❝ the sound of silence ❞ // oliver

❝ the sound of silence ❞

Andie arpentait les allées de l’exposition éphémère de Brighton d’un oeil amateur. Elle circulait comme un électron libre à la recherche d’une perle rare qui ferait bondir son coeur. Elle n’avait pas l’intention d’acheter l’un de ces engins, loin de là. Elle ne possédait déjà pas le permis et encore moins celui qui lui permettrait de monter sur un magnifique bolide. Néanmoins, elle aimait poser ces petits yeux sur ces merveilles dans l’espoir, peut-être, qu’un jour elle parviendrait à remonter dessus. Monter à bord d’une voiture était déjà un problème certain, un traumatisme qui ne s’enlèverai pas de sitôt de son esprit. Si elle n’avait pas vécu l’accident de ses parents, elle avait une énorme réticence à grimper dans un engin capable de causer la mort de deux êtres chers.

Ainsi, Andie était devenue comme phobique à l’idée de grimper dans un engin mécanique. Voiture, moto, avion, train. Il lui semblait qu’il n’y avait rien de sûr là-dedans, que des gens pouvaient mourir. Et elle avait peur de mourir, elle voulait encore vivre. Et aurait voulu aussi ramener ses parents ; mais on obtient pas toujours ce que l’on souhaite. Elle avait donc fait le trajet à vélo, jouant les sportives du moment.

Ses yeux roulèrent doucement sur une Honda 750 rouge. La peinture était légèrement métallisée. Elle s’arrêta un instant devant celle-ci, pratiquement subjuguée par l’engin.
— La Honda CB 750 Four. Elle possède beaucoup de prestige. Elle date de 1972. 65 chevaux, quatre carburateurs, 4 cylindres. Un démarrage électrique, annonça le propriétaire. C’était un homme âgé d’une cinquantaine d’années, les cheveux gris plutôt longs, une bonne barbe blanche et un look vintage. Il portait même une veste en cuir et un bandana rouge autour du cou, ce qui fit rire la petite Andie. Il se présenta en lui serrant la main.
— Ce modèle a les pattes de phare chromés.
— En effet, spécificité de l’année de commercialisation. Vous vous y connaissez plutôt bien en moto, c’est rare de voir une jeune fille aussi cultivée dans le domaine, lance-t-il avant qu’une silhouette approche.

Perfection. Cette expo n'était que perfection. Oliver avait l'impression d'être un gamin dans un magasin de jouets et étrangement, il appréciait énormément ce sentiment de liberté et d'insouciance qui l'envahissait. Une exposition sur les motos vintage, des bijoux de collectionneurs, des bécanes retapées et remises en neuf sans avoir dénaturer leur finesse, leur cachet. Le jeune Oakes avait préféré se rendre seul à l'expo, ne voulant pas être dérangé dans ses réfléxions et ses négociations avec d'éventuels vendeurs. Il était quasiment sûr que Max aurait apprécié l'accompagner, mais il aurait été capable de transformer cette journée de recherche sérieuse en soirée improvisée dans un bar et il aurait oublié jusqu'à son prénom le lendemain. D'ailleurs, Oliver se rendait compte qu'il était devenu un pote de beuverie pour son quasi-cousin et ça ne lui plaisait pas trop. Pas qu'il n'appréciait pas passer des soirées arrosées en sa compagnie, plutôt que le blond se demandait si tout ça n'était pas qu'une jolie façade, qune façon un peu d'oublier le reste. Il se promit intérieurement de creuser le sujet, sans passer pour un gros con intrusif, puis il revint au moment présent. Il s'était décidé à acheter une merveille aujourd'hui, et il le ferait. Maintenant, il allait devoir la trouver. Parce qu'après une bonne heure à arpenter les allées, il avait beau avoir vu de beaux modèles, il n'avait pas eu le coup de coeur. Prenant une profonde inspiration, fermant les yeux pour faire appel à tous ses sens pour qu'ils lui permettent de trouver la perle rare, il perçut une conversation pas très loin de lui. Une Honda 750, de 72, pattes de phares chromées. Une voix de femme prononça ces derniers mots. Des mots qui résonnaient à ses oreilles comme les vrombissements du moteur de sa Triumph adorée. Une pépite en prévision.

Il s'approcha du stand en question, salua d'un signe de tête le vendeur et se posa aux côtés de la demoiselle qui semblait effectivement connaisseuse, sans lui décrocher un mot, ni ne la regardant particulièrement. Il détailla cependant la moto, effleura la carrosserie rouge impeccable, les poignées du guidon sans défauts, il s'accroupit afin d'observer le pot, les roues, l'assise. Il remarqua que des modifications avaient été apportées afin de respecter les nouvelles normes, préservant pour autant toute sa superbe. Deux freins à disques, j'imagine ? Les phares aussi ont été changés, à ce que je vois. Le moteur est d'origine ? il leva la tête vers le vendeur qui lui répond, presque piqué au vif, Absolument, ça aurait été un tel gâchis. Elle a roulé un peu, quelques 5 000 kilomètres, rien de bien méchant pour ce genre de modèle. Oliver acquiesça d'un air songeur, concentré, intéressé. Toujours accroupit, il tourna son regard vers la demoiselle qui semblait bien s'y connaître et lui lança Très bon choix, en tout cas accompagné d'un sourire franc qu'il n'adressait pas souvent, avant de la détailler un peu plus. Son regard se posa sur ses yeux, ses cheveux, ce visage qu'il avait déjà vu quelque part, il en était absolument certain. Pour l'instant, il était incapable de faire une connexion, mais ça lui reviendrait, il voulait que ça lui revienne, une si jeune passionnée de bécane, ça avait le mérite d'attiser sa curiosité. Il se redressa, un peu curieux, mais se concentra à nouveau sur l'engin et le vendeur, reprenant contenance et surtout : prêt à se battre. La connaisseuse avait beau sembler très jeune, Oliver savait aussi que dans ce genre d'endroit, n'importe qui peut dépenser une fortune. Vous me dites un prix, qu'on commence les débats ? Évidemment je pense que mademoiselle va s'abstenir. Je ne pense pas qu'elle puisse se permettre une telle pièce de collection. Bien entendu, il n'en savait rien. Mais il avait appris que le meilleur des atouts dans la négociation était de déstabiliser son adversaire, de prendre l'avantage dès le début. Il avait jeté son dévolu sur cette moto, il ne partirait pas sans.

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@oliver oakes

Andie haussa un sourcil face à la remarque du vendeur. Que voulait-il dire par là ? Elle avait peur de le prendre un peu trop mal, d’être piquée au vif. Elle aurait aimé lui balancer quelque chose en pleine figure pour le calmer tandis qu’il la détaillait du regard, histoire de lui faire ravaler la salive qui bavait au coin de sa bouche, mais elle n’eut pas le temps de s’exprimer qu’une voix s’était élevée derrière lui. Un grand homme blond avait débarqué sans lui prêter la moindre attention, préférant faire glisser ses mains sur la carrosserie de la moto sur laquelle elle avait jeté son dévolu. Si Andie savait qu’elle n’avait clairement pas l’argent pour se permettre d’acheter une telle pièce de collection, elle sentait une forme de tension naître à l’instant même où le blond avait ouvert la bouche. En le regardant de dos, elle était persuadée de l’avoir déjà vu quelque part, mais elle n’était pas bien sûre de se souvenir d’où il venait.
Alors qu’il se relevait pour discuter avec le vendeur, la jeune demoiselle commençait à bouillonner doucement. Lorsqu’il commença à la détailler, c’est à ce moment qu’elle finit par lâcher, méfiante : « J’t’ai d’jà vu quelqu’part toi, ta tête me dit quelque chose. Comment tu t’appelles ? » demanda-t-elle sans se poser de question. Andie agissait toujours ainsi, elle n’avait pas peur de ce monde et elle était parfaitement capable de le faire comprendre à ceux qui l’entouraient, malgré son jeune âge.

Elle sent la compétition prendre place entre entre, une vague de méfiance s’attaque à la demoiselle, elle forge sa forteresse, regarde précieusement les cartes de son jeu, prête à attaquer. Première pique lancée, c’est son tour. Son heure de gloire, le moment de bluffer et de ne pas se laisser déstabiliser même s’il parvient tout de même à la toucher. Elle n’est pas prête à se laisser faire par un gamin — même s’il a presque dix ans de plus. « J’suis pas ici pour regarder les vendeurs dans le blanc des yeux, si vous voulez tout savoir. Ni pour juste rester plantée devant les motos. » lance-t-elle. Voyant qu’il avait deux potentiels acheteurs, l’homme qui les zieutait se chamailler finit par répondre au blond, tout en passant son regard d’une personne à l’autre. « Avec si peu de kilomètres, le fait qu’elle soit presque neuve avec quelques petites modifications de choix, je peux vous la faire à 8000 £. » Devant l’annonce d’un prix aussi exorbitant — qu’elle ne pouvait largement pas se permettre, Andie fit une grimace qu’elle s’empressa de cacher, de peur que le blond ne se serve de cette réaction pour en déduire que c’était gagné d’avance. Elle n’allait pas le laisser gagner si facilement. « 10 000 £ »

Il était prêt à se battre, prêt à dilapider son argent –celui de son père, surtout- afin d’obtenir cette merveille. Quand la jeune femme qui se tenait à ses côtés, ou peut-être devrait-il dire la rivale, l’interrompit pour lui demander son nom et lui dire qu’elle l’avait déjà vu, il ne pût s’empêcher de pouffer d’un petit rire condescendant. Tout le monde me connaît, ici. C’était présomptueux et surtout entièrement faux. Tout le monde le connaissait à Donwell, ou du moins tout le monde connaissait sa famille, mais malgré le fait que le nom des Oakes avait réussi à faire sa place jusqu’à Brighton, il n’avait pas encore atteint la même réputation qu’au village voisin. Mais il se garda bien de le préciser à la petite insolente qui lui parlait comme si c’était le dernier des débiles. Il préféra ne pas lui répondre pour se concentrer sur la moto, le vendeur. Mais alors qu’il présumait que la petite demoiselle n’allait pas faire de siennes, qu’elle allait le laisser acquérir ce bijou tranquillement, voilà qu’elle contre-attaquait avant de faire une offre bien au-dessus de la mise de départ. Il écarquilla les yeux et se tourna vers elle, essayant de voir dans sa tenue ou sa façon de se tenir d’où elle pouvait sortir autant d’argent. Même si il était conscient qu’il fallait toujours se méfier des apparences, là c’était quand même au-delà de ce qu’il imaginait. Ou alors, elle bluffait. Sauf que si c’était le cas, elle venait de lui faire perdre 2000£ rien qu’en ouvrant la bouche. Putain. Il la scruta, essaya de se souvenir d’où est-ce qu’il pouvait bien l’avoir déjà vu, parce qu’il côtoyait beaucoup de familles riches et qu’il devait forcément l’avoir déjà vu quelque part, lui aussi. Monsieur, vous surenchérissez ? l’interrompit le vendeur alors qu’il avait l’impression de mettre le doigt sur quelque chose dans son esprit, de recoller des morceaux. Attendez, taisez-vous. lui répondit-il sans détourner ses yeux de la demoiselle, tendant un index réprobateur à l’attention de celui qui l’avait coupé. Excusez-moi, mais madame a entamé les négociations et si vous ne… Vous voulez que quelqu’un vous achète cette moto, non ? Donc fermez-là deux minutes, je réfléchis putain. L’interrompit à son tour Oliver, détachant finalement ses yeux de la jeune femme pour poser un regard méprisant sur le vendeur qui décida qu’il était plus sage de l'écouter. Et quand il reposa ses yeux sur elle, il comprit, il su, il avait enfin trouvé. Et un sourire s’afficha sur son visage. Une Sherwood. Il ne connaissait pas son prénom et il s’en foutait un peu, mais il était persuadé de l’avoir déjà vu avec l’autre gland qui tenait la supérette concurrente de Donwell, qu’il avait déjà entendu parler d’elle, qu’elle répondait parfaitement à la description qu’il en avait eu de son père les nombreuses fois où il lui avait parler des rivalités familiales. C’était fou comme le fait de savoir qu’elle appartenait à cette famille de ratés lui donnait subitement l’impression d’avoir tous les avantages, de pouvoir s’amuser. Satisfait, il se tourna de nouveau vers le vendeur, croisant les bras. Je vais laisser la demoiselle s’offrir cette belle monture. dit-il en souriant, absolument ravi. Parce qu’il savait, oh oui il savait très bien maintenant, qu’elle n’avait pas les moyens. Et il n'avait pas envie de la laisser surenchérir toujours plus, de la laisser lui faire perdre de l'argent, alors qu'il était persuadé qu'elle n'aurait même pas pu se payer un pneu.

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Elle le trouvait présomptueux, à penser que tout le monde le connaissait dans le coin, à croire qu’il était une star internationale. L’était-il ?
Elle en aurait entendu parlé, pour sûr. Andie savait qu’elle risquait gros à vouloir trop jouer avec le feu. Elle gagnait sa petite monnaie chaque mois, à force de travailler tard le soir au White Horse, mais pas suffisamment pour surenchérir si son adversaire décidait d’augmenter le prix. Néanmoins, elle avait bien envie de lui fermer son clapet, au risque de se vautrer lamentablement. Un sourire satisfait apparut sur ses lèvres lorsque le vendeur commença à poser une légère pression sur les épaules du blond. Elle sentait qu’il était aussi joueur qu’elle, elle gagnerait.
Mais alors qu’elle s’attendait à ce qu’il laisse le montant d’une belle enchère sortir de sa bouche, il ne faisait que la scruter, sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Il laissait ses yeux glisser de la tête aux pieds de la blonde qui s’apprêtait à lui lancer une pique quand le vendeur recommença à pousser pour qu’il surenchérisse. Sûrement qu’il souhaitait empocher davantage, elle s’en doutait. Elle n’était que spectatrice de cet échange, profitant de cet instant pour essayer de retrouver où est-ce qu’elle avait déjà vu son visage. Mais où ? À la fac ? Elle le trouvait bien trop vieux pour ça. À Donwell ? Est-ce qu’elle l’aurait déjà croisé dans la rue, échangé un regard cordial ou un « bonjour » des plus banals en signe de politesse ? Non, quelque chose de plus gros semblait se cacher derrière cet homme. Il n’était pas n’importe qui !
Il était un Oakes ! Et lorsque cette nouvelle lui frappa l’esprit, elle eut une mine exorbitée, comprenant son erreur d’enchérir sur une moto qu’elle ne pouvait pas se permettre de payer et qu’il serait capable de lui laisser sur les bras. Son coeur battait la chamade, à force que les morceaux du puzzle ne s’emboîtent les uns dans les autres. Sa confiance avait laissé place à de la méfiance tandis que M. Oakes lui laissait évidemment la moto sur les bras. « Nan, tu peux pas me faire ça. Tu sais que je peux pas me payer un bijou pareil, bordel ! C’est bon, t’as gagné, je te la laisse ta stupide moto, t'es content ? » dit-elle énervée. Il n’avait pas fallu longtemps pour qu’elle file au quart de tour. « Excusez-moi pour le malentendu, M’sieur. » annonça-t-elle au vendeur avant de tourner les talons. « Eh, vous pouvez pas vous en aller comme ça ! Revenez ! » cria l’homme en tentant de la rattraper. « Je fais ce que je veux, laissez-moi partir ! » lança-t-elle alors qu’il venait d’attraper son bras. Andie se débattait mais le vendeur avait de la poigne. « Lâchez-moi ! »

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