Fickle heart, fickle mind [Charlie]

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En attendant que Jethro daigne descendre, Charlie avait le temps de réfléchir. Un peu trop à son goût d’ailleurs. Il ne comprenait pas le comportement du jeune homme et surtout, il n’aimait pas ça. Il savait qu’au fond, en creusant bien et longtemps, Jethro n’était pas quelqu’un de si détestable que ça. Il savait par exemple qu’il aimait sa sœur, même s’il avait parfois une drôle façon de le montrer, comme quand il s’amusait à lui faire des sous-entendus. Charlie voulait vraiment penser que ce n’était qu’une façade, un jeu qu’il jouait par fierté ou par pure insolence, mais il ne pouvait jamais en être certain. En tout cas ce fameux petit jeu le mettait mal à l’aise et il ne savait pas réellement comment y faire face. Il avait peur que confronter directement son beau-frère ne fasse plus de mal que de bien, et s’il était parfaitement honnête avec lui-même, et même en pensée il avait du mal à l’admettre, il trouvait ses remarques parfois… flatteuses. Il avait bientôt quarante ans, il sentait bien que son couple battait un peu de l’aile, il se sentait faible à cause de sa maladie, et même s’il n’était pas gay c’était rassurant de voir qu’il pouvait toujours être vu comme autre chose qu’un père de famille. Même pour la blague, même juste pour l’emmerder. Bon dieu qu’il était pathétique. Il n’eut heureusement pas trop le temps de s’apitoyer sur son sort puisque Jethro débarqua en trombe dans le salon, le dépassant pour sortir, comme pour prouver que ce n’était pas lui qu’on était en train d’attendre. Charlie leva les yeux au ciel. « Très franchement, oui. » Répondit-il, on ne peut plus sincère. Il savait que c’était bête, que Jethro n’était pas non plus un enfant, mais il ne lui faisait pas confiance, c’était plus fort que lui. La force de l’habitude peut-être. Son attitude lui donnait terriblement envie de le laisser planté là pourtant, de le forcer à rester coincé à Donwell, parce qu’il sentait bien que Jethro avait besoin de voir autre chose que ce village sans doute trop calme pour lui. Mais il n’avait pas envie de se battre contre lui à cause d’une provocation aussi futile, sans compter qu’il se sentait de plus en plus fatigué et n’avait plus qu’une hâte : arriver à Brighton pour pouvoir récupérer ses médocs. « En route. » Se contenta-t-il donc de lancer en déverrouillant la voiture. Il enleva sa veste et la lança sur la banque arrière avant de s’installer derrière le volant. Il vérifia mentalement qu’il n’avait rien oublié et qu’il avait bien pensé à fermer toutes les portes de la maison avant de mettre le contact et de se mettre en route. Conduire le détendait, aussi bizarre que ça puisse paraître, mais malheureusement la présence de Jethro à côté de lui avait aussi tendance à le rendre nerveux. Et la fatigue et les maux de tête en faisaient aussi une expérience tout de suite bien moins agréable. « Ca va ton nez ? » Demanda-t-il en jetant un coup d’oeil au jeune homme assis à côté de lui ? A priori ça ne saignait plus. « Essaye de pas mettre du sang partout, t’as déjà pourri notre canapé. » Ajouta-t-il d’un ton moqueur, ne réussissant pas à réprimer un petit sourire amusé tandis qu’ils sortaient de Donwell. Il fut immédiatement puni par un pique de douleur et il ferma les yeux l’espace d’une seconde pour essayer de supporter la douleur. Il n’aurait vraiment pas dû conduire, il ne s’en sentait pas franchement capable, mais il n’avait pas réellement le choix. Peut-être que ça irait mieux au retour. « Tu n’as pas le permis je suppose ? » Demanda-t-il sans trop y croire, sa femme lui avait déjà dit qu’il ne conduisait pas, du moins il lui semblait, mais il préférait s’en assurer. S’il y avait la moindre chance qu’il n’ait pas besoin de les ramener il voulait la saisir. « Tu veux que je te dépose où ? » Ils avaient encore un bon quart d’heure de trajet devant eux mais ça allait peut-être influencer un peu l’itinéraire qu’il choisissait.

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Rétrospectivement Charlie ne comprenait pas pourquoi il avait cherché à lancer la conversation, peut-être pour cacher son état lamentable, peut-être par politesse, peut-être parce qu’au fond il ne détestait pas autant Jethro qu’il aimait à le faire croire. Toujours était-il qu’il commençait déjà à la regretter, il avait essayé de taquiner le jeune homme et de toute évidence il n’avait pas compris qu’il se moquait simplement de lui. Tant pis. En tout cas son beau-frère n’en manquait pas une. Charlie savait qu’il ne savait pas qu’il était malade, et c’était tant mieux, mais ce n’était quand même pas agréable de s’entendre dire que c’était plaisant de le voir souffrir. Il serra les dents et se força à ne pas répliquer du tac-o-tac pour lui dire d’aller se faire voir. Il laissa donc Jethro continuer, ne pouvant s’empêcher d’être d’accord avec lui pour une fois. Non il n’avait pas envie de lui laisser sa voiture, loin de là même ! Mais il commençait à en ressentir la nécessité et, d’expérience, il risquait de ne pas se sentir vraiment mieux au retour. Tant pis, il allait falloir qu’il trouve un moyen ou qu’il se fasse violence pour réussir à les ramener à la maison sans provoquer d’accident. En attendant il pouvait sentir le regard de son beau-frère sur lui et il resserra sans s’en rendre compte sa prise sur le volant, légèrement crispé. Ce sentiment ne fit que s’accentuer quand il entendit la question de Jethro. Il avait plus ou moins compté sur le fait qu’il ne poserait pas de question et ne s’intéresserait pas à sa vie. Il ne savait pas quoi inventer pour être sûr de paraître crédible. Ce qui l’inquiétait aussi c’était la possibilité que Jethro aille parler de leur petite excursion à sa grande sœur et que celle-ci comprenne que Charlie lui avait menti. Après tout elle connaissait bien mieux son emploi du temps, ses responsabilités et ses obligations. Il fallait qu’il trouve un truc qui tenait la route, et vite. Et merde, il regrettait à présent amèrement de ne pas l’avoir laissé se démerder dans la maison à Donwell. Il posa son coude gauche sur la portière et posa ses doigts sur sa tempe, laissant sa tête y reposer tout en continuant à conduire. « Ils ne peuvent pas se passer de moi, qu’est-ce que tu veux que je te dise. » Lança-t-il maladroitement. Il avait toujours été un très mauvais menteur, malheureusement pour lui, et même s’il avait essayé de lancer ça de manière amusé il pouvait très bien entendre lui-même qu’il avait échoué. Il retint à peine une grimace et se força à éviter le regard de Jethro. Il se désespérait parfois lui-même. « Depuis quand tu t’intéresses à ma vie ? » Ajouta-t-il dans une tentative assez désespérée et pathétique de changer le cours de la conversation. Il savait que plus il se comporterait de manière inhabituelle et plus il risquait d’éveiller les soupçons de son beau-frère mais il n’y pouvait rien, et savoir ça ne faisait que le frustrer encore plus. Il se sentait con de ne pas mieux savoir cacher les détails de sa vie privée. Surtout que Jethro n’était sans doute pas la personne à qui il aurait été le plus évident de se confier. Il lança un regard furtif à son passager, essayant de voir s’il se doutait de quelque chose, mais il n’en tira rien. Il décida donc de tenter une nouvelle fois de réorienter la conversation sur un terrain moins dangereux pour lui. « Et toi ? Qu’est-ce que tu vas faire à Brighton ? A part des conneries j’entends. » Il sortit de la voie rapide. Le trajet ne lui avait jamais paru aussi long, et il ne savait pas si c’était plus dû à ses maux de tête ou à la présence de Jethro à ses côtés.

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Touché. Pour le coup Charlie ne pouvait pas dire que Jethro avait tort, il était juste surpris qu’il ait l’air de mal le prendre. Il ne s’était pas attendu à cette réaction, il avait plutôt imaginé son beau-frère lui lancer une vanne ou bien lui faire comprendre sans aucune subtilité qu’ils n’avaient probablement pas besoin de lui. Il n’avait pas imaginé qu’il avait posé la question de manière… normale, en attendant une vraie réponse. Charlie se sentait con, et un peu coupable aussi pour le coup. Il n’avait pas besoin de ça, il avait déjà assez l’impression de déconner en cachant sa maladie à sa femme et à sa fille, il n’avait pas besoin de se culpabiliser encore plus parce qu’il n’en parlait pas à son beau-frère ! La remarque de Jethro ne le fit même pas sourire, il avait trop l’impression d’avoir plombé l’ambiance, et dieu sait qu’elle n’était déjà pas particulièrement bonne avant ça. Il sentit le regard de son beau-frère se poser sur lui et se força à ne pas tourner la tête vers lui et à se concentrer à la place sur la route. Il se détestait de ne pas savoir mieux mentir et donner le change, s’il n’avait pas été aussi débile il ne serait pas en train d’avoir cette discussion avec Jethro, non, il serait tranquillement en train de conduire tout seul vers l’hôpital. Il aurait récupéré ses médocs sans le moindre problème et serait rentré chez lui avant que Jade ne rentre du boulot. Maintenant il se retrouvait coincé parce que s’il essayait de bullshiter Jethro il allait s’en rendre compte directement, il se méfiait, Charlie pouvait le sentir. Et pourtant il ne pouvait pas vraiment lui dire la vérité. Une partie de lui en avait envie, ne serait-ce que pour arrêter de garder ce poids pour lui tout seul, aussi égoïste que ce soit. Mais ça n’aurait pas été juste envers le reste de sa famille, il leur devait la vérité avant Jethro, et pour le moment, il n’était pas prêt à leur en parler. Il laissa le silence s’étirer pendant presque une minute, réfléchissant à ce qu’il allait dire et à comment il allait le dire, espérant vainement que leur destination allait subitement apparaître devant eux alors qu’il devait bien leur rester dix minutes de route. « Tu as raison. » Déclara-t-il après ce qui lui avait paru comme une éternité. Ça avait été difficile à dire, son égo en avait pris un coup. Il s’empressa de poursuivre, histoire de ne pas laisser le temps à Jethro de prendre la grosse tête non plus. « On se connaît pas si bien que ça et c’est en partie ma faute. » Il était partie avec une mauvaise opinion du jeune homme – il l’avait méritée sa mauvaise réputation, mais quand même – et il avait toujours eu du mal à s’en détacher. Il fallait dire qu’encore à l’heure actuelle il ne semblait pas faire beaucoup d’efforts pour que leur relation s’améliore. Mais tout ça, il le disait aussi en partie pour essayer de noyer le poisson. Il ne voulait pas dire la vérité sur la raison qui l’amenait à l’hôpital cet après-midi et il n’avait pas non plus d’idée de mensonge crédible à lui sortir. De toute façon il était assez certain que Jethro ne l’aurait pas cru. Il gardait son regard fixé sur la route devant lui, n’osant pas tourner la tête vers son beau-frère, mal à l’aise. « Si je te dis que je n’ai pas envie d’en parler, est-ce qu’on pourrait changer de sujet ? » Demanda-t-il sans la moindre agressivité dans la voix, choisissant au final l’option qui lui demandait le moins d’effort : l’honnêteté. C’était une vraie demande, sincère. Il était débile de dire ça, Jethro allait bien se douter qu’il y avait anguille sous roche et il allait essayer de creuser pour découvrir ce que c’était, mais il ne voyait pas quoi dire d’autre. Avec un peu de chance, Jethro allait être capable de respecter sa demande sans insister. Au pire ils seraient bientôt à Brighton, Charlie pouvait toujours choisir de ne plus rien dire, de le larguer en plein centre-ville et de le laisser se débrouiller pour rentrer.

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A peine les mots étaient-ils sortis de sa bouche que Charlie avait commencé à regretter de les avoir prononcés. Il était en train de commencer à penser à se confier et avouer qu’il n’avait pas envie d’en parler c’était avouer qu’il y avait bien quelque chose qu’il aurait pu dire, et ça c’était c’était déjà trop en dévoiler sur sa vie. Il détestait ça, et le fait que ce soit à Jethro qu’il soit obligé de faire cette « confidence » n’arrangeait en rien les choses. Il ne savait pas à quoi il s’était attendu comme réaction, mais il n’aurait pas dû être surpris. Il ramenait tout à lui, bien sûr qu’il le faisait. Il avait essayé de lui faire comprendre sincèrement qu’il se passait quelque chose de personnel dans sa vie dont il n’avait pas envie de parler et Jethro trouvait le moyen de retourner ça pour se plaindre, lui reprocher de le forcer à jouer le rôle du connard. Oui bien sûr, s’il se comportait comme un petit con c’était de la faute du médecin et pas la sienne. Il avait une envie soudaine de lui répondre sèchement que son cancer n’était pas « un truc qu’il ratait » mais il n’en eut même pas le temps. Il le faisait exprès en fait, désormais le doute n’était plus permis. Charlie avait fait des efforts, il le ressentait vraiment comme ça. Il s’était excusé, il avait été honnête et sincère avec lui, il avait simplement espéré que Jethro serait assez mature pour accepter le fait qu’il ne voulait peut-être pas parler de ses problèmes avec lui, ou en tout cas pas maintenant. Il avait eu tort, oh oui, tort d’attendre un tant soit peu de maturité de la part de Jethro. Il ne referait pas l’erreur de si tôt. Quelque part il aurait été moins vexé si son beau-frère lui avait posé la question en rigolant, son ton sérieux ne faisait qu’ajouter à l’insulte. Surtout venant de la personne qui s’amusait à faire des sous-entendus graveleux depuis qu’il avait débarqué chez eux. Il ne manquait pas de culot en tout cas, et en plus il en rajoutait une couche. Mais ses insinuations puériles l’atteignait beaucoup moins que la question qu’il lui avait posé avant. Est-ce qu’il trompait sa femme ? Bien sûr que non, mais il détestait devoir le justifier à Jethro. Le sujet était sensible et il ne voulait pas se demander pourquoi c’était le cas. Vivre dans le déni, c’était bien son truc tiens. « Bien sûr que non. » Finit-il par lâcher à voix haute, les dents serrées, le ton menaçant et les yeux toujours rivés sur la route. Heureusement ils arrivaient bientôt, il n’avait aucune envie de poursuivre cette conversation. Il s’était retenu d’allumer une cigarette depuis qu’ils étaient partis et la tentation avait fini par se faire trop forte. Il plongea sa main dans le trou de la portière et en ressortit une cigarette qu’il glissa directement entre ses lèvres. Il replongea sa main et remonta cette fois-ci un briqua dont il servit tout aussi rapidement avant de le jeter à l’endroit où il l’avait trouvé. Il baissa légèrement la fenêtre de son côté et resserra les doigts sur le volant. Ils arrivaient à présent dans Brighton mais il leur restait bien cinq minutes de route avant d’être dans le centre ville. Charlie s’arrêta pourtant sur le bord de la route, la circulation n’était pas intensive. « Je pense que tu devrais descendre. » Son ton était froid, presque menaçant, il essayait de lui faire comprendre qu’il n’était pas en train de lui faire une proposition mais bel et bien de lui donner un ordre. Il tira longuement sur sa cigarette, refusant toujours de regarder dans sa direction. « Et si j’étais toi je trouverais un autre moyen de rentrer. »

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Dire que Charlie était hors de lui aurait été l’euphémisme du siècle, le problème avec ce genre de rage intense, c’était qu’elles étaient aussi généralement éphémères. Il était impulsif Charlie, mais il pouvait aussi redescendre assez vite quand il avait pu pousser sa gueulante et à peine avait-il dit à Jethro qu’il ne pourrait pas compter sur lui pour le ramener qu’il avait déjà commencé à se sentir coupable. Et pas qu’à cause Jade. Il savait qu’il allait probablement trop loin, et que même si Jethro était un petit con et qu’il n’avait pas posé la question de façon particulièrement bienveillante, il n’était pas non plus au courant de sa… de sa situation. Ce n’était pas si étonnant que ça qu’il en arrive à cette conclusion, même si ça lui faisait mal au coeur de l’admettre. Mais merde, il avait touché un vrai point sensible là, Charlie se rendait bien compte que son couple n’était plus vraiment ce qu’il était, Jade et lui refusaient de vraiment se parler, de se dire les choses importantes, pour preuve, il lui avait caché sa maladie et elle refusait de parler de sa fausse couche. Mais entendre cette insinuation de la bouche de Jethro ça lui disait que les autres aussi pouvaient s’en rendre compte et ça il n’aimait vraiment pas. Il voyait ça comme un jugement sur leur couple, sur sa vie. Il avait en tout cas beau se sentir coupable, l’attitude Jethro aidait beaucoup à atténuer ce sentiment et Charlie leva les yeux au ciel en l’entendant répondre et en le voyant sortir de manière aussi dramatique de la voiture. « Et ça, c’est si tu t’en sors vivant ! » Cria-t-il à travers la fenêtre ouverte avec tout le sarcasme dont il était capable, exagérant presque autant que Jethro. Il ne savait pas si c’était la chose mature à faire mais bon Dieu, qu’est-ce que ça pouvait faire du bien. La suite le prit encore plus par surprise, et il secoua la tête d’un air réprobateur en le voyant se placer en plein milieu de la route et hurler à qui voulait bien l’entendre qu’il n’attendait plus qu’on l’écrase. C’était n’importe quoi, un caprice de gamin, mais Charlie se sentait gêné. Il n’y avait pas tant de voiture ou de piéton que ça, mais Jethro était assez dramatique pour attirer le regard de certains d’entre eux. Et merde, encore cette foutue culpabilité. Il imaginait déjà la tête que Jade ferait quand Jethro lui raconterait cet incident, et il n’avait pas hâte. Il était encore énervé, et il n’avait pas envie de lui donner raison, de céder à son chantage, mais il n’avait pas non plus envie de le laisser là et de devoir en subir les conséquences plus tard. Sans compter qu’il n’allait probablement pas pouvoir s’empêcher de s’inquiéter. Il n’était probablement pas si loin que ça de l’endroit où il devait se rendre mais il ne savait pas comment il allait pouvoir se débrouiller pour rentrer, sans compter qu’à force de jouer au con en plein milieu de la route il risquait vraiment de se faire écraser. Putain. Il frappa son volant, coupa le contact, détacha sa ceinture et sortit à son tour, refermant la portière derrière lui un peu plus brutalement que strictement nécessaire. « C’est bon, t’as fini ton cirque ? » Il regarda des deux côtés de la route avant de le rejoindre en plein milieu. Le trafic était loin d’être dense mais ils s’attiraient quand même des regards énervés ou interloqués de certains automobilistes forcés de les contourner. « Arrête de jouer aux cons, tu vas finir par vraiment te faire écraser ! C’est bon, t’as gagné, j’aurais pas dû m’énerver. » Il n’arrivait pas à croire qu’il en était arrivé là, et très franchement l’option de retourner tout seul à sa voiture et de le laisser ici était encore particulièrement tentante. Il détestait devoir ravaler sa fierté, il n’avait d’ailleurs pas parlé à Jethro de la plus douce des manières Il attrapa son bras et tenta de le ramener au moins devant la voiture, sans forcer, juste pour essayer de le mettre un minimum à l'abri. « Tu peux remonter dans la voiture maintenant ? » Son visage était encore crispé et il avait toutes les difficultés du monde à cacher son énervement.

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Mais qu’est-ce qu’il foutait là ? S’il prenait un peu de recul il n’arrivait pas à comprendre comment il s’était mis dans une situation pareille. Quand il repensait à la vie qu’il avait vécue jusqu’à il y a encore deux mois, tout était tellement différent. A l'époque il venait d’apprendre que sa femme était enceinte, il ne savait pas encore qu’il était malade, sa relation avec sa fille était meilleure et surtout Jethro n’était pas là pour le pousser à bout. C’était un peu facile de mettre tous ses problèmes sur le dos de son beau-frère mais c’était plus fort que lui. Sa vie avait plus ou moins commencer à dérailler quand il avait appris son arrivée, et il s’était avéré être plus un poids qu’autre chose depuis qu’il avait débarqué. Le genre de poids qui le poussait à aller se planter en plein milieu de la route par exemple. Il ne s’était pas attendu à ce qu’il se calme tout de suite ou même à ce qu’il accepte de le suivre mais son comportement n’en restait pas moins énervant pour autant. Charlie détestait qu’on utilise ses propres mots contre lui, et Jethro semblait avoir un talent tout particulier pour taper là où ça faisait mal. Au moins il était venu se mettre un peu plus à l’abri devant le capot de la voiture, même s’il s’était un peu débattu et l’avait fait de mauvaise grâce, c’était toujours mieux qu’en plein milieu de la route. Il leva à nouveau les yeux au ciel, non c’était loin d’être sûr qu’il réussisse à le supporter, mais il se retint de répondre exactement ça, sachant très bien que ça ne ferait qu’envenimer les choses. Son mal de crâne s’accentuait encore et commençait à l’empêcher de pouvoir se concentrer totalement. Il n’avait plus qu’une envie : aller à l’hôpital le plus vite possible. Au moins il avait la chance d’y travailler, il n’aurait pas à attendre longtemps une fois là-bas. Il n’aimait pas se faire donner de leçon par Jethro, et encore moins parce qu’ils commençaient à se faire klaxonner à bloquer ainsi le passage normal des voitures et que ça le mettait mal à l’aise. Mais il n’y pouvait rien, il avait été élevé comme ça, et inconnus ou pas il n’aimait pas s’attirer les regards des gens. Il ne savait donc pas quoi répondre à ça et il se contenta de hausser les épaules. Il aurait voulu s’énerver, mais il commençait à se sentir trop fatigué pour ça. Même sa fierté n’était plus assez grande pour avoir envie de se défendre réellement. « Je suis venu te chercher parce que je me sentais coupable et que j’avais pas envie que tu te fasses écraser. » Expliqua-t-il donc finalement, croisant les bras sur sa poitrine, sur la défensive. Son ton était légèrement agacé, il ne pouvait pas s’en empêcher, mais il l’avait dit beaucoup moins durement que tout à l’heure et il espérait que ça suffirait pour réussir à calmer Jethro. Il n’avait pas envie de perdre une minute de plus ici. Il était pourtant sincère. « T’es incroyable. Tu fais tout pour que je ne puisse pas supporter ta présence et après tu viens te plaindre quand c’est le cas. » Il savait bien que Jethro faisait parfois tout pour l’irriter, il ne savait pas pourquoi mais il s’en rendait bien compte. Il voyait son sourire narquois quand il réussissait à provoquer une réaction chez lui. « Mais ça veut pas dire que j’ai envie que tu te fasses renverser. » Il lâcha un soupir las avant de poursuivre. « Tu sais ce dont j’ai envie ? Vraiment envie ? D’aller à l’hôpital. » Il était à bout, et il commençait sincèrement à penser que si Jethro n’acceptait pas de repartir dans les prochaines minutes il allait vraiment le laisser ici et tant pis, il assumerait les conséquences quand il serait de nouveau en état. « Monte, je te dépose où tu veux et quand j’aurais fait ce que j’ai à faire promis, je reviens et tu pourras me lancer tous les reproches que tu veux à ce moment là. »

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Charlie n’avait pas eu beaucoup d’espoir, mais apparemment il avait réussi à calmer un peu Jethro, ou en tout cas à lui faire comprendre qu’il était vraiment pressé. Il était sûr que ça allait finir par lui revenir en pleine tronche ça encore mais tant pis, c’était trop tard de toute façon, et le résultat semblait être là. Jethro avait même été assez proche d’admettre qu’il avait eu raison en disant qu'il cherchait à tout prix à ce que Charlie ne le supporte pas, si ça c’était pas du progrès ! Charlie en aurait sans doute plus profité si son mal de crâne avait commencé à se dissiper mais on ne pouvait pas tout avoir, et il irait mieux dès qu’il serait enfin arrivé à l’hôpital. Il se sentait déjà soulagé de voir son beau-frère remonter dans la voiture sans faire – trop – d’histoire. Le médecin l’imita d’ailleurs sans tarder, aux grands soulagements des quelques automobilistes derrière eux qui n’avaient plus la possibilité de les contourner et qui commençaient donc à faire la queue derrière. Il referma sa portière tranquillement, sa colère semblant totalement évaporée, rattacha sa ceinture et remit le contact. Il se tourna vers Jethro pour la première fois depuis tout à l’heure, haussant les épaules. « Si bien sûr. Je peux pas garantir les réponses par contre. » Il alla même jusqu’à lancer un petit sourire moqueur à Jethro, sachant très bien ce que le jeune homme avait en tête comme question, probablement dans le même genre que celle de tout à l’heure. Autant dire qu’il n’avait pas hâte d’y être, mais c’était un problème pour son lui du futur, pour l’instant il devait se concentrer sur des problèmes plus urgents. En plus, qui lui disait que Jethro n’aurait pas complètement oublié d’ici là ? Il allait voir un ami avait-il dit, peut-être que ça allait lui changer les idées, il ne pensait pas que sa vie privée l’intéressait à ce point là de toute façon. Oui, à tous les coups il serait passé à autre chose et Charlie n’aurait pas besoin de trouver une explication crédible ou à l’envoyer à nouveau bouler. Il finit par redémarrer, ignorant les exclamations de joie provenant de certains des automobilistes qu’ils avaient commencé à bloquer. La question de Jethro le fit sourire. Il n’était pas si chiant que ça quand il ne cherchait pas à tout prix à lui faire péter des câbles. « Figure-toi que quand t’es pas là pour m’emmerder, je suis plutôt détendu. » Il lança un regard amusé à Jethro avant de se reconcentrer sur la route. Il espérait qu’il n’allait pas encore mal le prendre, il avait dit ça d’un ton moqueur, pas pour l’insulter. Mais vu comment il était susceptible, il aurait été capable de se vexer encore. « Je te dépose où ? » Il se doutait bien qu’il devait se rendre vers le centre-ville, mais il aurait été rassuré de voir un peu plus précisément ce qu’il allait y faire. Il n’avait pas de détail particulier sur les « problèmes » qui l’avaient amené à venir vivre avec eux mais il avait comme la sensation que ce n’était soit pas réglo, soit pas légal. Il suivit en tout cas les indications de Jethro et s’arrêta là où il put. Pas trop loin de l’hôpital, parfait, avec un peu de chance en vingt minutes il aurait terminé. Il réalisa alors à ce moment là qu’il allait probablement devoir attendre que Jethro ait fini lui aussi. Il regretta encore une fois de l’avoir amené avec lui. Mais après tout peut-être que ce petit tour à Brighton allait lui faire du bien, peut-être qu'il pourrait en profiter pour se détendre comme le lui avait si bien conseillé Jethro. « Donne-moi ton numéro, que je puisse te retrouver quand on repart. » Il sortit son téléphone, prêt à noter.

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Ses maux de tête n’avaient toujours pas disparus, loin de là même, mais Charlie était quand même soulagé de voir que la situation s’était détendue entre eux. Le jeune homme lui avait même répondu avec humour et ça faisait bien trente secondes que personne ne s’était énervé ou vexé. Un nouveau record pour eux. En tout cas Jethro avait bien raison, il n’était pas forcément gagnant dans l’histoire mais s’il posait des questions auxquelles Charlie pouvait répondre, il aurait des réponses, c’était aussi simple que ça. Et c’était surtout le mieux que le médecin était en mesure de lui offrir vu la situation. Il allait devoir s’en satisfaire. En tout cas il réussit à le faire sourire à son tour, à priori il était de meilleure humeur et il avait décidé de voir le bon côté de ce que lui avait avoué Charlie. C’était bien la seule personne qu’il connaissait qui était capable de se sentir flatté de réussir à emmerder le monde. « Tu ne devrais être aucun des deux. » Répliqua-t-il, miroitant exactement les pensées de Jethro à ce moment là, sans le savoir bien sûr. Il suivit ses indications et continua tout droit jusqu’à croiser un Starbucks. Il s’arrêta là où il put et regarda Jethro faire le tour de la voiture, un sourcil haussé. A quoi il jouait ? Il sentit son portable vibrer et comprit soudainement. Il leva les yeux au ciel, il n’aurait pas pu lui dire ça plus simplement, non ? En tout cas il n’était pas forcément ravi que sa femme lui ai donné son numéro de téléphone sans lui en parler, parce que non, les numéros de téléphone des membres de la famille n’étaient pas placardés sur le frigo et il aurait préféré se garder de donner le sien à Jethro. Enfin, ça n’avait plus tellement d’importance puisqu’il aurait été obligé de le lui donner aujourd’hui. Il n’aimait juste pas la sensation que Jade donne son numéro sans lui demander. « Ça marche, amuse-toi bien. » Il espérait quand même qu’il n’allait pas trop s’amuser mais bon, ce n’était pas comme si c’était quelque chose qu’il pouvait contrôler. Il redémarra sans plus attendre, direction l’hôpital, ne pouvant s’empêcher de regarder ce que Jethro faisait dans son rétroviseur pendant qu’il pouvait encore le voir. Il se méfiait, c’était plus fort que lui, mais il disparut bientôt de son champ de vision. Il se reconcentra sur la route, l’hôpital n’était pas loin mais ce n’était pas le moment de provoquer un accident. Il se détendit un peu plus sur son siège maintenant que Jethro n’était plus là, laissant la douleur déformer légèrement les traits sur son visage. Il se gara sur le parking de l’hôpital moins de dix minutes plus tard et alla directement frapper au bureau du collègue qui suivait son dossier. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour obtenir une nouvelle prescription et surtout les médicaments en question. Il discuta avec son collègue pendant quelques minutes et se laissa convaincre de suivre son traitement habituel puisqu’il était là et qu’il avait visiblement du temps devant lui. Charlie savait qu’il ne se sentait jamais bien après mais c’était dur d’argumenter dans cette situation, son collègue avait raison. Il n’avait tristement pas grand-chose de mieux à faire, et ces sessions à l’hôpital était souvent plus efficaces que la simple prise de médicaments qu’il faisait le reste du temps. Une heure et demie plus tard il ressortait de l’hôpital, plus fatigué encore qu’avant et avec des nausées. Il dit au revoir à ses collègues, inventant une excuse bidon pour justifier sa présence à ceux qui n’étaient pas au courant qu’il suivait aussi un traitement pour son cancer ici, et sortit. L’air frais lui fit du bien et lui donna l’idée de passer à la plage. Brighton était bordé par la Manche et même si les plages de cailloux et la température de l’eau n’étaient pas toujours propices à la baignade, la vue des vagues et l’air marin lui feraient sûrement du bien. Et ce n’était pas comme si Jethro allait l’attendre. Il vérifia son téléphone au cas où et se dirigea à pied vers la plage. La ville n’était pas si grande que ça après tout et il ne se sentait pas encore en état de conduire. Peut-être d’ici une heure. Il se laissa bercer par le bruit des vagues qui venaient s’écraser à ses pieds pendant une bonne demi-heure, vérifiant quand même qu’il n’avait pas raté un appel de Jade ou de Jethro régulièrement. Il commençait à se faire tard et Charlie se résolut finalement à appeler son beau-frère. « Tu es prêt à partir ? » Demanda-t-il sans trop y croire. Il avait la sensation qu’il allait devoir le forcer à rentrer à Donwell et l’idée n’était pas des plus motivantes. En tout cas il avait pris beaucoup plus de temps que prévu et il espérait que Jethro avait été trop occupé de son côté pour que ça éveille ses soupçons.