Oliver Oakes

Si vous étiez amener à croiser Oliver Oakes dans les rue de Donwell, vous vous retourneriez sur son passage.

Soit parce qu'iil faisait partie d'une des familles les plus riches de la ville et que, par raccourci, vous en ayez déjà entendu parler.

Soit parce que son père était une personne publique influente, représentant du parti conservateur de la région -parti dans lequel Oliver faisait régulièrement des stages pour ses études- donc il était probable que vous l'ayez déjà aperçu, se tenant derrière son père lors de certaines allocutions.

Soit parce qu'il n'était quand même pas désagréable à regarder, avec sa gueule d'ange et son mètre quatre-vingt-trois bien taillé. Et puis vous auriez envie qu'il vous remarque, ce type friqué aux allures de gendre idéal qui avait la réputation d'envoyer chier son monde, d'être un connard arrogant et que vous auriez bien aimé que "pour vous, ce soit différent".

Soit parce que vous saviez qu'il se servait de la notoriété de sa famille à son avantage -réussir des examens auxquels il n'était même pas aller, ne pas faire la queue aux soirées les plus privées, baiser avec ta soeur simplement parce qu'il pouvait- et vous aviez envie de lui en coller une.

Soit parce que vous étiez proche de lui, bien qu'il ne vous l'ait probablement pas dit souvent -voire jamais- et que vous saviez que malgré ses airs de fumier bien entouré, il y avait beaucoup de solitude en lui. Mais aussi de la dévotion envers les personnes qui lui étaient chères et une capacité à défendre ce qu'il considérait comme sien. Mais même en étant proche de lui, vous ne sauriez pas qu'en croisant Oliver, vous croisiez aussi un être tenaillé par des sensations qu'il avait encore du mal à comprendre. Des sensations qui l'envoyaient tout droit dans le lit de nombreuses conquêtes sans intérêt, lui permettant uniquement de d'essayer de combler un manque énorme, mais encore jamais satisfait. Des sensations que lui-même préféraient refouler et qu'il lui semblait ne pouvoir jamais avouer.

Finalement, peu importait la raison pour laquelle vous vous étiez retourner sur son passage, Oliver n'en avait pas grand chose à faire. Excepté peut-être s'il vous considérait comme l'un de ses rares amis. L'important pour lui, c'était de savoir qu'il était (re)connu à Donwell, qu'on sache qui il était et qu'il puisse obtenir à peu près tout ce qu'il voulait avec l'argent.

Sauf que voilà. Son père, après 30 ans à supporter cette attitude de gosse-de-riche-pourri-gâté-parasite-bouffeur-de-fric, avait décidé de le confronter un peu à la vie. Oliver ne toucherait plus aucun centime s'il n'allait pas bosser dans la supérette de la ville afin d'apprendre la réalité des choses. C'était ça, être un homme, selon son paternel. Acceptant son sort, Oliver avait néanmoins réussi à négocier une position de manager et non de simple vendeur. Fallait pas déconner, il était en politique économique quand même.

Oliver a toujours été ce qu'on appelle communément un "gosse de riche". Fils unique, c'est son père qui s’accommoda de son éducation, sa mère préférant s'occuper de son agence immobilière plutôt que de son propre enfant. Avec des parents carriériste dont la fabrication de leur image est plus importante que l'image elle-même, le tableau était vite peint : pour combler l'absence, on offre des cadeaux et on dit "amen" au moindre caprice.

C'est donc assez logiquement qu'à l'adolescence, Oliver se mit à faire tout ce qui était possible pour attirer l'attention de ses parents. Sauf qu'avec un père qui devenait de plus en plus influent dans le monde politique, c'était avec beaucoup de fermeté que le jeune Oakes se faisait rappeler à l'ordre et à force de coup de collier, le blond avait finit par rentrer dans la ligne de conduite imposée. Du moins, il avait appris à cacher son jeu auprès de son père et lui mentir était devenu un talent. Pratique, car Oakes-père avait bien décidé de tracer un chemin vers la politique pour son fils. Chemin qu'Oliver s'était efforcé de suivre, glissant sur les études avec facilité grâce à un subtil mélange de mérite personnel et de pot-de-vin paternel.

Après avoir intégré l'école de Sciences Politique, Oliver se rendit compte de l'influence qu'avait sa famille et son père sur les affaires publiques et sur sa popularité en général au sein de l'établissement. Avec sa tronche de premier de la classe, Oliver faisait souvent une première bonne impression et c'était très utile. Il commença donc à se servir de son nom comme passe-droit, comme justification, comme appât, comme menace. Ce qui l'exaltait, c'était de jouer un rôle.

Et maintenant adulte, l'ange-Oliver (oh merde ce jeu de mot, j'ai zéro honte) n'était qu'une facette de lui-même qui continuait de lui servir dans les diners politico-magouille de son père où il était forcé d'assister -en tant que stagiaire assistant du parti dans le cadre de ses études- ou lorsqu'il devait se sortir d'une galère. Le temps qu'il lui restait en dehors de ses stages d'études, Oliver le passait à dépenser l'argent de la famille dans des festivités, des motos ou des voyages. Il lui arrivait parfois de rendre service à son père et de tremper dans quelques pot-de-vin, mais c'était plutôt rare étant donné l'estime peu élevée que le paternel avait de son fils.

Sauf que le jour de ses 30 ans, Oliver eu un cadeau particulier. Son père lui annonça, comme on annonce la météo du jour, qu'à partir du la semaine suivante il irait travailler dans la supérette de Donwell en tant "qu'employé libre-service". Le paternel jugeait qu'il était indigne des Oakes que son fils dilapide de l'argent sans contribuer à un seul centime et le menaça de tout simplement lui griller ses comptes et de lui reprendre son appartement. Au début amusé -c'était vrai que le nom de "libre-service" lui était approprié vu que son père se servait librement et constamment de lui- Oliver comprit rapidement qu'il ne s'agissait pas d'une vaste plaisanterie.

Il avait tout pensé, ce connard. Il comptait dire à ceux qui lui demandaient que son fils avait envie de s'impliquer au service de la ville, de contribuer à l'économie locale pendant quelques temps. En fait, son père se fichait complètement des dépenses de son fils, ce n'était qu'une excuse pour se service de lui afin de parfaire son image politique. Ecoeurant.

Refusant d'abord catégoriquement, estimant que ce n'était pas à lui de faire campagne à sa place, il écopa dans la seconde d'un bon rappel à l'ordre poignant, comme un clébard. Même après 30ans, son père lui insufflait toujours la même haine et, même s'il ne le dirait jamais à haute voix, la même terreur. Le récent-trentenaire accepta, finissant par négocier, deux jours avant le démarrage, un poste de manager d'équipe. Il avait tout pensé, ce connard.

Donc aujourd'hui il était là, 30 ans, forcé de porter un uniforme bidon pour aller travailler dans la supérette du coin, comme un gamin qui a besoin d'argent de poche pour s'acheter un scooter alors qu'il était plein aux as. Et ce, simplement parce que son père avait envie d'astiquer sa réputation de bonne famille digne de Donwell. Encore des mensonges, toujours des mensonges. Sa vie en était remplie.

Et il y avait le plus gros des mensonge de tous. Celui qui le tourmentait intimement tous les jours, inlassablement. Ce mensonge que lui-même ne s'avouait pas, dont il préférait ignorer les signes et les pulsions. Ce mensonge qui l'obligeait à se renier lui-même, à faire semblant dans des bras féminins, régulièrement, pour oublier qu'au fond de lui, ce sont des bras d'hommes, dont il avait toujours eu envie.