« i knew you were trouble. » — ((A&W#00))

Elle le voit s’étonner. Et elle se surprend à apprécier de le voir ne pas savoir qui elle est. Il l’a jugé donc, si vite. Ça ne la déçoit, ça la conforte dans l’idée qu’elle peut arriver encore à avoir quelques secrets pour lui. « Tu es le genre de garçon à vivre ce genre de passion. Enfin, à être le destructeur, tu vois ? Ou alors, t’essaie de t’en convaincre. Pour te donner une certaine puissance sur l’autre. » Winnie sait des choses, elle est loin d’être idiote, même si elle fait la petite sage. Les garçons qui brisent les cœurs des adolescentes, ils sont légions. Pourquoi lui dérogerait-il à la règle alors qu’il suinte littéralement par tous les pores de casser tout ce qu’il touche, tout ce qu’il croise ? Pourtant, pour la première fois de sa vie, Winnie se sent attirée par sa détresse. Peut-être que c’est ses yeux, la façon dont il la dévore. Peut-être est-ce juste ses lèvres, qui l’appellent de façon aussi indécente. Elle ne saurait le dire. « Je n’aime pas Roméo et Juliette. Je trouve même que c’est le plus grand échec de William Shakespeare. En revanche, j’ai adoré Hamlet, Othello et Le songe d’une nuit d’été. Par exemple, Ophélie est tellement aveuglée par son amour pour Hamlet, qu’elle finit par en mourir, alors qu’il ne la voit pas. Je la plains, mais en même temps, je la comprends. Hamlet a perdu son père, il cherche des réponses, lui-même aveuglé par sa quête de questionnement. Ce dévouement, cette abnégation, ce besoin de l’autre. C’est ce qui me passionne le plus. Cela me fascine autant que cela m’effraie. » Shakespeare a toujours été un de ses auteurs préférés. Elle voyait en lui un dramaturge amoureux d’une femme qu’il ne pouvait pas avoir, frustré de ne pas pouvoir vivre son amour avec elle. Cet interdit qui transparaissait dans chacun de ses personnages. Parce qu’il ne savait pas comment le dire, comment le vivre. Winnie en était peinée en pensant à ce qu’avait du être sa vie sans son amour. « Au moins, j’essaie d’apprendre à te connaître. Au lieu de juste voir sa Majesté. Ça ne doit pas t’arriver tous les jours, si tu te braques autant. Qu’on aille un peu fouillé et cherché pour réellement comprendre qui tu es. C’est dans ma nature quand je vois qu’il y a plus qu’un simple sourire, qu’un simple regard, qu’une simple haine viscérale. Peut-être que je suis masochiste d’essayer après tout. Icare a bien fini par se brûler les ailes. » Elle hausse les épaules, nonchalamment comme pour montrer une forme de je m’en foutisme. Alors qu’en vérité, elle lui dit clairement ce qu’elle veut. « Je n’ai pas dit que tu ne devais pas. J’ai juste dit que si Brittany est la plus présente, pas sûr qu’elle apprécie. Je n’ai pas peur d’elle, ni même de toi. Très peu de chose m’effraie dans la vie. Même l’inconnu me plait. » De nouveau, Winnie lui sourit, avec une lueur de défi dans les yeux. « Donc c’est toi le plus romantique de nous deux. Je note ! » Elle fait semblant de le marquer sur une feuille invisible comme si elle dressait une liste sur lui. Puis elle laisse échapper un petit rire, totalement cristallin. « Va pour le côté social et toi économique. Effectivement, ça se rejoindra forcément, vu que l’un fait pâtir l’autre. Et inversement. En faire un débat, ça promet d’être amusant. On pourrait même répéter pour bien nous perfectionner. Histoire que, l’on soit coordonnés. Et… t’as l’air plus sympathique quand tu te laisses aller. Crois-moi… Alistair c’est ça ? » Winnie fronce les sourcils, feintant de ne pas savoir. Alors qu’elle sait comment il s’appelle. Elle ne peut s’empêcher de trouver que ce prénom lui va merveilleusement bien.

Winnie sait qu’elle fait volontairement fausse route. Il lui a dit un peu plus tôt. Elle prêche le vrai du faux. Tentant de déceler la douleur derrière la forteresse imprenable. Mais elle n’a pas peur, elle sait qu’au fond, il n’est pas aussi mauvais qu’il s’en donne l’air. Il y a du bon en lui. Ni totalement optimiste. Ni totalement pessimiste. Il reste une part qui veut croire en l’avenir. Même si ça lui fait mal. Winnie détecte toute sa myriade d’informations dans sa gestuelle, dans ses mots, c’est pour ça qu’elle suppose. Qu’elle le prend à parti pour comprendre ce qu’il pense réellement. Et il est fascinant. Tout et son contraire. Ton et rien à la fois. Mais pour elle, c’est beaucoup, bien trop qu’elle ne puisse espérer avoir. Il se donne un air qui ne lui va pas Alistair, et malgré tout, elle ne peut s’empêcher d’aimer ce qu’il lui fera. « Alors montre-moi. Je n’ai pas peur de voir qui tu es vraiment. » Winnie devrait, le bout de ses doigts brûlent déjà rien qu’à l’idée de l’approcher, même de façon invisible. La bulle qui l’entoure ne la décourage pas, elle l’attire, davantage encore. C’est enivrant. « Je pourrais t’aider dans d’autres matières que celle-là. Tu ne sembles pas si bête que t’en donne l’air. Si tu le veux bien sûr. » Sa conclusion sur Ophélie l’intriguait et lui enserrait le cœur. Elle ne s’attendait pas à une telle analyse Winnie. « Nous possédons nous-mêmes nos propres armes pour nous détruire. Parfois, c’est un souvenir. Parfois, c’est un sentiment d’infériorité. Parfois, il s’agit juste de colère. Nous sommes tous différents et nous voyons tous différemment les choses qui nous entourent. Sinon, je crois que l’on s’ennuierait à être tous pareils. » Elle laisse échapper un petit rire amusé avant de se laisser retomber sur sa chaise pour se calmer. « Si je te pose des questions, je suis persuadée que tu n’y répondras pas. Je suis donc bien obligée d’en déduire par moi-même. Mais puisque tu insistes… qu’est-ce qui te rend si malheureux, si en colère pour que tu en viennes à te blesser à la main ? Et je répondrais à une des questions en échange. Chacun son tour. » La lueur de défi dans ses yeux brille cette fois au fond de sa pupille. Winnie aimerait croire qu’il parlera cette fois. Ou qu’il fera au moins l’effort de le faire. Il lui a bien dit qu’elle devait juste poser les questions non ? « Je pense que tu es un rêveur. Parce que sans les rêves, on n’irait pas bien loin. Un rêve est semblable à une idée. Qui germe. Germe dans notre esprit, jusqu’à rester ancrer là, pour ne plus y bouger. C’est un peu, parfois, l’espoir qui nous manque le rêve. Les rêves nous rendent vivants, parce que justement, ils ne sont que des rêves. Des poussières que l’on ne peut pas attraper mais que l’on respire, que l’on sent. C’est important les rêves. Même si parfois, un rêve est tout aussi dangereux, tout aussi cruel. Quel serait le tien ? » Elle a beaucoup de rêves Winnie, bien trop pour toute une vie. Mais elle aimerait savoir si lui, lui aussi en a quelques-uns. Même les garçons en ont. Mais lui, c’est un être brisé, pour sûr, quand elle y songe. Et la seule chose qu’elle veut, juste en le regardant, c’est de recoller ses morceaux, un par un, quitte à se brûler les ailes. Parce que ça en vaudrait la peine. « Je ne baisse pas facilement les bras. Il en faudrait bien plus. Et puis, tu es une énigme pour moi, que j’ai envie de comprendre, de résoudre. Ne pas savoir m’intrigue. » Winnie s’était rapprochée de son visage tout en fermant son bloc-note. Elle le range dans son sac, ainsi que sa trousse, avant de se lever. « Chez toi ? Cela ressemblerait presque à un rendez-vous. Mais j’accepte. Et j’aime le silence des grandes bibliothèques. Donne-moi ton heure et ton jour, l’adresse aussi. Oh et appelle-moi Winnie, ou Rosie. Rosie est le diminutif de mon second prénom, Rosalind. L’on me nomme très rarement Rosie, ça pourrait être un code entre nous, Stairs. Ça te va plutôt bien. Tu ne trouves pas ? » Elle penche sa tête sur le côté avec un sourire comme pour lui montrer qu’elle aime leur complicité. Parce que c’est le cas. C’est tout ce qu’elle aurait sans doute, mais pour l’instant, ça lui suffit déjà bien assez.

Leurs échanges sont la plupart du temps étranges. Parfois, ils se parlent, parfois ils se cherchent. Winnie ne sait jamais réellement sur quel pied danser avec lui, mais, ça ne la dérange pas, au contraire. Ça l’enivre ce jeu interdit, ce côté dangereux. Parce qu’elle sait, qu’il est dangereux, que tôt ou tard, avec perte et fracas, ça va la briser au-delà même du réparable. Mais pour l’instant, Winnie est aveuglée par ce délice qu’il lui offre, ce nectar divin qu’est l’aura autour de lui. Elle ne l’explique pas, elle, d’habitude si prudente, si douce, mais il a attisé sa curiosité, comme on allume un incendie, impossible à éteindre désormais. « Comment tu fais pour le supporter ? » Nolan et elle passaient pas mal de temps ensembles. À dire vrai, il a été le seul à oser l’approcher après tout ce qu’il s’était passé. Winnie trouvait en lui une présence, un certain réconfort pour contrebalancer avec la violence qu’elle entrevoyait dans le regard de Stairs. « On bosse juste ensembles lui et moi. » Elle ment, bien sûr, elle ne veut pas admettre à voix haute qu’il y a plus. Parce qu’il aura toujours plus. « Winnie… il passe son temps à te dévorer du regard. » Elle pique un fard monumental et elle remercie la porte de son casier de la cacher à Nolan. Elle le sait, mais elle refuse d’y croire. « Bullshit. Son genre, c’est Brittany. Et je n’ai rien avoir avec elle moi. Puis il n’est clairement pas mon style. Bien trop imbu de lui-même. Bien trop… trop tu vois ? » Nolan rit en baissant la tête alors que Winnie referme son casier après avoir pris son livre pour le prochain cours. « En tout cas, je ne sais pas si c’est toi, mais... il semble déjà bien plus calme. — Si je lui faisais un quelconque effet que ce soit, je serais la première au courant Nolan, trust me. En attendant, je dois admettre… qu’il est moins stupide qu’il s’en donne l’air lorsque l’on fait notre exposé. Et ça le rend encore plus supportable. — Peut-être qu’il te craint ! — Come on Nolan. Comment pourrait-il me craindre, sérieusement ? » Mais ils sont stoppés au bout du couloir par Brittany et sa petite troupe. Elle affiche un sourire assez désagréable, suffisamment pour que Winnie comprenne que ça ne sentait pas bon. « Tiens donc, c’est justement vous que je cherchais. Ça va Nolan ? Ta petite branlette d’hier ne t’a pas trop fait mal j’espère ? » Le concerné recule d’un pas, gêné, mais Winnie le retient par le poignet pour lui dire qu’il n’a pas à fuir, qu’il n’a rien à craindre, elle est là. « Brittany... c’est fou comme tu ne m’as absolument pas manqué. » Et elle lui rend ce même sourire désagréable, tout aussi hypocrite. La pompom girl la dévisage de la tête aux pieds en plissant des yeux mais Winnie garde ostensiblement ce sourire collé sur les lèvres pour la déstabiliser. Parce qu’elle sait à quel point c’est désagréable. « Mh. Peu importe, Doherty. Je vous cherchais car j’organise une soirée vendredi soir chez moi et vous êtes invités. » Brittany lui tend l’invitation. Ça semble correct, mais avec Brittany, on n’est jamais sûrs de rien. « Pour nous humilier je suppose ? Un verre d’alcool, avec un petit cachet ? Prends-moi pour une idiote en plus de ça. — Il y aura de l’alcool en effet. Mais aussi du jus de fruits. Personne ne t’oblige à en boire. Et pour te répondre, c’est surtout pour vous intégrer. J’invite même les gothiques. » L’idée que Stairs sera à la soirée lui traverse l’esprit. Et bien évidemment qu’il y sera, c’est un populaire. Brittany, une de ses conquêtes. Forcément qu’il viendra donc. « On viendra. Et s’il se passe un seul truc, je te le ferai payer. — Détends-toi. On dirait une teigne. » dit-elle avant de les dépasser en se moquant.

« T’y vas avec qui déjà ? » Winnie lève les yeux au ciel alors qu’elle finit de se préparer. Elle n’a rien mit d’affriolant, juste un short en jean avec un débardeur assez plongeant, par-dessus un gilet et des converses. « J’y vais avec Nolan papa. Tu sais, le garçon que tu as rencontré hier et qui est inoffensif mh ? — Logan, c’est une grande fille. Elle sait se défendre mh. — Thanks mom’. » Winnie leur dit au revoir avant de prendre ses clés et de rejoindre Nolan devant chez elle. Ils se rendent chez Brittany à pieds. Une résidence de luxe, bien évidemment. « T’es toujours sûre de vouloir y aller ? — Maintenant qu’on est là... on n’a pas trop le choix non ? » Nolan lui sourit doucement en riant. Quand elle entre, Winnie observe la débauche des lieux. Il y en a qui sont déjà sacrément alcoolisés. Le sol est, quant à lui, maculé de nourritures en tout genre. Chips, beignets, gâteaux. « Oh Lord… — Ça craint… » Des bruits de bagarres se font entendre, il y a aussi de la musique. Elle cherche du regard, sans le vouloir Stairs, inconsciemment. Peut-être pour se rassurer, elle ne sait pas vraiment. Juste… elle a besoin de le savoir là. Mais quelqu’un s’empare de son bras à la volée et l’entraîne à l’écart. Winnie n’a pas le temps de comprendre qu’au parfum qui lui parvient, c’est lui. Quand il se met devant elle pour lui parler, ses yeux montrent de l’inquiétude. Elle déglutit difficilement avant d’épousseter son gilet de la trace qu’il lui a faite. « Je suis au courant. Nolan et moi, on a eu une invitation. Et je ne suis pas stupide, je sais très bien qu’elle prépare quelque chose. » C’est bien plus profond que ça qu’elle voit dans ses pupilles. Pire, il ne soutient pas son regard et quand elle le sent un peu trop bas, dans son décolleté, elle croise les bras après avoir remonté son gilet. « Mais si notre présence te gêne, je me casse. T’as été clair je te rappelle… Stairs. » Elle a hésité à le dire, à le prononcer et elle l’a fait avec une voix chancelante, comme si, ça lui appartenait, qu’à elle seule. « S’il se passe un truc, je saurais me défendre. Je ne bois pas d’alcool de toute façon. Deal ? »

Elle acquiesce les conseils, d’un signe de tête. Il semble inquiet pour elle. Vraiment inquiet. Pour une raison qui lui échappe. Peut-être qu’elle ne fabule pas cet attachement. Peut-être qu’il y a vraiment quelque chose entre eux. Elle ne sait pas, mais sa façon de s’inquiéter la touche. « Merci… » qu’elle souffle alors qu’il est déjà parti. Nolan la rejoint, les sourcils froncés. « Est-ce que ça va ? Il ne t’a rien fait ? » Elle secoue la tête, un peu gênée. Non, il ne lui a rien fait et c’est bien là tout le problème. Il aurait dû, il aurait pu. Au lieu de ça… « Il… il m’a mise en garde pour la soirée. » Même elle, ça la surprend de le dire à voix haute. Comme si c’était… surréaliste. Oui, surréaliste. Elle l’a vu dans ses yeux, ce n’est pas tant sa présence qui le met si en colère. Et elle l’a très bien compris Winnie. Même si ça la déstabilise. Elle retourne à l’intérieur avec Nolan et ils se mettent tous les deux dans un coin. Ils discutent de tout et rien. Elle ne peut s’empêcher de sentir le regard de Stairs sur elle, même s’il se veut discret. Winnie tente tant bien que mal de ne pas y répondre, par-dessus son verre, mais c’est bien plus fort qu’elle ne le pense. Ce regard, ces yeux, lui tout entier, l’appelle et ça la tue. Par moment, elle frissonne en sachant qu’il la dévore des yeux, de sentir ses prunelles bleues glissées sur elle avec une telle avidité. C’est brûlant et elle lutte comme elle le peut pour ne pas combler les quelques mètres qui les séparent pour l’embrasser. Puis, Brittany choisit de faire ce qu’elle sait faire de mieux, s’amuser. Elle provoque Winnie, en sachant pertinemment qu’elle va accepter. Non pas par esprit de contradiction, mais parce qu’elle veut lui montrer de quoi elle est capable. Forcément, Brittany l’installe à côté de Stairs et Winnie sent sa main la toucher brièvement, du bout des doigts. Elle ne le montre pas, mais le choc est électrique, grisant et un frisson agréable parcourt son échine. Il ne semble pas ravi, alors il boit. Parce que, finalement, c’est tout ce qu’il peut faire de mieux. « D’accord. J’espère au moins que tu feras preuve d’imagination. Je n’en attends pas moins de toi Brittany. » Winnie la provoque volontairement, avec un sourire sardonique. Si elle veut jouer à ce jeu, elle ne sait pas quel genre de personne se trouve en face d’elle. Alors que tout le monde la regarde, Winnie prend une profonde inspiration en fermant les yeux avant de tourner la bouteille. Elle a les mains moites et elle tremble légèrement. Pourtant, il la regarde, comme pour la rassurer, tacitement. Winnie l’observe du coin de l’œil avant que la bouteille ne s’arrête sur lui. Leurs yeux s’accrochent, surpris. Ils savent ce que ça veut dire. « Quelle drôle de coïncidence. Vous ne trouvez pas ? » Winnie la voit jubiler la garce et elle manque de sauter par-dessus la table pour la déchiqueter à mains nues. Mais à son grand étonnement, alors qu’elle est sur le point de se lever, il la retient, par le poignet. Il ne le fait pas de manière brusque, elle s’étonne à trouver le geste tendre. Aussitôt, elle se ravise en faisant craquer ses doigts sous la table pour ne pas flancher face au sourire vainqueur de Brittany. « C’est quoi le gage ? Qu’on en finisse. » Elle les voit pouffer de rire, comme si elle avait déjà tout préparé, à la lettre. « Embrasser Alistair, pendant quinze secondes. Et avec la langue. Si tu refuses, tu auras un autre gage, bien pire. » Winnie écarquille les yeux sous la surprise. À celle-là, elle ne s’y attendait pas et à en juger par le bruit de froissement du gobelet de Stairs, lui non plus. Ses yeux vrillent vers lui, désolée. « Tu as le droit de refuser et je le comprendrais. » Et au fond d’elle, elle espère tout le contraire.

(( THEME )) // Elle a peur. Pas pour elle, mais pour lui. Winnie sait que Brittany a fait exprès pour la détruire, pour avoir une vraie raison de l’anéantir. C’est pour ça qu’elle a tenté de lui laisser une porte de sortie, qu’il ne leur inflige pas ça. Mais finalement, il accepte. Et elle voit dans ses yeux à quel point il est même déterminé à le faire. En tentant de s’approcher, il la repousse, elle écarquille ses deux orbes marrons, surprise, avant de voir qu’il lui tend la main pour qu’ils se lèvent. Winnie finit par comprendre qu’il veut la protéger, encore, de nouveau. Qu’il ne veut pas que ça soit qu’un simple baiser, qu’une énième humiliation dont prendrait plaisir Brittany. Non, c’est autre chose, de plus puissant, de plus pur. Le toucher est délicat, brûlant. Leurs regards se jaugent quelques instants avant qu’il ne passe sa main dans ses cheveux en repoussant une de ses mèches. Pire, que l’autre est sur sa taille, possessive. Et elle sait Winnie, à ce moment précis, qu’elle ne veut que lui appartenir, pour toujours et à jamais. Que ça la consume, entièrement. De chaque fibre de son petit être qui n’a jamais rien connu dans le domaine. Peut-être est-ce la magie du premier baiser qui la fait tant fabuler. Peut-être est-ce simplement lui et l’attraction animale qu’il exerce constamment sur elle quand il la déshabille du regard. Et il lâche le coup fatal, celui qui la fait complètement fléchir, à sa merci. Qu’elle seule entend. Ma jolie Rosie. Il n’y a plus rien autour d’eux, que cette bulle hors du temps, hors de cette maison, hors de tout. Ses lèvres caressent les siennes, avec une douceur qu’elle se surprend à lui trouver, à lui aimer. Et elle étouffe un gémissement quand il attrape sa lèvre inférieure, pour la faire définitivement céder. Winnie se raccroche difficilement à lui, avec rage, avec désespoir, froissant son tee-shirt dans sa main sous cette envie de plus, beaucoup plus. Elle aimerait hurler à quel point ça la brise, en mille morceaux, pour mieux la recoller. Lui dire d’arrêter pour revivre cette première fois édifiante de leur attirance irrationnelle. Mais il l’entrave, il ne la lâche pas, incapable de la laisser s’en aller. Et elle ne veut pas. Elle ne le voudra jamais, quitter cette place qui est désormais sienne. Il a allumé un incendie, un brasier qui grouille sous sa peau, avide de lui, tout entier. Elle veut découvrir Winnie, les blessures, les cicatrices, les maux qui le traversent et ce baiser est une promesse solennelle qu’elle lui fait en lui offrant son tout premier. Qu’il se mette à nu, comme il ne l’a jamais fait, avec personne. Qu’il lui montre réellement ce qu’il est, qui il est. Elle en est sûre, elle va se damner pour le sauver, pour essayer de le préserver. De la vie. De lui-même. À deux. Leurs âmes ne font qu’une, en parfaite osmose, en parfaite harmonie. La douceur et la brutalité. La rage et la compassion. Deux opposés. Unis. Ensembles. Comme une trêve irréelle. Apaisante. Reposante. Une accalmie inespérée. Qui les soulage, tous les deux. Mais bien vite, la réalité les rattrape. La voix de Brittany les oblige à s’arrêter, à se reprendre, mais la chute est brutale, difficile, elle fait pourtant si mal. Surtout quand il la regarde de cette façon, capable de la prendre, sur cette table, devant tout le monde. Pour explorer son corps, marquer sa chair, dépouiller son être de toute innocence. Douloureusement, elle s’écarte, râclant doucement sa gorge en baissant la tête pour tenter de reprendre une certaine contenance. « Wow, c’était ton premier Doherty ? À en croire la passion que tu y as mise, on dirait bien que oui. » Les rires lui font mal, pire, la meurtrissent. Elle n’a pas le droit de gâcher ça, de le lui enlever et pourtant, la sensation étrange que ça ne lui appartient pas la blesse. Elle jette un regard désolé à Stairs, embuée de larmes avant de se tourner vers Brittany, victorieuse. « Screw you, bitch. » Alors qu’elle s’en va, le cœur piétiné par la honte. Nolan la suit, pour ne pas la laisser seule. Et elle quitte cet endroit avant de s’effondrer dans la rue, en larmes. Elle pourtant si forte, si courageuse. Cette cruauté la frappe de plein fouet avec une puissance qui la terrasse. Littéralement. « Come on Alistair, on s’amuse. Puis une pucelle de plus ou de moins, ça ne doit pas te changer non ? »

(( THEME )) // Effondrée. Winnie est effondrée et elle a mal. Elle voudrait crier, hurler sa douleur, mais elle n’y arrive pas. Alors elle pleure. Parce que c’est tout ce qu’elle peut faire. Ça la rend malade, mais elle s’enfonce les ongles dans les paumes en resserrant ses jambes contre elle. Nolan est à distance et il fait bien. Elle ne veut voir personne. « Un conseil, reste où t’es. » qu’elle ordonne, impérieuse. Sa voix est menaçante, tremblante, comme tout son petit corps. Elle aimerait fuir, s’en aller, mais son corps l’a cloué sur place, sur ce trottoir, l’empêchant de faire quoi que ce soit. Et puis, soudain, il est là, face à elle. Stairs. Winnie ne comprend pas, encore moins quand il pose sa main sur son genou, qu’il s’approche, qu’il caresse tendrement son dos et que ses lèvres se posent sur son front. Tout est électrique et pourtant, elle aimerait le repousser, le frapper, elle le maudit, il n’aurait jamais dû accepter un tel gage. Une nouvelle fois, il l’appelle Rosie, et ses yeux s’écarquillent sous la surprise. Alors c’est fait, définitif, ils s’appartiennent l’un à l’autre après ce baiser ? Bien malgré elle, un petit rire lui échappe quand il dit qu’il embrasse comme un buffle. « Tss, dumbass. » qu’elle souffle, en relevant son visage vers lui quand il l’aide avec son index sous son menton. Évidemment qu’elle lui sourit, parce que c’est lui, ça sera toujours lui, elle le sait maintenant. Ce sourire est naturel, sincère et il n’y a qu’à lui qu’elle le donne. Inconsciemment. Elle se redresse en se calmant, instantanément. Peut-être est-ce sa présence là, ou juste lui. Mais ça lui fait du bien. « T’as rien à faire là... » qu’elle essaie de le repousser, mais son regard est insistant, perçant et il la touche en plein cœur. « Vous avez tous les deux eu ce que vous vouliez, tu devrais être content non ? » En vérité, elle tente de se convaincre que ce jeu, lui aussi il y a ses torts, mais elle n’arrive pas à oublier les empreintes qu’il a laissé sur son épiderme, ni ses lèvres sur les siennes, avides et affamées. Et pour ça, elle le hait, parce qu’elle en redemande, elle en veut encore Winnie. Tout le temps, comme une faim insatiable, impossible à combler, à satisfaire. Mais elle est mauvaise, sa fierté en a pris un coup, tout comme son myocarde qu’elle lui avait donné sur un plateau d’argent. Elle se trouve si stupide. Même pour moins que ça, elle n’a jamais craqué. « N’en rajoute pas plus que tu n’en as déjà fait. » Winnie aimerait se dire que ce n’était qu’un baiser, qu’elle a fabulé tout ça, tout ce qu’elle a ressenti, ça se trouve dans sa tête d’adolescence qui croit encore au prince charmant. Mais il a toujours ces yeux, qui lui disent que non, c’était bien ce qu’elle croit, ce qu’elle pense, qu’ils sont condamnés désormais. Alors elle se relève, époussetant son short et balayant ses larmes avec le revers de manche de son gilet. Comme pour essuyer cette honte invisible qu’elle ressent pour la jeter ailleurs, loin d’elle. « Je vais rentrer. Je crois que c’est le mieux que je puisse faire. » Mais elle aimerait s’enfuir dans ses bras, qu’il l’encercle, si fort, pour la rassurer. Lui dire que tout ira bien, parce qu’il est là, qu’il sera toujours là. Qu’elle n’a rien à craindre, qu’elle n’aura plus aucune raison d’avoir peur. Qu’il lui en fasse la promesse, sous ce ciel étoilé comme témoin de leur passion dévorante. Les promesses sont faites pour être brisées, toujours. Et c’est là toute leur beauté.

Quand elle rentre Winnie, elle s’effondre de nouveau dans sa chambre. La porte claque, ses parents dans le salon en bas tentent de la retenir pour savoir ce qu’il s’est passé, mais quand elle est comme ça, ils l’ignorent, parce que Winnie prend les choses trop à cœur, trop passionnellement et que, sa colère, n’en est que plus décuplée. Mais ils savent que quelque chose a forcément dû se passer. Elle ne dort pas de la nuit, elle se hait de l’avoir rejeté de cette façon. Pire, d’avoir osé douter alors qu’il a fait preuve de sincérité, jusqu’à sa façon de l’embrasser ; ce geste si intime, si puissant. Lilac dans ses bras a essayé de la réconforter, en vain. Lorsqu’elle se prépare le lendemain matin, elle semble comme… amorphe. Elle n’a pas dormi et le contre-coup la frappe douloureusement. « Winnifred, t’es pas obligée d’y aller, si tu ne veux pas. Tu n’as pas dormi de la nuit… » Logan sait, il connait sa fille. Il entrevoit très bien ses failles et ses faiblesses. Quand elle rechigne à ce point, c’est vraiment que quelque chose de la taille d’un bus a dû la percuter. « C’est pour les cours… je dois y aller. D’ailleurs, il doit m’attendre. » Elle se lève pour débarrasser la table mais sa mère se lève pour la prendre dans ses bras. « Quoiqu’il arrive, on est là, tu le sais ? Pas vrai ? » Ethel dramatise toujours et Winnie lève les yeux au ciel, un peu agacée. Elle sait que ça part d’une bonne intention, mais elle ne peut pas s’en empêcher. « J’ai juste merdé hier. — Winnifred, ton langage je te prie ! — Sorry dad, c’est la vérité. Je dois juste en assumer les conséquences. » Elle décide d’emmener Lilac avec elle, avec qui elle joue sur la route, pour la sortir un peu. Ça l’apaise un peu d’avoir de la compagnie pendant le trajet et elle se met à sourire un peu plus. Elle réfléchit à ce qu'elle dirait aussi à Stairs, même s'il n'y a rien à dire ou à expliquer. Elle mérite quand même des excuses, elle le sait. Puis quand elle arrive devant chez lui, Lilac va vers lui avec sa balle, toute excitée, secouant sa queue. Elle la pose à ses côtés et recule pour aller la rattraper. Mais Winnie voit son incompréhension. « Lilac, here ! Right now ! » La chienne s’exécute, en s’asseyant et Winnie lui donne une récompense en se baissant à sa hauteur. « Tu ne le connais pas encore et tu veux déjà jouer avec lui ! » Elle aboie pour le lui confirmer et Winnie rit doucement en la caressant avant de regarder en la direction de Stairs. « Tu es une traitresse ! » qu’elle lui chuchote avant de se relever pour le rejoindre et qu’elle la suit. « Excuse-la, c’est une chienne très sociable. Pas comme sa maîtresse, I guess. » Elle laisse échapper un petit rire pour détendre l’atmosphère avant de se reprendre. « J’espère que ça ne te dérange pas que je l’ai emmené… mes parents travaillent tous les deux et je ne voulais pas la laisser seule. Elle est propre et très sage de toute façon, une fois à l’intérieur. » Qu’elle essaie de le rassurer. Puis elle se mord la lèvre, essayant de trouver le courage pour lui parler d’hier. « J’ai… j’ai paniqué hier. C’est la deuxième fois que je viens pour m’excuser, faut croire que je suis la reine des abruties. Mais j’ai… paniqué. C’était trop pour moi et… j’ai mal géré mes émotions. Pour tout te dire, je n’ai même pas dormi de la nuit. Brittany, le baiser… je n’ai pas supporté. Et tu n’embrasses pas comme un buffle. Bien au contraire. Si ça peut te consoler. Pour mon premier baiser, je ne pouvais vraiment pas rêver mieux. » fait-elle sincère en fuyant son regard, gênée.