No feeling involved • Elizabeth P. Harding

Lizzie n’avait pas particulièrement aimé le changement de sujet car elle avait eu envie de pouvoir enfin parler du sujet tabou, du sujet qui hantait ses nuits depuis plusieurs semaines, mais que Matthew refusait obstinément d’aborder. Elle l’avait laissé changé de sujet car elle n’avait pas envie de le mettre en colère, en se forçant à se dire que de toute façon ça n’avait pas d’importance, en ignorant le petit pincement de son coeur quand son traître de cerveau lui soufflait que Matthew ne voulait pas parler de sa femme car il ne la quitterait jamais. Quelque part, elle le savait, mais elle refusait de l’admettre. Et puis, elle avait encore tout le temps de le faire changer d’avis. Même si elle n’avait pas eu envie de changer de sujet, elle devait admettre qu’elle ne regrettait pas d’avoir posé cette question à Matthew. Elle avait toujours imaginé qu’il aimait le droit, qu’il avait choisi ce métier parce qu’il l’aimait, et elle était ravie de pouvoir apprendre quelque chose de nouveau sur lui. Quelque chose de personnel. Une petite voix lui souffla que ça ne le rendait que plus attachant, mais elle se força à l’ignorer. Elle se demanda si Matthew avait fait un choix de raison en prenant le poste à l’université, tout comme quand il avait choisi le droit, et sans doute comme il avait décidé de se marier. Mais elle n’osa pas lui poser la question, et elle se retrouva bien vite occupée d’une manière bien plus agréable.

Elle sentit les doigts de Matthew dans ses cheveux avant de venir la coller un peu plus contre lui, venir chercher ses lèvres. Lizzie sourit contre sa bouche. Au moins sur le plan physique, elle n’avait aucune question à se poser, et elle préférait ça comme ça. Elle s’était relevée pour venir s’asseoir sur le professeur quand quelqu’un sonna à la porte. Elle grogna doucement contre les lèvres de Matthew avant de s’écarter pour le laisser aller chercher leur commande. Elle n’avait plus faim, mais heureusement, Matthew avait un micro onde dans l’appartement. Elle le regarda prendre leur commande avant de la poser et revenir vers elle. Assise dans le canapé, Lizzie lui lança un sourire provocateur avant de venir enrouler sa jambe autour de ses hanches pour l’attirer vers elle. Elle l’attrapa par la chemise pour le forcer à se laisser tomber contre elle. ”Ça va, tu es encore assez jeune pour un deuxième round ?” Elle arqua un sourcil moqueur avant de venir l’embrasser. Elle aimait bien le taquiner, en général ça lui donnait envie de lui prouver qu’elle avait tort. Et elle ne se plaignait jamais quand il y parvenait. Elle attrapa sa lèvre entre ses dents avant de la mordiller. ”Enfin, à moins que tu ne préfères manger maintenant.” Elle avait été en train de commencer à enlever la chemise du professeur de droit, mais elle interrompit son geste, un sourire amusé au coin des lèvres.

Lizzie savait qu’en provoquant Matthew, elle avait de grandes chances d’obtenir ce qu’elle voulait. Quand il s’agissait de son corps en tout cas, car quand il s’agissait de parler plus sérieusement, elle n’avait pas encore trouvé l’astuce. Mais elle ne désespérait pas, elle la trouverait un jour. Pour l’instant, la jeune blonde préférait pousser ces questions loin de son esprit, les oublier et se concentrer sur ce présent si agréable, sur la peau de Matthew, ses lèvres au creux de son cou. Son odeur. Oui, son odeur la rendait folle, si bien que dès qu’elle se prenait parfois à simplement fermer les yeux et inspirer un grand coup pour se sentir mieux. Elle le laissa faire, essayant de ne pas se raidir à ses mots. L’aimer ? Lizzie commençait à se demander si ce n’était pas déjà le cas, même si elle savait que ce n’était pas ce qu’il avait voulu dire. Elle se mordit la lèvre pour s’empêcher de répondre, préférant passer une main dans les cheveux de son amant, jouant avec ses boucles tandis qu’elle explorait son dos, ses fesses de sa main libre. Elle ne se lasserait jamais de son corps. Jamais. Elle le sentit se raidir contre son bassin et Lizzie ne put pas s’empêcher de sourire. Même s’ils avaient déjà couché ensemble souvent, elle aimait sentir qu’elle l’excitait, qu’elle arrivait à le fasciner peut-être un peu. Elle tira doucement sur ses cheveux pour le forcer à attraper son regard, cherchant quelque chose au fond de ses yeux. Elle avait parfois l’impression d’y lire plus que du désir, quelque chose qu’elle n’osait pas nommer. Elle se demandait s’il lisait la même chose dans son regard. Son coeur battant à tout rompre lui disait que c’était surement le cas. Elle l’embrassa avant de le pousser sur le canapé et d’enlever le haut qu’elle avait remis un peu plus tôt.

Lizzie reprenait doucement son souffle sur le canapé, ses jambes encore entremêlées avec celles de Matthew, sa peau humide contre la sienne. Elle aimait sentir l’odeur de Matthew sur sa peau alors qu’ils venaient de faire l’amour, comme s’il l’avait marquée, comme une preuve qu’elle lui appartenait. Elle se demandait parfois si Matthew aimait la sentir sur lui, s’il y faisait attention. Lizzie laissa échapper un soupir satisfait, essayant de profiter de chaque seconde car elle savait qu’elle ne pourrait pas profiter de ce moment de paix bien longtemps. Quelque part au fond de son esprit, elle savait que Matthew allait devoir partir, et même si elle essayait de l’ignorer le plus possible, cette réalité ne voulait jamais tout à fait la quitter. Elle ferma les yeux, essayant de se concentrer sur la respiration de Matthew contre elle, les légers mouvements de son corps, sa chaleur. Tout. Elle était en train d’essayer de faire une impression mentale de ce moment quand son amant prit la parole, la prenant quelque peu par surprise. Lizzie ouvrit les yeux un peu trop brutalement avant de se tourner vers lui. Elle fit de son mieux pour ne pas avoir l’air surprise. Elle avait déjà dormi ici plusieurs fois, mais c’était surtout quand ils s’étaient retrouvés trop fatigués pour se lever et qu’ils s’étaient endormis juste après avoir fait l’amour. Matthew ne lui avait jamais demandé de passer la nuit ici, et Lizzie se retrouva incapable de s’empêcher de sourire. Elle sentit son coeur cogner si fort contre sa poitrine qu’il donnait l’impression de vouloir s’enfuir. Ça, c’était un moment qu’elle avait envie d’imprimer dans sa mémoire à tout jamais. ”À condition que tu ne prennes pas toute la couette alors.” Mais bien sûr, elle ne l’admettrait pas. Elle lui lança un clin d’oeil avant de se pencher doucement vers lui pour déposer ses lèvres contre les siennes. Elle avait envie de lui demander s’il ne devait pas rentrer à Donwell ce soir, mais elle n’avait pas envie de gâcher le moment, elle avait l’impression d’être dans une bulle, une bulle qui pourrait éclater au moindre mot. Alors, Lizzie se fit aussi petite qu’elle le pouvait, se calant contre Matthew en priant pour que l’instant dure des heures, des semaines, des années.

Malheureusement pour Lizzie, il fallut bien se lever pour aller réchauffer ce qu’ils avaient commandé. Elle laissa Matthew partir, essayant d’ignorer le sentiment de froid soudain contre sa peau. Elle ferma les yeux et se força à se lever pour attraper le haut qu’elle avait jeté un peu plus tôt. Elle le remit avant de suivre Matthew dans la cuisine. ”Je peux aider ?  Tant qu’il ne s’agit que de réchauffer un plat au micro-onde, je devrais pouvoir m’en sortir.” Lizzie lui lança un sourire amusé tout en posant une main sur son épaule. Elle se mit sur la pointe des pieds pour planter un baiser rapide contre sa joue. Sa barbe gratta ses lèvres, mais Lizzie avait appris à s’y faire. Elle avait même apprit à aimer cette sensation. Elle se tourna vers les placards et commença à les ouvrir. ”Je vais mettre la table, tu veux une fourchette ou ça ira avec leurs baguettes ?” Elle se tourna vers lui en attendant sa réponse.

Son coeur battait encore fort contre sa poitrine, mais elle ne pouvait pas blâmer leur activité physique. Non, c’était bien différent. Elle avait l’impression d’un vrai couple, à mettre la table, à savoir qu’elle allait rester là cette nuit. Et cette idée la remplissait d’un sentiment de bonheur si intense que ça lui faisait presque mal.

Lizzie sentait son coeur battre fort contre sa poitrine, si fort que c’en était presque douloureux. Mais cette douleur, elle l’appréciait. Elle aurait donné beaucoup pour la ressentir plus souvent. Oui, elle avait couché avec beaucoup d’hommes, parfois avec des mecs très marrants, d’autres très beaux, parfois les deux, mais elle n’avait jamais rien senti de plus que le plaisir de la chasse, que l’attrait de la nouveauté avec eux. Elle avait changé d’amant souvent pour tenter de trouver cette étincelle, ce petit quelque chose que seule l’effet de nouveauté pouvait lui procurer. Enfin, c’était ce qu’elle avait cru. Jusqu’à Matthew. Même après plusieurs mois, il trouvait le moyen de la toucher comme jamais personne auparavant. De lui donner à la fois l’impression de pouvoir soulever des montagnes et en même temps de ne plus pouvoir tenir debout sur ses propres jambes. Elle n’avait jamais connu ça, et elle se demandait parfois si c’était ça que les gens appelaient le fait de tomber amoureux. Elle n’avait jamais pensé que ça lui arriverait un jour, mais en sentant le pouce de Matthew, elle fut bien obligée de remettre ses principes en question. Quelque part au fond d’elle, elle savait que c’était une mauvaise idée, qu’elle ne devrait pas s’attacher. Les paroles de Caesar lui revenaient en mémoire parfois, et parfois même, elle se prenait à les croire. Et pourtant, quoi que lui dise son cerveau, son coeur refusait d’écouter. Elle était spéciale pour Matthew, elle le savait, ça n’était pas possible autrement. Et elle allait leur prouver. À tous. Lizzie se laissa aller contre Matthew, profitant de la chaleur de ses lèvres, de l’odeur de sa peau si près de la sienne. C’était enivrant, si addictif que parfois Lizzie se demandait comment elle pouvait tenir deux jours entiers sans le voir, sans le sentir. Heureusement pour elle, ce soir, elle n’aurait pas besoin de se poser la question. Elle sentit son coeur faire un nouveau bond en se rappelant qu’elle allait dormir ici et elle se laissa traîner doucement vers la table pour commencer à manger.

Elle commençait à se sentir un peu fatiguée, mais elle ne l’aurait jamais avoué. Ces dernières semaines pesaient lourd sur ses épaules, comme une enclume à porter en permanence, une enclume qu’elle devait en plus cacher de ses proches. Non pas qu’elle en ait vraiment. À une époque, elle avait été proche de Landon, plus que de quiconque, mais maintenant qu’il était revenu ce n’était plus la même chose. Et il valait mieux ne pas y penser pour le moment, elle préférait se concentrer sur Matthew, sur quelque chose qui la rendait heureuse. Elle passa son doigt sur le dos de sa main avant d’attraper son regard pour lui sourire. Elle sentit son coeur s’arrêter l’espace d’une seconde, frappée une nouvelle fois par l’effet que Matthew avait sur elle. Elle se demanda s’il l’avait remarqué, mais elle s’imaginait que non. S’il se doutait de tout ça, il ne l’aurait pas invitée à rester. En tout cas elle n’osait pas l’espérer. Elle attrapa sa fourchette pour manger, se contentant de jeter des regards à Matthew régulièrement mais sans ressentir le besoin de parler. Elle avait le sentiment qu’ils étaient au dessus de ça maintenant, qu’ils pouvaient être à l’aise dans le silence. Elle se félicita intérieurement d’avoir choisi la fourchette plutôt que les baguettes pour manger, elle n’était pas bien adroite à deux mains, mais alors à une, elle se serait vite ridiculisée. Et même si on aurait pu les prendre pour un couple ce soir là, elle n’avait aucune envie de briser le mystère tout de suite. Elle préférait garder son aura, qu’il la voit encore comme quelque chose d’exceptionnel, et pas comme un quotidien ennuyeux. Le cerveau de Lizzie, ce traitre, lui rappela qu’il avait bien un quotidien quelque part, et qu’il ne faisait qu’essayer d’y échapper avec elle et elle s’éclaircit la gorge pour chasser ces pensées. ”Tu voudras regarder un truc après manger ?” Lizzie rêvait d’une soirée devant Netflix, juste eux deux sur le canapé à se caliner, et puis plus peut-être une fois au lit, selon l’état de forme du professeur. Elle aimait son corps, elle aimait lui faire l’amour, il n’y avait aucun doute là dessus, mais elle avait envie de quelque chose d’autre aussi, de quelque chose de presque plus intime. Elle caressa à nouveau sa main, lui lançant un regard qu’on aurait presque pu qualifier de timide. ”Un film un peu nul si tu veux, comme ça on s’en fichera si on rate la fin.”

Lizzie se sentait bien, simplement bien. Bien comme elle n’aurait jamais pensé pouvoir se sentir à vrai dire. Elle n’avait pas eu un très bon exemple de bonheur matrimonial avec ses parents, ni avec les parents de ses amis. Matthew et son mariage brisé n’avait fait que la conforter dans l’idée qu’il valait mieux ne pas s’attacher, que la vie de couple était sans doute trop compliquée, trop prise de tête pour elle. Elle s’était résignée au fait que ces couples qu’on voyait dîner ensemble, juste contents d’être l’un avec l’autre, ça n’existait que dans les films. Que dans les mauvais films en plus. Mais ce soir, avec Matthew, elle avait l’impression d’être dans un de ces mauvais films, et pour la première fois depuis qu’ils avaient couché ensemble, elle arrivait à entrevoir une happy ending à ce qui avait commencé comme une passade sans lendemain. Après tout, Matthew lui avait lui-même proposé de rester, ça voulait bien dire quelque chose, non ? Elle lui lança un sourire quand elle sentit sa main se poser sur le haut de sa cuisse, et Lizzie sentit son coeur se gonfler légèrement. Elle avait du mal à croiser Matthew à la fac parfois car elle savait qu’il ne pouvait pas lui parler, pas lui prendre la main, ou juste la remarquer d’une manière ou d’une autre. La main de Matthew sur sa jambe ce soir lui donnait l’impression de lui appartenir, et elle aimait la sensation plus qu’elle ne l’aurait pensé.

Ils finirent de manger avant de se poser dans le canapé, Lizzie venant immédiatement se caler contre Matthew pour en profiter un maximum. Même si elle savait qu’il lui restait la nuit devant elle, Lizzie ne pouvait pas s’empêcher de penser au lendemain, au reste du weekend, au fait que Matthew allait devoir retourner chez sa femme. Ils ne faisaient que repousser l’inévitable, mais elle était bien déterminée à le repousser le plus possible. Elle sourit contre Matthew en l’entendant commenter le film, dire qu’il était nul. Elle ne pouvait pas le blâmer, mais même en sachant que le film était mauvais, elle ne pouvait pas s’empêcher de l’apprécier. Malgré tous ses efforts, elle était restée très partiale aux comédies romantiques, c’était son péché mignon, un qu’elle gardait loin de la connaissance de ses amis bien sur. Pourtant, avec Matthew, elle n’avait pas autant l’impression de devoir se cacher. Elle donna un léger coup dans son bras mais en souriant. ”Arrête de te moquer, c’est marrant.” Lizzie était en train de pencher pour attraper une amande quand Matthew reprit la parole, et elle sentit son estomac faire une sorte de saut périlleux. Elle porta l’amande à ses lèvres avant de lever le visage vers celui de son professeur, un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Mon dieu, rien que de voir son visage, elle se sentait déjà succomber. Il aurait pu faire ce qu’il voulait d’elle, et elle l’aurait laissé faire. Le plus inquiétait, c’était qu’elle aimait ça. ”Ah oui ? Il va falloir y aller fort alors parce que le héro est plutôt mignon.” Lizzie se poussa légèrement du dossier du canapé pour se placer face à Matthew, faisant mine d’examiner les traits de son visage avant de se tourner vers la télé, comme pour les comparer. Son regard moqueur s’adoucit légèrement tandis qu’elle passait une main dans ses cheveux. Quand elle reprit la parole, ce fut en espérant réussir à provoquer assez Matthew pour qu’il lui arrache ses vêtements le plus vite possible. ”Je ne sais pas, ça va être dur de choisir entre vous deux. J’espère que tu as de bons arguments...”