liaison ne s’étaient jamais montrés si tendres, ou si bons. Il faut dire que la majorité d’entre eux avaient son âge, et donc beaucoup moins d’expérience que Matthew. Elle n’était pas assez naïve pour s’imaginer que le professeur était resté fidèle à sa femme jusqu’à la rencontrer. ”J’avais envie de te voir, pas toi ?” Lizzie le laissa la guider face à lui, un petit sourire au coin des lèvres. À en croire son regard, l’envie dans ses yeux, il avait aussi envie de la voir, et plus que ça. Ce regard, ça la tuait un peu à chaque fois. Il aurait pu lui demander n’importe quoi, elle l’aurait sans doute fait. Elle le laissa l’embrasser, venant mordiller sa lèvre tandis qu’elle se pressait contre lui. Elle adorait la sensation de sa peau nue sous ses doigts. ”Pas encore, mais je n’ai pas très faim pour l’instant.” Elle lui lança un regard appuyé, un petit sourire au coin des lèvres. La subtilité, ça n’avait jamais été son fort, mais Matthew ne s’en était jamais plaint. Elle se pencha vers lui, laissant ses lèvres froler les siennes tandis que sa main glissait le long de son torse pour venir le caresser. La bosse qu’elle sentait contre sa serviette lui disait assez bien que Matthew n’avait pas envie que de manger, mais elle s’écarta finalement avant de lui lancer un regard angélique et de hausser les épaules. ”Mais on peut manger si tu veux.” Elle traversa lentement le salon, consciente que le regard de Matthew la suivait, avant de jeter un regard dans son dos. ”J’hésitais à aller me doucher avant. Ça te dit ?”

Lizzie n’avait aucun doute, elle savait très bien que Matthew allait la suivre. Ça faisait partie de leur jeu, et elle s’amusait souvent à le provoquer, à le titiller. Elle adorait voir la retenue disparaître de son regard, voler en éclats. Elle aimait le voir la désirer, comme s’il avait besoin d’elle. À la fac, il ne pouvait pas la remarquer, pas lui parler, mais quand ils étaient chez lui, il ne voyait plus qu’elle. Elle le savait. Il ne pensait plus qu’à elle, et elle ne pensait plus à sa femme, à sa fille. Le son de sa voix provoqua un frisson le long de sa colonne vertébrale, et Lizzie se laissa faire, un grand sourire aux lèvres. Elle avait beau savoir qu’il venait à chaque fois, le plaisir était toujours le même. Lizzie le laissa la porter jusqu’à la salle de bains et ouvrir l’eau. Elle observa sa serviette tomber au sol avant qu’il ne vienne déposer ses lèvres contre sa peau, la provoquer à son tour. Ses lèvres lui paraissaient brulantes, comme si elles laissaient des traces contre sa peau, comme pour marquer son passage. Lizzie faillit commencer à râler lorsqu’il la reposa au sol, mais elle se rendit bien vite compte qu’il ne l’abandonnait pas pour autant, bien au contraire. Elle passa une main dans ses cheveux tandis qu’il se mettait à genoux, déposant des baisers sur sa peau au passage. Matthew commença à défaire les boutons de son jean, et Lizzie laissa échapper un rire presque essoufflé, de frustration comme d’impatience. ”C’est de ta faute aussi.” Lizzie se retint d’écarter les mains de Matthew pour enlever elle même son pantalon, sa culotte, tout ce qui la séparait de lui. Elle était impatiente, elle l’avait toujours été, et elle ne l’était jamais autant que quand il s’agissait de Matthew, de son corps. Elle avait envie de le sentir, là, tout de suite, mais ses gestes étaient lents, comme s’il cherchait à la torturer. À bien y réfléchir, c’était sans doute le cas, mais Lizzie n’était déjà plus en état de vraiment réfléchir. Elle laissa échapper un soupir lorsque Matthew tira enfin son pantalon, exposant sa peau. Lizzie serra ses doigts dans les cheveux de Matthew, par anticipation. Elle n’avait pas besoin de voir son visage pour savoir qu’il était en train de sourire. Il savait très bien l’effet qu’il avait sur elle, et il ne tarderait pas à pouvoir le sentir. Lizzie se mordit la lèvre quand Matthew commença à la caresser, incapable de savoir si elle avait envie qu’il vienne l’embrasser ou qu’il continue, surtout qu’il ne bouge plus jamais. Son coeur battait si fort contre sa poitrine qu’elle avait l’impression qu’il allait exploser. Incapable de rester immobile, Lizzie joua avec les cheveux de Matthew d’une main tandis que ses ongles s’enfonçaient dans la peau de son épaule. Sans savoir si ça avait duré des minutes ou des heures, Lizzie tira finalement doucement les cheveux du professeur pour lui demander de se relever. Elle était dans un état pitoyable, les cheveux en bataille, les joues rouges, le regard un peu fou. Oui, mais il la rendait folle. Vraiment folle. Elle se pencha vers lui pour attraper ses lèvres. Lizzie pouvait sentir son torse contre le sien, même à travers ses vêtements. Elle avait envie de les arracher. ”Prends moi.” souffla-t-elle contre ses lèvres.

Lizzie ferma les yeux, laissant son corps s’assoupir contre celui de Matthew. Elle aimait sentir sa peau contre la sienne, surtout après lui avoir fait l’amour. Il était plus détendu, et quand elle avait de la chance, un peu calin. Elle avait beau essayer de le nier, elle adorait ces moments presque plus que le reste. Sentir sa respiration, son torse se soulever, l’entrainant avec lui. Elle aimait adapter sa respiration à la sienne, sentir sa main parfois caresser son dos avec paresse, comme s’il ne s’en rendait pas compte. Elle se demandait toujours à quoi il pensait après lui avoir fait l’amour, s’il pensait encore à elle ou si son esprit partait vite ailleurs. Elle aimait croire qu’il ne pensait qu’à elle, au moins dans ces moments là. Elle ne savait que trop bien que son esprit serait vite occupé par des sujets moins drôles, des sujets qu’aucun des deux n’aimait aborder. Lizzie était en train de s’assoupir pour de bon quand Matthew se leva, sans un mot, et la laissant retomber doucement contre le matelas encore humide. Lizzie ne put pas s’empêcher de sourire, un peu bêtement, en repensant à comment les draps de son professeur s’étaient retrouvés trempés, mais son triomphe était teinté d’amertume. Il n’était encore resté que quelques minutes. Lizzie aimait ces quelques minutes en partie parce qu’elle savait qu’elles ne pouvaient pas durer, que Matthew finirait par se lever, et par partir. Par la laisser. Et à chaque fois, elle ressentait ce même pincement au coeur, cet envie qu’il reste encore un peu. Ne serait-ce que quelques secondes. La jeune femme laissa sa tête retomber contre l’oreiller avant de laisser échapper un soupir fatigué. Elle savait que Matthew n’aimait pas parler, après tout ça ne faisait pas partie des termes de leur “arrangement”, mais après la semaine qu’elle avait eu, Lizzie n’était plus certaine de vouloir se taire. Oui, ils évitaient certains sujets, mais ce soir, elle n’était pas sûre d’en avoir envie. Elle se leva du lit pour aller chercher ses vêtements. Elle remit uniquement sa culotte et un haut pour lutter contre la chair de poule qui l’avait saisie quand Matthew était parti. Elle le suivit ensuite dans le salon, et partit se chercher une bière au frigo, sans dire un mot. Elle la décapsula et s’adossa au comptoir de la cuisine avant de passer une main dans ses cheveux. ”Ça ne va pas ?” Elle avançait en terrain glissant, et elle le savait. Elle tenta de garder une voix neutre, espérant que l’amertume ne s’y lisait pas trop facilement. ”Tu penses à quoi ?”

Sa bière à la main, la jeune observa Matthew presque sursauter au son de sa voix. Il était en train de regarder dans le vide, à priori plongé dans ses pensées, et elle l’avait dérangé. En temps normal elle n’aurait pas osé s’en mêler ou chercher à en savoir plus. Matthew pouvait avoir ses humeurs, et il n’aimait pas trop parler de lui ou de ses problèmes. Elle supposait que ce n’était pas pour ça qu’il était avec elle, et même si parfois elle aurait bien aimé pouvoir apprendre à le connaître, à vraiment le connaître, elle ne s’y risquait pas souvent. En temps normal, elle se serait assise à côté de lui, et ils auraient bu leur bière en silence, ou en parlant de choses futiles, peut-être un peu de la fac, de sujets quelconques. Oui, en temps normal, mais après la semaine que Lizzie venait de passer, elle n’avait pas envie de s’écraser, de faire comme si de rien n’était et de se taire. Sa discussion avec Emma au White Horse lui avait laissé un goût amer en bouche, comme si elle se rendait enfin compte qu’elle n’allait pas rester avec Matthew pour toujours, que ça ne pouvait pas durer. Et elle avait envie de se prouver que ce n’était pas vrai, de croire qu’il y avait plus qu’une histoire de cul, une tromperie parmis tant d’autres. Elle avait envie de croire qu’elle était à part.

La voix de Matthew provoqua des frissons tout le long de sa colonne vertébrale, mais elle se força à garder une expression impassible sur le visage. Elle se doutait que c’était sa famille, sa vie, sa femme qui le rendaient si malheureux, qui faisaient qu’il restait là à regarder le vide, à boire tout seul, et à la voir plutôt que de rentrer chez lui. Oui, elle le savait, mais elle n’aimait pas l’entendre. Elle n’aimait pas le voir être mal, et elle aimait encore moins qu’on lui rappelle que sa femme existait. Elle le laissa l’enlacer, la serrer contre lui, poser ses lèvres contre ses cheveux. D’habitude, elle aurait fermé les yeux pour profiter de cet instant, de ses caresses, mais elle n’en avait pas envie aujourd’hui. Elle savait qu’elle allait faire une bêtise, mais elle n’avait plus la force de s’empêcher de la faire. Elle s’écarta doucement de ses bras pour aller l’embrasser, parce qu’il l’avait demandé, mais aussi parce qu’elle se demandait s’il en aurait encore envie après ce qu’elle allait dire. ”Je ne pense pas suivre le même chemin que toi, mais si je me retrouvais dans ta situation, j’essaierais d’en sortir.” Elle essaya d’attraper son regard, pour tenter de lui faire comprendre qu’elle ne voulait pas le vexer, qu’elle n’essayait pas de le mettre en colère. Elle voyait bien qu’il allait mal, et ça lui était insupportable. Mais le plus insupportable de tout, c’était de ne pas comprendre, de se demander, jour après jour, ce qu’il faisait encore avec sa femme, pourquoi il se forçait à s’enfoncer dans  son mariage, dans sa petite vie qui le rendait fou. Ça, elle ne le comprenait pas. Elle s’écarta légèrement de lui pour boire une gorgée de sa bière, pour s’efforcer de paraître calme alors que son coeur battait à mille à l’heure au fond de sa poitrine. ”Si tu n’es pas bien dans ton mariage, pourquoi tu ne quittes pas ta femme ?” Cette question lui brûlait les lèvres depuis des mois, mais elle n’avait jamais osé la poser avant ce soir. Elle avait envie de savoir, d’avoir une réponse. Elle avait besoin de comprendre pourquoi il restait avec une femme qu’il n’aimait pas, pourquoi il ne lui donnait pas une chance, à elle. Mais ça, elle n’était pas prête à lui avouer.

Lizzie avait presque envie de le secouer, de lui faire entendre raison. S’il était si malheureux, il n’avait qu’à changer les choses, ce n’était pas si dur. Lizzie croyait fermement que si on voulait quelque chose, on pouvait l’avoir. Il fallait simplement être prêt à faire les sacrifices nécessaires. Elle pensait que les gens malheureux ne l’étaient que parce qu’ils le voulaient, même si ça lui faisait mal de penser que Matthew avait envie de rester bloqué dans un mariage sans avenir, sans sentiments, sans rien. Elle se tendit en entendant Matthew parler de sa fille. Elle pensait que c’était surtout ça le problème, ça qui faisait qu’il restait avec sa femme. Il n’avait pas envie d’abandonner sa fille, et Lizzie ne savait pas quoi en penser. Elle avait envie de lui en vouloir, de lui dire qu’il pourrait continuer à la voir même en demandant le divorce, mais elle était aussi touchée de voir qu’il était prêt à tout pour rester avec sa fille. Qui que soient ses propres parents, ils ne s’étaient pas donné tant de peine avec elle. Ni avec elle, ni avec Emma. Elle se laissa trainer vers le canapé sans dire un mot, se laissa presque tomber contre Matthew en soupirant. Elle avait envie de poursuivre la discussion, d’en savoir plus, d’en parler jusqu’à réussir à le faire changer d’avis, mais elle savait aussi que ça ne servirait à rien. S’il y avait bien une chose qu’elle avait appris avec Matthew, c’était qu’il n’aimait pas aborder des sujets trop personnels avec elle. Ça arrivait, parfois, mais rarement et jamais pendant très longtemps. Et pourtant, c’étaient ces moments là qu’elle préférait, ces moments où elle avait l’impression de compter, d’être un peu  plus qu’une distraction, une étudiante de plus à passer entre ses draps. Oui, elle aimait ces moments, mais elle savait aussi quand il valait mieux éviter d’insister. Elle avait parfois l’impression d’être sur un fil tendu entre deux immeubles avec lui, comme si un seul pas de travers pouvait entraîner sa chute, et un atterrissage probablement très brutal. Alors elle faisait attention de ne pas poser un pied de travers.

Elle le laissa commander à manger, secrètement soulagée de voir déjà qu’il ne la mettait pas à la porte tout de suite, qu’elle allait pouvoir rester un peu. Elle détestait le weekend, détestait ne pas pouvoir le voir, et elle redoutait l’heure où il lui dirait qu’il doit partir, qu’il doit rejoindre donwell, sa maison, sa famille. Le moment arriverait, mais elle ferait son possible pour le repousser le plus possible. Elle haussa doucement les épaules et sentit la peau de Matthew à travers son t-shirt, sa chaleur. Elle avait envie de rester blottie contre lui pendant des heures. ”Ça va, hâte que le trimestre soit fini.” En vérité, Lizzie s’en fichait pas mal de son trimestre, elle était déjà quasiment sûre de ne pas l’avoir. Il fallait dire aussi qu’elle ne bossait pas, et qu’elle s’en contrefichait. Sans Matthew, elle aurait sans doute complètement arrêté de venir, déjà que sa présence était partielle au plus. Elle posa sa main sur le genou de Matthew, un petit sourire au coin des lèvres. ”Et puis je pense que je m’en sortirai bien en droit international.” Elle se tourna vers lui avec un sourire innocent, des yeux de biche. Elle savait qu’il n’aurait jamais osé lui mettre une sale note, même si elle n’écoutait rien à son cours. C’était de sa faute aussi, comment est-ce qu’elle pouvait se concentrer sur ce qu’il disait quand elle ne pouvait pas arrêter de fixer ses lèvres, leur mouvement. Tout le reste de son corps. ”Mais bon, ça me manquera quand même de ne pas te croiser sur le campus de temps en temps.” Lizzie avait essayé de prendre un ton neutre, sans être certaine d’y parvenir. La vérité, c’était qu’il allait horriblement lui manquer, même s’ils trouveraient sans doute quelques moments pour se voir. Elle avait appris à aimer leurs interactions à la fac, essayer de cacher la vérité aux autres tout en attrapant son regard pour lui lancer des sourires complices. Mais ça, il valait mieux ne pas lui dire.

Lizzie avait eu peur que Matthew ne se fâche en parlant de son mariage, de ses problèmes, qu’il n’apprécie pas que Lizzie aborde un sujet qui avait toujours été tabou. Mais il ne s’était pas énervé, même s’il avait rapidement changé le sujet. Lizzie avait envie d’insister, mais il était trop tard, et elle n’avait pas envie de le pousser si loin qu’il finisse par la mettre dehors. Non, elle avait envie de profiter encore un peu, même si elle savait que ça ne pourrait pas durer très longtemps, même si elle savait qu’il allait devoir retrouver sa femme d’ici quelques heures. Sa femme, et cette vie qu’il semblait tant détester. Lizzie se força à ignorer la rancoeur qui grandissait dans sa poitrine pour répondre à ses questions. C’était déjà mieux que rien, et elle aurait le temps d’aborder la question du divorce plus tard. Elle n’avait pas envie qu’il se sente forcé, ou qu’il ait l’impression qu’elle s’attachait tellement qu’elle allait lui demander de choisir. Non, ce n’était pas la question. Elle avait simplement du mal à le voir malheureux, à le voir abattu de la sorte. Ça lui donnait envie de crier, de préférence sur quelqu’un. Elle répondit à ses questions, sans trop savoir si ça l’intéressait vraiment ou s’il voulait simplement s’écarter d’un sujet dangereux, mais elle se retrouva toute surprise d’entendre sa réponse. Son coeur manqua plusieurs battements, et elle se força à ne pas croiser le regard de Matthew, de peur qu’il n’arrive à lire en elle comme un livre ouvert. Elle savait que Matthew avait déjà couché avec d’autres étudiantes, ce n’était un secret pour personne après tout, mais elle se demandait s’il avait déjà proposé ça aux autres. Si elle était différente. Elle l’espérait vraiment, plus qu’elle n’aurait osé l’admettre. Pas même à elle-même.

Lizzie se força à hausser les épaules, se rapprochant un peu de lui au passage. Elle aimait sentir la chaleur de son corps contre le sien, même à travers des vêtements. Sa présence la calmait, lui donnait une impression de confort, de sécurité qu’elle n’avait pas ressenti avec ses autres amants. Avec les autres, elle n’avait qu’une hâte : s’en aller. Avec Matthew, c’était tout l’inverse. Lizzie remit une mèche derrière son oreille avant de se tourner légèrement vers Matthew, un petit sourire aux lèvres. Même s’il essayait surtout de changer le sujet, elle était heureuse qu’il s’intéresse à elle, même un peu. ”Je ne sais pas trop, même si je ne pense pas vouloir faire du droit. Désolée.” Elle lui lança un petit clin d’oeil amusé. Il devait se douter qu’elle n’était pas très assidue dans ses études et que le droit ne l’intéressait pas. Après tout, elle ne venait que rarement en cours, et quand elle venait c’était uniquement pour le mater. Il devait bien s’en rendre compte. Elle avait envie de lui parler de Daisy, de l’aide qu’elle lui avait proposé, mais elle n’avait pas envie qu’il se moque. Et puis de toute façon, rien n’était fait. Lizzie avait posé sa main sur le genou de Matthew, commençant à le caresser machinalement, sans s’en rendre compte. ”Comment tu as su ce que tu voulais faire toi ? Enfin je sais pas, tu savais que tu voulais être prof ?”